LE POUVOIR POLITIQUE AU CAMEROUN
CAMEROUN :: POINT DE VUE

LE POUVOIR POLITIQUE AU CAMEROUN :: CAMEROON

Dans la confusion qui est sa principale caractéristique depuis 1982, dans notre pays les choses ont évolué de telle manière qu'il faut désormais aborder la question du pouvoir politique du régime pourtant hyper centralisé, sous le prisme d'un président de la République qui n'est plus que la tête symbolique d'un système dont il ne commande plus les rouages.

Et la meilleure illustration de ce paradigme est le credo des "hautes instructions" qui sont régulièrement et abondamment servis en lieu et place des actes constitutionnels que sont les décrets présidentiels . Compte tenu de cette évolution qui a manifestement gommer la verticalité de l'État, il faut alors moins parler du pouvoir politique du président en tant que tel, et lui substituer plutôt la notion généraliste de politique et de l'utilité sociale, son corollaire qui nous semblent contextuellement avoir plus de sens. Et c'est donc vu sous cet angle-là, que d'une part, pour nous la politique n'a de signification que si elle est mise au service de l'homme, et, d'autre part, que pour la définir, nous faisons nôtre ce que disait Mr Jacques Chirac, l'ancien et regretté président français, dans une formule ramassée qui à notre avis fait parfaitement bien la synthèse de la chose : "Le but de la politique est de rendre possible ce qui est souhaitable pour et par la majorité". Il y a dans cette paraphrase deux choses qui nous paraissent importantes. Il y a d'abord le mot politique qui renvoie au pouvoir exécutif, et, il y a ensuite les mots "ce qui est souhaitable par et pour la majorité" qui renvoient au peuple souverain. Il y a donc d'une part, le sujet exécutant (la politique), et, il y a d'autre part, le but ou l'objet à atteindre par le sujet qui montre clairement qu'on ne fait pas la politique pour la politique (rester par exemple au pouvoir pour le pouvoir), on la fait pour principalement et avant tout atteindre notamment le premier objectif qui est l'amélioration de la vie des populations au service desquelles le pouvoir exécutif qui n'est qu'un mandataire, officie in fine. 

C'est cette conception patriotique et démocratique du pouvoir qui est aux antipodes de la conception patrimoniale et oligarchique de ses tenants actuels dans notre pays, qui caractérise au fond le nationalisme camerounais et qui renvoie dans les statuts de l'UPC, à la fameuse clause de l'amélioration du standard de vie. Une conception patrimoniale anti-patriotique qui transparaît effectivement dans la manière dont le pouvoir politique est concrètement exercé dans notre pays depuis 1960 et plus encore depuis 1982 avec l'avènement du président Paul Biya qui a excellé dans sa domestication et sa personnalisation. Pour illustrer notre propos sur cette question précise, puisque très souvent comme le dit l'adage, c'est dans les détails que se cache le diable, prenons simplement le cas de la photo du chef de l'État que l'on trouve partout aussi bien dans les bureaux des chefs de services, des ministres, que dans l'hémicycle des deux chambres du Parlement, et que à ce rythme-là, il est plutôt étonnant de ne pas encore trouver dans les édifices religieux. Quelle est donc la justification et la signification de l'omniprésence  de la photo de l'homme qui incarne le pouvoir exécutif, même dans les lieux qui devraient pourtant symboliser et consacrer la séparation des pouvoirs qui est la principale caractéristique d'un régime démocratique, si ce n'est de montrer que cette supposée séparation n'est qu'un leurre, et que c'est le chef considéré ici comme étant omniscient et omnipotent, qui est l'alpha et l'oméga dans tout et partout ? Une omniprésence qui ne cadre objectivement malheureusement pas avec la démocratie constitutionnelle. Une contradiction antagonique qui nous amène donc, si l'on considère que nous sommes concrètement dans l'agora démocratique constamment proclamée mais qui se dédit malheureusement à travers les actes concrets qui sont posés, à dire sans hésiter que depuis 41 ans, l'État au Cameroun n'est qu'un théâtre d'ombres où l'on joue la comédie et se livre à la fois et concomitamment à la parodie et à la palinodie du pouvoir politique.

PARLONS DE LA COMÉDIE...
"Ne dure pas au pouvoir qui veut, mais qui peut". Cette citation est probablement l'une des rares choses que le président Paul Biya léguera à la postérité. Mais dans celle-ci, il parle d'un pouvoir qu'il n'a pas en réalité puisque au-delà de sa désarticulation interne, vis-à-vis de l'extérieur, l'État dont il est à la tête est historiquement un État croupion et vassal qui non seulement depuis la défaite des nationalistes de l'UPC, fait partie du pré-carré francais, mais aussi ne donne réellement aucun signe concret indiquant qu'il pourrait en sortir. Il n'est donc pas exagéré dans ce cas de parler de la comédie du pouvoir. 

