CAMAIR-CO : Ernest Dikoum programme la mort du Dja
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Cloué au sol depuis septembre 2016 alors que son potentiel opérationnel était encore optimal, le Boeing 767 le Dja est aujourd’hui presque en épave. Et l’activisme du Dg de Camair-Co de le mettre en berne dans les ateliers d’Ethiopian Airlines s’apparente à une organisation bien articulée des funérailles de l’unique gros porteur de la compagnie aérienne nationale. Décryptage des différentes symphonies qui se jouent autour du Dja avec pour acteur principal Ernest Dikoum.

1-Pourquoi le Dja est-il cloué au sol depuis plus d’un an ?

Tentatives de nettoyage du tableau de bord et de l’essentiel du système électronique sérieusement atteints par l’humidité et la corrosion, colmatage des pneumatiques et autre train d’atterrissage, tel est l’activisme qui se déroule, depuis le 14 septembre 2017, autour du Boeing 767/300 TJ-CAC de Cameroon Airlines Corporation sur le tarmac de l’ancien aéroport de Douala. Les mécaniciens de la compagnie nationale qui s’y attèlent, sans cacher leur embarras et amertume, s’inquiètent sur l’état avancé de décomposition du seul gros porteur qui assurait la ligne de Paris. «Nous nous battons, comme a instruit le directeur général, pour faire le maximum d’efforts afin que cet avion qui, depuis début septembre 2016, était cloué au sol pour des raisons que nous ignorons, aille dans les ateliers d’Ethiopian Airlines avant la fin de ce mois de septembre », affirment les techniciens du département de la  maintenance de Camair-Co.

De sources proches de la direction générale de Camair-Co, cette instruction de faire atterrir en urgence le Dja en Ethiopie aurait été donnée par le ministre des Transports, Edgar Alain Mebe Ngo’o, sans toutefois préciser les enjeux. Pour le personnel, tout s’apparente à une mafia bien articulée pour conduire le Dja au cimetière en Ethiopie. En août 2016, au départ de l’équipe Edouard Akame Mfoumou et Jean-Paul Nana Sandjo de la Camair-Co, le Dja revenait tout fraîchement d’une grande visite technique (Check C), qui avait couté près de 2 milliards de Fcfa et était dans les conditions optimales d’exploitation. Le différend qui opposait l’Autorité aéronautique à la Camair-Co relatif à la suspension de ses vols en direction de Paris avait trouvé un heureux dénouement. La Ccaa avait, en effet, levé la suspension. Les équipes de Camair-Co se préparaient ardemment à reprendre la ligne Douala-  Nsimalen-Paris.

Par ailleurs, s’agissant de la certification Tco, la nouvelle réglementation européenne qui autorise les compagnies aériennes de survoler le ciel européen, la date butoir était fixée au 26 novembre 2016. L’équipe technique de Camair-Co était fin prête pour son passage, le 27 octobre 2016, devant la commission d’évaluation et d’approbation d’Easa à Cologne en Allemagne pour l’obtention de ladite certification. Ce d’autant plus que la compagnie nationale avait bénéficié d’un appui technique des experts de l’Union européenne, spécialisés en la matière. Ainsi donc, avec le Dja fraîchement revenu de la grande visite, la suspension par la Ccaa des vols vers Paris levée et le rendezvous avec Easa pour le Tco confirmé, tout était mis en place pour que les vols à destination de Paris puissent reprendre normalement. Au vu de ce cliché tout à fait reluisant sur le plan technique et opérationnel du «Dja», rien ne justifiait que le Dja soit abandonné sur le tarmac de l’ancien aéroport. D’ailleurs, bien entendu sous l’ère Dikoum, c’est le Dja qui va opérer, courant septembre 2016, le transport des pèlerins du Hadj 2016 et même, par la suite, effectuer quelques vols commerciaux vers le Nord-Cameroun.

2-Une décision périlleuse pour le gros porteur de Camair-Co

Le personnel technique et opérationnel de Camair-Co est unanime à reconnaitre qu’Ernest Dikoum aurait dû continuer le processus initié par son prédécesseur. Et notamment en exploitant le Dja sur la desserte de Paris, la plus pourvoyeuse de revenus, qui produit entre 70 et 80 % des recettes de la compagnie. Mais, contre toute attente, il va confiner Camair-Co à une compagnie aérienne qui opère aujourd’hui uniquement sur le réseau domestique, avec son fameux slogan «le Cameroun d’abord». En conséquence, cloué au sol depuis près d’un an, le Dja est soumis aux caprices des intempéries, sans entretien, sansmême effectuer de temps en temps, ne serait-ce qu’un tour de piste. Comble de malheur,la non prise en considération de la situation géographique de Douala, situé au bord de la mer, zone à fort potentiel d’humidité, est très propice à une corrosionrapide des avions. Et le Dja n’a certainement pas échappé, dans ce contexte, à des attaques anarchiques de corrosion.  

