Cinq ans que dure l’injustice
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Candidate au concours de l’Ecole nationale d’administration et de magistrature (Enam), elle a été admise trois fois à l’écrit, mais jamais sur les listes définitives malgré son handicap.

Cette année encore, Claudine n’intègrera pas la prestigieuse école des administrateurs. Admise sur les listes préliminaires, son nom ne figure pas sur les définitives. Claudine est handicapée physique depuis sa naissance. Agée de 28 ans aujourd’hui, elle a caressé le rêve d’intégrer l’Enam depuis ses classes primaires. Elle obtient la licence en Science politique en 2013 à l’Université de Yaoundé II Soa. C’est en 2015, qu’elle va présenter pour la première fois, le concours d’entrée à l’Enam ; filière Administration parlementaire.

En 2016, elle a essuyé un autre revers. Déterminée à intégrer cette école, Claudine Letomo Nkosgo obtient finalement le concours en 2017. Mais, la phase de l’oral ne lui sourira pas. Elle va voir son rêve s’évanouir. Elle prendra son mal patience et se représentera à nouveau en 2018 ; une année particulière pour l’étudiante en master 2 de Science politique à l’Université de Yaoundé II Soa. Claudine va vivre une situation délicate par rapport à sa condition physique. « J’ai failli ne plus marcher. Il y a quelques années, j’ai été opérée aux genoux.

Depuis lors, je marche avec les béquilles », explique-telle. Mais, cette situation ne va pas empiéter sur son moral. En 2019 alors qu’elle se présente pour la quatrième fois d’affilée à ce concours, elle sera à nouveau admissible à l’examen l’écrit. Mais, Claudine sera recalée aux admissibilités définitives à l’issue de l’oral. Étonnée d’abord par ce nouvel échec en plus de sa condition physique n’ayant été prise en compte, Claudine Letomo Nkosgo va faire des recours auprès des autorités en charge de l’école. « J’ai pris la peine de contacter l’administration, car j’ai toujours souhaité être au service de l’Etat. J’ai alors fait un recours. Je l’ai adressé au Ministre de la Fonction Publique et de la Réforme Administrative (Minfopra). Je suis même allée le rencontrer personnellement.

J’ai également adressé un recours au directeur général de l’Enam et à la Primature », explique-t-elle. La requête arrivera à bon port ; mais le retour ne sera pas favorable. « Suite à cela, on m’a contacté pour me faire savoir qu’on pouvait plus rien faire pour moi et qu’ils verront ce qui serait possible. Mon interlocuteur au téléphone m’a demandé d’enregistrer son contact ; ce que j’ai fait. L’année suivante, j’ai travaillé ; j’ai été admissible pour une troisième fois. J’ai donc fais un message et je n’ai reçu qu’un ‘’ok’’ de sa part. Malgré cela, j’ai été recalée », déplore-t-elle. Nous sommes alors à cette session de 2020 où la candidate a essuyé une troisième déception.

« La personne handicapée n’est pas prise en compte»

Ces déceptions enregistrées ont fait naître en l’étudiante de 28 ans, ce sentiment de stigmatisation. Pourtant nourrie dans le domaine du Droit, elle s’indigne davantage de voir la loi bafouée dans le sens de l’encadrement des personnes vivantes avec un handicap. « Je suis consternée de voir que, la personne handicapée n’est pas prise en charge dans le concours d’entrée à l’Enam. Ce qui est plus révoltant c’est que, l’on fait une filière qui est sensée encourager la personne handicapée telle que les affaires sociales. Quand je présentais ce concours, j’étais la seule personne physiquement déficiente.

Au Cameroun, il y a une loi qui nous encadre et qui veut que, dans un concours de la fonction publique, à compétence égale, la personne handicapée passe prioritaire », s’indigne-t-elle. Claudine Letomo Nkosgo est à la tête de « Nili Des (Entre Parenthèses) », une association qui encourage et protège les enfants vivant avec tout handicap. Cette association existe depuis quatre ans. « Cette association est pour moi un combat quotidien. Je forme des enfants déficients dans certains domaines comme la coiffure et la couture », informe-t-elle. La raison qu’elle avance pour justifier le choix du concours de l’Enam est cette cause qu’elle veut défendre. Mais, elle s’étonne toujours de son résultat.

Claudine n’accuse pas pour autant sa condition physique comme coupable. « En faisant le concours pour l’administration des Affaires sociales, je voulais donc ce statut qui permet de rendre crédible, qui permet de toucher au plus près les personnes de la société », soumet-elle. Bien qu’ayant le moral bas et peu d’espoir, Claudine Letomo Nkosgo n’a qu’une prière :

« Je suis professionnelle. Je n’attends pas quelque chose d’exceptionnelle. Ce ne serait pas exagéré de revoir ces résultats. On ne peut pas retirer le bénéfice de ceux qui ont réussi. C’est juste qu’à un moment, on aimerait que les injustices cessent. Je ne m’appuie pas sur ma cause de personne handicapée. Je me suis préparée en sachant que, si je suis admissible (à l’écrit), forcément ça va valoir quelque chose cette année, mais non… J’ai beaucoup d’admiration pour cette école mais là, je suis très étonnée et déçue », soumet-elle d’un ton hagard. Elle ne compte plus se présenter à ce concours.

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