Peut-on parler d’une diplomatie du Coronavirus ?
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La crise sanitaire provoquée par la pandémie du Coronavirus qui a complètement chamboulé la vie de la totalité de la planète avec des implications multidimensionnelle, révèle des effets collatéraux évidents dans l’agencement des rapports entre les nations. Nous sommes dorénavant bien au-delà d’une simple question de sauvetage de l’humanité, nous sommes entrés dans une nouvelle ère qui mérite une compréhension approfondie. Nous avons interrogé SHANDA TONME.

Peut-on aujourd’hui parler de guerre d’un autre genre entre les nations ?

Jamais depuis la crise pétrolière intervenue à la suite de la troisième guerre israélo-arabe de 1973 qui vit le prix du baril majoré par les pays arabes producteurs de moins de 5 dollars à presque 40 dollars en l’espace de quelques jours pour punir l’Occident accusé de soutenir Israël, le monde n’avait vibré autant au rythme d’une quête collective de solution à un problème. La plupart des économies avaient alors plongé dans le désordre et la précarité, et il fallait faire vite pour trouver une parade. Les grands noms de la diplomatie mondiale à l’instar d’Andrei Gromyko de l’URSS, Henry Kissinger des Etats Unis et Michel Jobert de la France, étaient alors au sommet de leur art.

Mais peut-on vraiment comparer les deux situations ?

Oui, parce que personne en dehors des pays producteurs ne savait vraiment où allait s’arrêter la flambée des cours du baril, ni ne pouvait déterminer avec exactitude les conséquences, la ravages et surtout les voies de sortie. Valery Giscard d’Estaing alors fraîchement porté à la tête de la France, avait organisé la première conférence Nord-Sud à l’avenue Kléber à Paris, pour rechercher une solution, trouver un consensus. Mais en réalité, c’était pour manipuler les pays producteurs et obtenir des garantir sur un prix plancher et un prix plafond qui permettrait aux Occidentaux d’investir dans le nucléaire.

Non, parce que ici, avec le Coronavirus, tous les pays sont touchés de plein fouet, exposés et menacés par un agent criminel qui ne connaît ni les limites des races, ni la frontière religieuse et ni la puissance financière et économique. Le Coronavirus est un terroriste complet et suprême qui dépasse les pouvoirs de veto du Conseil de sécurité de l’ONU et frappe les puissants comme les riches.

Et la diplomatie dans tout cela ?

Votre question vient à propos, parce que l’avènement de Donald Trump à la tête des Etats unis a complètement remis en cause les fondements du consensus international pour la coopération, la paix et la coexistence intelligente bâti depuis des décennies et avec des efforts colossaux dans le cadre de l’ONU et grâce à l’institutionnalisation du multilatéralisme. Trump n’a pas cessé de déclarer que les intérêts de son pays passaient avant la survie de l’humanité et primaient sur le consensus mondial. Il a remis en cause l’ensemble des mécanismes de concertation, et cassé le socle d’émulation normative en vue de la résolution des conflits, la sauvegarde de l’écosystème et la maîtrise de la course aux armements. Comment dans ces conditions ne pas redouter que le vide d’accords diplomatiques et de convivialités entre les politiques économiques, ne débordent pas sur les préoccupations sanitaires, sur la mésentente parfaite dans la quête de solutions et de recherches consensuelles, pour préserver l’humanité d’une pandémie ?

Mais vous êtes trop dur à l’égard du président Américain ?

Non, nous sommes entrés depuis le début de l’ère TRUMP, dans le grand désordre diplomatique dont la principale résultante est la perte de confiance presque absolue entre les nations du Centre, avec un impact extrêmement négatif dans les nations de la périphérie condamnées à subir les rythme, les aléas et les turpitudes venus d’ailleurs. Ecoutez, quand le président Américain parle de « virus chinois », il perpétue logiquement une diatribe d’indexation qui est au cœur de sa perception du monde. C’est une conception stratégique qui alimente la guerre et des répliques contraires aux soucis de pacifier les rapports entre les nations.