3-De lourdes conséquences financières

De prime abord, le fait de clouer l’avion au sol ne saurait être synonyme d’une quelconque politique de réduction de charges comme ne cesse de le clamer Ernest Dikoum. En vérité, que l’avion ait effectué des vols ou pas, il génère des charges fixes. Pour ce qui est du Boeing 767-300, le Dja, cloué au sol depuis un an, la location des moteurs, la maintenance en ligne, le support équipement, les réserves de maintenance et autres dépenses inhérentes aux prescriptions du constructeur, ont naturellement continué de courir et se chiffrent aujourd’hui, à près de 4 milliards de Fcfa.

Au nombre des obligations inhérentes aux prescriptions du constructeur Boeing, il faut préciser que l’avion doit, tous les 18 mois, aller en visite technique. Peu importe qu’il ait effectué des vols ou pas. Quant au Dja resté au sol pendant aussi longtemps, sans maintenance, il faudra obligatoirement refaire la grande visite (CheckC-04), avec inspection structurale complète. Une opération qui coûtera encore au moins 2 milliards de Fcfa. Pourtant, si l’avion avait été opérationnel, cette visite technique n’aurait coûté que quelques centaines de millions de Fcfa correspondant à la petite visite (Check C-01).

Tout compte fait et selon des cadres techniques de la compagnie nationale, cette décision malencontreuse de l’actuel manager d’immobiliser sans entretien, cet aéronef, coûtera au bas mot, au moins 6 milliards de Fcfa. «Il ne peut s’agir ici, ni plus ni moins, que d’une faute de gestion avec incidences financières. Les 6 milliards qui seront ainsi perdus devront être imputés à Ernest Dikoum pour décision ruineuse et absence de diligence dans la préservation d’un bien public», martèle-t-on dans les allées de la Direction générale de Camair-Co.

En fait, il s’agit d’un secret de polichinelle, tout gestionnaire d’une société à capitaux publics, a l’obligation de veiller, en toutes circonstances, à ce que l’argent public ne soit ni gaspillé, ni perdu suite à des décisions managériales inappropriées et ruineuses. « Il y a eu de la part d’Ernest Dikoum, une mauvaise décision et une absence totale de diligence en vue de préserver cet avion, ceci pendant une durée anormalement longue », confie un expert de l’aéronautique. Pour le personnel, Ernest Dikoum aurait dû, par exemple, mettre le Dja sur le marché des locations d’avion. « Cette option aurait permis, non seulement d’assurer la maintenance de l’avion, mais aussi à l’entreprise d’engranger quelques recettes, en plus de maintenir valides les licences des personnels navigants. Mais, rien ne semble avoir été fait dans ce sens… »

Dans le même ordre d’idées, le Dg de Camair-Co aurait pu prendre des dispositions pour que le Dja transporte les pèlerins lors des opérations du Hadj 2017, comme ce fut le cas pour les Hadj 2014, 2015 et 2016. Les bénéfices générés par cette opération, environ un milliard de Fcfa, apprend-on, aurait pu permettre de résorber ne serait-ce qu’une partie de la dette sur cet avion. Au lieu de cela, Ernest Dikoum a préféré louer un avion saoudien pour transporter les pèlerins camerounais. « Aujourd’hui, non seulement la dette fournisseur sur le Dja est allée croissante, pis, les licences des personnels navigants techniques et commerciaux sont périmées. Il faut tout recommencer à zéro. Nous sommes fatigués depuis presqu’un an de nous tourner les pouces, faute d’occupation », se lamentent des pilotes et hôtesses jadis qualifiés sur le Boeing 767.

Dans l’entourage proche d’Ernest Dikoum, des langues commencent à se délier pour dire que le Dg de Camair-Co se serait énervé parce que le coup qu’il avait préparé pour surfacturer, à hauteur de 2 milliards de Fcfa, la réparation des moteurs du Dja à travers Ethiopian Airlines n’ayant pas prospéré, il a attendu le bon moment pour rebondir. Et ce moment semble arrivé. «Cette stratégie du directeur général qui laissait entrevoir un deal signé avec les Ethiopiens ayant échoué, il va abandonner le Dja sur le tarmac pour attendre une autre occasion. Le Pca Mefiro Oumarou qui était devenu un empêcheur de tourner en rond ayant été remercié, la voie est désormais ouverte à Ernest Dikoum et son mentor Edgard Alain Mebe Ngo’o, à toutes sortes de trafic sur fonds de retro commissions avec les Ethiopiens », confie une source à la Direction générale de la Camair-Co. N’empêche ! Ce qui s’apparente à un forcing pour envoyer l’avion, coûte que coûte, en Ethiopie ne va pas sans susciter des questions et notamment sur le plan administratif, technique et règlementaire.

« Dans la pratique, le départ d’un avion pour une visite technique dans un atelier nécessite au préalable un cahier de charges (workpackage) préparé avec minutie par les services techniques de la compagnie. Ledit cahier des charges doit être approuvé par le service qualité. Puis, un appel d’offre est lancé pour sélectionner le meilleur prestataire. Le dossier de consultation est ensuite transmis au ministère des Marchés publics pour solliciter l’autorisation d’attribuer par voie de gré à gré au moins disant… »Confie l’expert Dans le cas d’espèce du Dja en partance pour Addis-Abeba, aucune de ces diligences n’aurait pas été entamée : «Le Dja est en train d’aller en Ethiopie sans que nous, responsables techniques de la compagnie, n’en sachions les motivations techniques. Tout laisse croire que c’est l’atelier d’Ethiopian Airlines qui décidera de la nature et des quantités des travaux à faire et les facturera au gré de son bon vouloir, avec bien entendu, obligation pour la Camair-Co de payer», rouspètent sous cape certains responsables techniques de Camair- Co.

