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© Correspondance : Fridolin NKE, Expert du dsiscernement, Nkefridolin2000@yahoo.fr
- 13 Jul 2020 14:18:00
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CAMEROUN :: MA GRATITUDE À MONSIEUR JACQUES FAME NDONGO MINISTRE D’ÉTAT, MINISTRE DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR :: CAMEROON
Monsieur le ministre d’État,Ministre de l’enseignement supérieur,Vous venez d’apporter une réponse concrète à l’une des deux revendications que je fais, en m’octroyant une allocation réglementaire, quoique symbolique, conformément à l’Arrêt no107/QD/2017, du 08 novembre 2017, de la Cour suprême du Cameroun.
Je reçois votre dotation, certes sans enthousiasme, mais avec la déférence qui sied à votre dignité. Car en un sens, l’État c’est vous. En un sens seulement, bien sûr, c’est-à-dire si je me rapporte aux préceptes républicains qui prescrivent d’honorer les dépositaires de la puissance exécutive, qui, en principe, sécurisent la fortune publique et l’intérêt général.
Je vous sais donc grand gré de me faire revenir à la vie civile. Votre apport est davantage moral que financier. Car, aucun paiement ne peut faire revenir à la vie ceux que j’ai perdus à cause de la précarité où cette guerre m’a entraîné ; aucune rétribution ne peut faire rattraper à mes enfants leur scolarité perdue, sans compter ce que j’ai définitivement perdu moi- même... Il y a des crimes irréparables. À cet égard, je m’en remets à la sagesse de Hegel, que je cite de mémoire : « Les guerres se font quand elles sont nécessaires, puis viennent les vendanges, et les bavardages se taisent devant le sérieux de l’histoire ».
Monsieur le Ministre de l’enseignement supérieur,
Je sors du maquis philosophique où je m’étais expatrié, sans perdre pour autant ma verve critique. Comme ces revenants d’outre-tombe à la figure indéchiffrable, qui, ayant côtoyé l’Inconditionné à force de flirter avec les mondes souterrains de l’abject et de la mort, renouent avec le commerce charnel, je vais me remettre à l’école des bonnes manières de la République que vous venez de me rappeler par vos respectueux égards. Votre décision m’impose désormais d’observer un silence philosophique. Mieux, elle requiert une méditation, à cause de la manière et de la grande classe avec lesquelles vous avez procédé depuis lundi passé pour éteindre les flammes de l’incendie intérieur de mon indomptable révolte.
C’est peut-être aussi cela notre vérité de l’histoire en tant que penseurs et commandeurs du changement qualitatif de nos peuples. L’université, la justice et le pouvoir exécutif ont été éprouvés : ce sont les trois piliers de toute colonne vertébrale étatique. Leur solidité ou leur instabilité détermine invariablement les institutions républicaines et le progrès social et économique. Cet affrontement entre la critique philosophique intransigeante et les forces inertes d’un rouage central de l’appareil de l’État (l’administration juridique du MINESUP) fut, en soi, un événement. Il fut, à mon humble avis, le moment paradigmatique où, chez nous, à la suite des rapports houleux entre Marcien Towa et le régime du Président Ahmadou Ahidjo, la philosophie a affronté la puissance publique sans prétendre l’emporter. Car la mort d’un État conduirait également à la fin du loisir de penser, donc de la philosophie. Je me suis résolu à solliciter le troisième larron de l’État, la justice, pour trancher le différend et mettre chacun à sa place. Cette clarification juridique des rapports entre les intelligences et les puissances est également un rappel des modalités de leur contribution respective à notre émergence collective. C’est donc le Tribunal administratif, la Cour suprême, ses très grands juges en l’occurrence, et le Président de la République, Chef supérieur de la magistrature, qui sont célébrés dans ce pré-épilogue.