Mais il semble que la Chine aussi a mis en cause les Etats unis ?

L’annonce chinoise n’est que la réponse du berger à la bergère, et l’argument utilisé met en exergue une origine du virus qui se situerait dans une grippe importée en Chine par un ou des soldats américains. Voilà où nous en sommes, et ne soyez pas surpris que demain, l’on attribue l’origine de ce virus à un animal ou à un insecte d’Afrique. En réalité.

Comment expliquez-vous ce dérapage ?

Ecoutez, les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats unis étaient intervenus dans un contexte de blocage voire de paralysie complète des négociations de paix au Proche orient ainsi que sur plusieurs autres dossiers internationaux sensibles. A l’époque, ça grondait partout, mais les pouvoirs, les intérêts étaient tellement indifférents, distraits, et Georges Bush arrivant fraîchement au pouvoir n’avait pas pris la mesure du danger. Dites-moi, quand TRUMP, menace la Chine, quitte les accords de Paris sur le climat, quitte l’accord sur le nucléaire iranien, quitte l’accord avec Moscou sur les missiles nucléaires intermédiaires, dénonce l’accord avec Cuba, et ainsi de suite, quel monde et quelle diplomatie se présente à nous dans une crise sanitaire globale et généralisée ?

La situation actuelle permet-elle néanmoins des espoirs de retour au bon sens ?

Je ne le pense pas, parce que le discours de TRUMP ayant exacerbé les nationalismes, vous vous rendez compte que face à la pandémie, il n’y a aucune réponse cohérente, globale et consensuelle. Au contraire, un véritable désordre s’est installé, et on voit les Etats se débrouiller et s’embrouiller chacun pour soi, avec une oreille tendue vers les recommandations d’ailleurs très mal suivies de l’OMS.

Mais n’assiste-on pas tout de même à des élans de solidarité internationalistes ?

C’est ici le début d’une affirmation effective, de ce que je peux appeler « la diplomatie du coronavirus ». Face à l’Iran qui dit catégoriquement non à toute aide américaine, vous avez Cuba qui dépêche des médecins en Italie. Je signale que CUBA est la première nation au monde pour la proportion de médecins par habitant, loin devant les Etats unis et l’Europe. Vous avez encore Poutine qui dépêche ses spécialistes sanitaires de l’armée rouge en Italie, vous avez la Chine, encore et surtout la Chine, qui fait débarquer par cargos entiers, des masques et des médecins en Europe. Vous avez le patron du géant chinois de vente en ligne, qui fait atterrir du matériel de dépistage en centaines de millions de dollars en Ethiopie. Le monde vit un moment fort et même très fort, susceptible de provoquer une réorientation de certaines stratégies diplomatiques.

Devrait-on affirmer que la Chine démontre sa puissance et se repositionne ?

Oui, je partage le sens de votre question, mais je vais plus loin. Quand cette crise sanitaire a commencé en Chine, les médias occidentaux souhaitaient ouvertement qu’elle entraîne la chute du régime à Pékin, usant et abusant des langages de la guerre froide. On se vantait à Paris, Washington et Bruxelles, on parlait de l’effondrement certain de l’économie chinoise qui ne serait pas accepté par la population, on parlait de la mauvaise gestion de la crise, on parlait de la sale et sournoise dictature. Où en sommes-nous aujourd’hui ?

Effectivement où en sommes-nous ?

Non seulement la Chine a administré au reste du monde la preuve de sa vitalité et de sa puissance, mais en plus, elle s’est débarrassée de la maladie, elle s’est ensuite levée pour voler au secours de l’Occident dépassée et désemparé. Souvenez-vous, les fanfaronnades de TRUMP sur l’Amérique qui est très forte, qui la première en tout, qui est préparée pour tout et face à tout, qui a la première et la plus puissante armée du monde. Ce genre de discours est aujourd’hui battu en brèche par la réalité d’une crise sanitaire hors normes. Le Coronavirus est plus fort que la force de TRUMP. Voici donc la suprématie remise en cause par un célèbre, vulgaire, dangereux et mortel individu, un véritable intrus dans l’ordonnancement et la détermination des paramètres de la puissance stratégique et géopolitique.