... DE LA PARODIE
Comme dans les ordres ecclésiastiques, en politique aussi, l'habit ne fait pas le moine. L'indépendance n'est pas une simple vue de l'esprit mais une réalité qui s'assume à travers des actes souverainistes que l'on doit constamment poser. Et au nombre de ceux-ci il y a notamment celui de battre monnaie. Le Cameroun qui n'est pas indépendant ne peut pas le faire. Et c'est pour qu'il ne puisse pas le faire que l'on a assassiné en 1958 Ruben Um Nyobe réfugié sans arme dans le maquis de Libelingoi. Ce qui se passe à Yaoundé jusqu'à présent est donc ni plus ni moins qu'une parodie du pouvoir dû à un défaut de la vraie indépendance. Nombre de nos compatriotes ont dû mal à le croire et même à le comprendre puisqu'il n'y a pas de base militaire française au Cameroun comme au Gabon ou en Côte d'Ivoire et au Sénégal. Ce qu'ils n'intègrent pas dans leur raisonnement c'est que justement à cause de l'assassinat du Mpodol Ruben Um Nyobe en 1958, la France ne peut pas avoir une présence militaire de ce genre au Cameroun. Dans notre pays qui a la particularité historique d'avoir pris les armes pour accéder à la liberté, elle a la contrainte de devoir toujours avancer masquée et ne peut pas occuper le terrain physiquement.  Elle doit continuellement se contenter d'occuper la tête et l'esprit de nos dirigeants et de notre intelligentsia compradore car à l'impossible nul n'est tenu comme on dit.

... DE LA PALINODIE
Cabriole, changement, désaveu, rétractation, reniement, revirement, changement, retournement. On pourrait multiplier à l'infini et à  loisir les synonymes et tous les affubler au pouvoir politique camerounais. Mais au-delà des mots, il y a la réalité de ce que le Cameroun donne objectivement à voir actuellement avec un président de la République, qui donne l'impression de n'être plus qu'une cerise sur le gâteau, et dont les rares apparitions renvoient à la mécanique d'une boîte à malice que l'on actionné au gré de la convenance des évènements. Plus qu'une figure de style,  le pouvoir politique au Cameroun est donc réellement une palinodie.

EN CONCLUSION 
Un pays dont la dette financière vis-à-vis de l'étranger s'élève à 13 000 milliards de francs CFA, et dont l'unique autoroute en construction, longue de 200 kilomètres entre Yaoundé et Douala, ses deux grandes métropoles, n'est toujours pas terminée plus de dix ans après le début des travaux. Des barrages hydroélectriques laborieusement construits qui ne sortent pas au propre et non pas au figuré le pays de l'obscurité dans laquelle il est constamment plongé. Des universités que en grande pompe le décret permet de créer en grand nombre, mais dont les réalités en infrastructures palpables posent au présent de nombreux problèmes et en poseront encore plus d'autres dans le futur... On pourrait indéfiniment allonger la liste de cet inventaire a la Prévert qui illustre à merveille la sombre situation dans laquelle se trouve aujourd'hui le Cameroun. Une situation qui est la traduction dans la vie concrète économique, social et culturel du pays, de l'accumulation concomitante des trois phénomènes décrits tout au long de ce texte. Une douloureuse facture que les populations payent malheureusement cash au quotidien dans un pays pourtant potentiellement béni des dieux et abondamment fourni par dame nature. Un pays de paradoxes qu'il faut absolument soixante ans après "l'indépendance" enfin normaliser et auquel il faut à nouveau ouvrir des perspectives historiques.
Un pays qui compte à partir du 1er janvier 2024, un an de plus dans l'âge de son indépendance controversée. Un pays enfin et heureusement dans lequel contre mauvaise fortune, les patriotes authentiques font bon cœur en continuant inlassablement dans d'indicibles conditions à œuvrer pour des lendemains qui chantent, en tenant aussi compte du temps qui passe. A l'occasion donc de 2024 qui annonce 2025, l'an de tous les possibles, nous souhaitons à tous les Camerounais et à tous les Africains, une bonne et heureuse année.

Jean-Pierre Djemba,
1er Vice-Président du PSP/UPC (nommé par Ngouo Woungly-Massaga, Fondateur Président du Parti).

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