Monsieur le Secrétaire d’Etat à la Défense. J’ai l’honneur d’éveiller la précieuse attention, sur les faits suivants :

13h 20, ce vendredi 6 juillet 2018. J’arrive à la sortie du pont d’Ebebda en allant vers l’Ouest. Impossible de passer, parce que plusieurs cars de transports bondés de passagers et de Camions, sont stationnés des deux côtés, rendant la chaussée étroite, avec des risques très élevés d’accident. Je descends de mon véhicule, et fais une centaine de mètres à pied.

A gauche, est stationné un véhicule Carina E de couleur verte, portant une immatriculation SW. Débout et tenant la portière côté chauffeur, un gendarme routier, de teint sombre, grand de taille, crâne nu, sifflet à la bouche. A l’arrière du véhicule, un banal individu, vêtu d’un Tee shirt bleu. Je constate que les rôles sont répartis. Le gendarme siffle et agite la main à tous les cars et camions, enjoignant de garer. Les chauffeurs en descendent et vont vers la voiture, se penchent à l’arrière, et glissent un billet au mec assis dans le véhicule.

M’étant rendu compte du braquage, je prends sur moi d’ordonner à tous les véhicules de s’en aller, et à d’autres de ne plus s’arrêter. Le gendarme qui a compris, se précipite dans le véhicule, récupère sa caisse, et donne une partie à son caissier, puis démarre en trombe et s’enfui comme un voleur sous les moqueries des populations et des conducteurs.

Monsieur le Secrétaire d’Etat,

IL s’agit d’une situation très grave. La semaine d’avant, au même endroit, j’avais vécu la même scène, mais cette fois, j’avais évité de prendre toute initiative, afin de ne pas malmener

l’autorité du gendarme. Je m’étais contenté de m’approcher de lui, et de lui faire la remarque : Mon adjudant, pourquoi pouvez-vous vous comporter ainsi ? Ne voyez-vous pas que ce que vous faites n’est pas bien et humilie votre métier ? Je vous rappelle qu’il nous a fallu deux ans de batailles et de dénonciations, pour amener vos supérieurs de Bafia, à ne plus entretenir de poste de racket ici à la sortie du pont, parce que c’est dangereux. L’intéressé m’avait alors répondu ainsi : « Mes respects autorité. C’est qu’après la découverte du corps de l’Evêque dans l’eau, le SED nous avait instruit de remettre un contrôle ici.

Je savais pertinemment qu’il mentait, mais je suis parti. J’ai pris le soin de laisser un informateur sur place, avec mon numéro de téléphone. Le soir, ce dernier m’a informé que le gendarme, agissant seul, est resté interpeller exactement 140 cars et camions, en quatre heures de temps.

Voilà, à quoi servent les gendarmes que l’on appelle couramment « Routiers ». Ce sont des millions de Francs CFA collectés chaque jour, usant de la tenue officielle pour une entreprise de braquage et d’extorsion des fonds, sans foi ni loi, sans honte ni crainte.

Je tiens à signaler, pour la gouverne de votre haute autorité, quatre constats majeurs :

1 – Les gendarmes ne travaillent plus à deux sur les grands axes. Ils préfèrent répartir les jours, chacun y allant individuellement, afin de maximiser le gain.

2 – Les gendarmes, travaillant seul, ont recours à un supplétif recruté sur place, généralement pour tenir la caisse

3 – Les gendarmes préfèrent un endroit où se trouve un petit abri avec un toit et une ou deux chaises, ou banc. L’endroit servira de caisse, et les interpelés s’y rendent, remettent le billet et repartent, souvent même plus besoin de le glisser dans le dossier. C’est entre copains, entre complices.

4 – Les gendarmes peuvent décider de changer à guise, le lieu de leur besogne, ce qui démontre à suffire, qu’il n’existe pas de consignes pour un poste fixe à un endroit précis.

Je tiens enfin, à éveiller votre attention, sur le fait, que le drame du gendarme assassiné sauvagement sur l’axe de Tiko récemment, serait dû, selon nos renseignements, à sa position esseulée.

Monsieur le Secrétaire d’Etat,

Il est crucial de retrouver le gendarme qui était en action ce vendredi 6 Juillet 2018 à la sortie du pont d’Ebebda et de lui appliquer la plus haute des sanctions.

IL est définitivement urgent, de résoudre ce problème à sa racine. La honte que cela représente pour l’ensemble des forces de sécurité est inestimable et lourd de préjudices. Quelle éducation ces gens donnent à leurs enfants à la maison, et comment justifient-t-ils aux yeux de leurs épouses, les centaines de milliers de Francs ramenés chaque jour ?

Dans l’opinion publique, il est largement répandu que ces officiers et agents, achètent très chèrement leur poste, et qu’ils reverseraient une partie des gains à leurs différents supérieurs

hiérarchiques. Même à penser ainsi, il faut trouver une solution radicale pour y mettre fin aussi bien en aval qu’en amont.

Il va sans dire, que ces développements, n’enlèvent rien sur le formidable travail abattu par la gendarmerie dans son ensemble, avec des succès qui m’ont souvent amené à vous adresser des félicitations.

Ce qui m’inquiète simplement au plus haut niveau, c’est que le pays est en situation de guerre ouverte sur plusieurs fronts. Les comportements doivent au moins évoluer, et les mentalités changer, pour tenir compte de la situation et y faire face plus efficacement, avec le concours et le respect des populations et non l’inverse.

Je vous souhaite bonne réception, et dans l’attente de votre prompte et diligente réaction, permettez, Monsieur le Secrétaire d’Etat, que je saisisse l’occasion, pour vous renouveler mes encouragements, ainsi que ma haute et fraternelle considération./

Pr. SHANDA TONME

Copie : MINDEF