Et s’il fallait lui coller une épithète diplomatique ?

Ah là, le coronavirus, il faut le respecter pour sa capacité à susciter et à entretenir les égoïsmes et les sectarismes. Constatez avec moi que le mal et la menace des pays puissants n’est plus dans l’invasion par les misérables qui crèvent en mer, ni les montagnes de réfugiés engendrés par les guerres et le désordre qu’elle a créé en Lybie, en Irak, en Syrie et en Afghanistan. La menace est locale, invisible, insaisissable et brutale, et porte un nom scientifique. Ecoutez bien, personne ni aucun gouvernement là-bas, ne pense plus à ce qu’ils appellent leur chasse gardée. La menace est telle que, il faut sauver sa peau, d’abord sa peau. La coopération et les autres gestes humanitaires et proclamations de solidarité sont renvoyés aux calendes grecques. On comprend dès lors que la coopération, l’humanitaire ne sont que soit des surplus, soit des ristournes, soit des arrangements d’exploitation tant qu’il n’y a pas péril en la demeure pour soi-même, pour les supposés donateurs et bienfaiteurs.

Que nous réserve les lendemains sur le plan strictement diplomatique ?

Ecoutez, la diplomatie du coronavirus est une réalité qui renvoi à des postulats inamovibles et stables des relations internationales. En somme il y a une diplomatie de temps de paix, et une diplomatie de temps de guerre. Conséquemment, il y aura un avant, un pendant, et un après diplomatie du coronavirus.

La leçon est selon vous une affirmation catégorique, ou alors une prévision d’expert ?

Non, ni l’un nu l’autre. Et ce n’est plus seulement une affaire de médecin, c’est une affaire qui interpelle tous les segments des articulations existentielles de l’humanité. Il fallait cette pandémie pour rappeler au monde, aux puissants la vanité de leurs démonstrations d’impérialisme et de domination. L’homme a sans doute crée et pu dominer la machine, mais il n’a ni vaincu les causes, toutes les causes et les sources des maladies, ni réussit à construire des certitudes scientifiques inattaquables et permanemment maîtrisables. Nous restons mortels, vulnérables et en quête de solutions pérennes, d’où l’invitation aux puissants comme aux faibles, aux riches comme aux pauvres, à la constante de l’humilité et de l’espérance.

Faut-il craindre quand même pour la suite ?

Je crois que oui, parce que cette pandémie même si on peut affirmer qu’elle est soudaine, révèle les surprises désagréables auxquelles l’humanité pourrait être exposée, virtuellement ou en temps réel. Voyez-vous, ce qui choque dans la conduite de TRUMP, c’est son irresponsabilité face à la menace de la destruction de la planète. Les puissances militaires ont travaillé longtemps sur les armes bactériologiques, et bien que des conventions internationales aient proscrit leur élimination, des stocks subsistent dans les dispositifs militaires de la plupart des armées. Nous parlons des armes dont la maîtrise de la destinée, du contrôle du gardiennage et de la dissémination, n’est pas absolument certaine. C’est bien ce que Bush avait dénommé « les armes de destruction massive », et dont il s’était servi comme prétexte pour envahir l’Irak, contre l’avis de l’ONU et avec les conséquences que l’on sait, et que l’on regrette amèrement aujourd’hui. IL n’y a plus en réalité de puissance suprême, et c’est ce qu’a si bien démontré les attaques contre les deux tours du world trade center de New York le 11 septembre 2001. La science est universelle, et sa maîtrise procède de l’intelligence et de la connaissance humaine universelle. Tous les Etats, tous les peuples et presque toute l’humanité intelligible, dispose de capacités naturelles d’avancer vers l’excellence. Tout est question de politique, de stratégie, de moyens et surtout de détermination.

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