Non sans soutenir qu’il est admissible d’accorder l’exclusivité de la maintenance des avions d’une compagnie à un fournisseur qui n’est pas en situation de monopole et qui, curieusement, se trouve être toujours plus cher que ses concurrents. Pire, envoyer l’avion en Ethiopie sans au préalable disposer d’un cahier de charge et sans appel à la concurrence est une violation grave et flagrante du code des marchés camerounais. L’obstination d’Ernest Dikoum de violer, sans état d’âme et sans aucune gêne la réglementation n’est pas nouveau. Au mois de mai 2017, nous indique une source à la direction de la maintenance de Camair-Co, il a foulé aux pieds la procédure quant à la visite technique des deux Boeing 737, toujours au profit du même prestataire, Ethiopian Airlines. Pour ce qui est du Boeing 737 QCA, il avait commencé par lancer une consultation au bout de laquelle, la société Eas France qui avait soumis une offre de 175 millions de Fcfa a été sélectionnée.

Mais à la surprise générale des membres de la commission d’attribution de Camair-Co, l’avion a plutôt pris la direction de l’Ethiopie où, après les travaux, une facture finale d’environ 750 millions a été présentée et payée, soit un surplus de près de 575 millions de Fcfa environ. Pour le Boeing 737 QCB, nous indique la même source, il ne s’était plus gêné de faire une quelconque consultation. Il a tout simplement envoyé l’avion directement en Ethiopie et l’opération a coûté environ 850 millions de Fcfa, pour une visite dont des experts précisent que le coût dépasse rarement 200 millions de Fcfa soit en principe, un surplus de près de 650 millions de Fcfa. Il a la poigne, Ernest Dikoum Est-ce à dire que le Dg de la Camair-Co serait englué dans un réseau mafieux de surfacturation avec Ethiopian Airlines ? Pour le personnel, cela ne ferait l’objet d’aucun doute. Surtout si l’on se rappelle qu’une surfacturation de 2 milliards de Fcfa avait été décriée il y a quelques mois, toujours avec le même fournisseur, pour la réparation des moteurs du Dja alors que ce prestataire, Ethiopian Airlines, avait bel et bien indiqué, par écrit, qu’il n’avait pas les capacités techniques pour réparer ces moteurs et qu’il allait sous-traiter l’opération.

4-Les loueurs des moteurs aux trousses du Dja

«La pire des choses qui puissent arriver à un avion, c’est de se retrouver sans moteur. Dans ce cas, le risque de devenir une carcasse est très élevé puisque sans moteurs, aucun essai pertinent ne peut être envisagé », affirment des experts en aviation civile. C’est probablement ce qui risque d’arriver au gros porteur de Camair-Co s’il quittait le ciel camerounais sans que des dispositions nécessaires ne soient prises pour préserver son intégrité. Les loueurs des moteurs du B.767 sont aux aguets. Las d’attendre une réponse relative aux paiements de leurs factures, ces fournisseurs, américains et anglais, auraient déjà obtenu des décisions de justice les autorisant à enlever leurs moteurs de cet avion.

De sources proches de ces firmes, Ernest Dikoum ayant coupé toute communication, aucune saisie ne pouvant être envisagée à Douala, ils attendent avec impatience que cet avion décolle du Cameroun pour agir. Il va sans dire que l’Ethiopie sera un terrain très favorable pour que le Dja se retrouve sans moteurs. Pourtant, Ernest Dikoum et certains de ses cadres sont au parfum de ces informations très sensibles pour l’avenir du Dja. Gravissimo, les deux moteurs en propriété ne sont pas encore réparés. Et même à supposer que l’Etat s’engage à débourser les 3 milliards de Fcfa nécessaires à leurs réparations, il faudrait attendre quatre à six mois pour qu’ils soient prêts pour l’utilisation. Entre temps, la carcasse du Dja, dans le cas où les moteurs auraient été enlevés, continuera à subir des attaques de corrosion à Addis-Abeba.

«L’activisme actuel d’Ernest Dikoum et de son mentor d’envoyer, dans la précipitation, le Dja en Ethiopie, s’apparente à une stratégie bien huilée de mise à mort de l’unique gros porteur de la compagnie. Il ya péril sur le Dja et il faut coûte que coûte le sauver de la mort programmée par Ernest Dikoum et ses complices », conclut un cadre de la direction commerciale de Camair-Co. Parmi les questions sui taraudent les esprits des observateurs est celles de savoir ce qu’est devenu le plan d’urgence du président de la République et de savoir s’il est au courant de cafouillis de gestions à la Dikoum, tout puissant Dg de Camair-Co. Pour combien de temps encore ?

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