Monsieur le Ministre d’État,
De même que les hommes politiques au pouvoir répugnent aux affronts, de même les philosophes ne tolèrent pas d’être déconsidérés, bafoués, et que les principes éthiques et l’esprit des lois soient pervertis. Les rapports entre les hommes d’État et les philosophes sont certes
complexes, mais ils devraient être cordiaux, à l’exemple des liens distants que Diogène de Sinope et Alexandre le Grand eurent en leur temps. Souvenez-vous du fameux « Ôte-toi de mon soleil » que l’impertinent prophète du cynisme grec, Diogène le cynique, servi au tout-puissant Alexandre le Grand :
― Je suis Alexandre
― Et moi Diogène, le cynique
― Demande-moi ce que tu veux, je te le donnerai
― Alors : ôte-toi de mon soleil
― Comment ? N’as-tu donc pas peur de moi ?
― Et alors : Qu’es-tu donc ? Un bien ou un mal ?
― Un bien évidemment !
― Qui donc pourrait craindre le bien ?
Tel fut l’échange entre Alexandre et Diogène le cynique, lorsque le roi vint devant le tonneau qui tenait lieu de demeure du philosophe, par curiosité, et qu’il lui offrit de le sortir de la misère de la rue pour une vie princière « heureuse », arrosée de victuailles, de bons vins et de créatures féériques. Cette insolence d’un « gueux » arracha un sourire au divin monarque macédonien et enflamma son estime envers le grand esprit philosophique de son temps.
Très respectable collègue sémiologue,
J’ai eu tort de penser que vous étiez une brute.
Lorsque vos obligés, suivant vos instructions, m’ont fait venir une deuxième fois au MINESUP hier pour une « séance de travail », j’ai pensé que cette rencontre de deux grands, que dis-je, de deux légendes de l’antiquité, vous a inspiré à votre insu. L’humilité dont fait preuve le très redouté Alexandre est déroutante, historique. Quant à vous, vous vous êtes dépouillé des parures ministérielles pour s’occuper de mon bavardage. Le cruel roi, élève d’Aristote, qui détruisit Thèbes, fut conquis par la lucidité infernale du philosophe, libre penseur, aussi fascinant que radical, qui, suivant ses humeurs, laminait toutes les prétentions par le silence ou par une rhétorique enflammée. L’honneur vous revient de bénéficier du verbe sacré de la philosophie, qui est la mère de tous les discours, le principe de tous les savoirs. Je vous ai imaginé enviant mon dénuement et en train de vous répéter, comme ce roi redouté : « Si je n’étais pas Alexandre, je voudrais être Diogène », c’est-à-dire moi ! Ce faisant, vous avez lu ma pensée, avec une saisissante lucidité. Vous avez accédé aux confidences de Diogène à Alexandre : « Tu te dis être grand, mais je le suis plus que toi, car j’ai renoncé à bien plus de choses que tu n’as conquis de territoires ».
Monsieur le Ministre d’État,
Nietzsche soutenait qu’un philosophe « doit sympathiser le plus profondément avec la douleur universelle » (Le livre du philosophe). Il y a, en effet, beaucoup à détruire dans notre temps du chaos et de la dégénérescence. Si dans une société donnée les philosophes prennent peur et se résignent, s’ils se compromettent avec le pouvoir ou s’ils le combattent de mauvaise foi, le vice, le crime et le mal se répandent comme une trainée de poudre. En revanche, si les philosophes, et les intellectuels en général, font preuve de grandeur d’âme et règlent leur comportement sur des principes éthiques, ils obligeront inévitablement les gouvernants à se tenir droit et à avoir la hauteur qui convient aux fonctions souveraines. Dans une république, les actions respectives du philosophe et de l’homme d’État sont en synergie. Alors que le philosophe cherche à détruire les dogmatismes à travers l’exercice de la contradiction, l’homme d’État travaille quotidiennement à épousseter ses prétentions partisanes ; il aspire à l’universalité qui lui convient originellement comme destin. Philosophes et gouvernants doivent s’estimer et se respecter mutuellement dans leur travail commun de valorisation de l’homme, de transformation qualitative du pays, de maturation de la vie sur terre. Nul ne doit envier les lauriers de l’autre. Les palmes académiques ont la même saveur auguste et vaine que les honneurs militaires…
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