LE DÉLITEMENT DE LA PENSÉE CRITIQUE ET LES VOIES D’UNE REFONDATION (FIN)
CAMEROUN :: POINT DE VUE

CAMEROUN :: LE DÉLITEMENT DE LA PENSÉE CRITIQUE ET LES VOIES D’UNE REFONDATION (FIN) :: CAMEROON

V/ Pour une refondation profonde de la pensée critique....Chers enseignants, nous devons nous dire, comme Alphonse Lamartine dans La Marseillaise de la paix :
« Je suis concitoyen de toute âme qui pense : La vérité, c’est mon pays » !

Telle devrait être notre devise critique. Quels sont donc les chantiers qui interpellent les fonctionnaires de la philosophie et leurs étudiants aujourd’hui ? Cette question doit être précédée de celle-ci : comment se défaire de notre défaite et sortir du gouffre de notre piétinement ? Comment sortir du fonctionnariat philosophique ? Ainsi que nous venons d’observer plus haut, ce n’est pas l’identité des philosophes à exclure ou à canoniser que nous voulons caractériser ; ce qui nous préoccupe, c’est plutôt la nature des problèmes vitaux que nous affrontons et dont notre identité, notre respectabilité et notre survie dépendent. Nous comprenons désormais la tâche philosophique qui nous incombe comme une exigence critique pour pénétrer nos problèmes et élaborer des stratégies discursives d’étalement des logiques intimes qui les sous-tendent. L’enjeu de ce travail d’excavation de soi est de déficher l’avenir, de rêver concret et d’actualiser toutes les attentes citoyennes qui végètent dans la société minée par la transcendance implacable du politique et de l’économique.

Dans ce cadre, les étudiants de philosophie doivent exercer leur curiosité appliquée dans le monde médical, la traductologie, la robotique et l’intelligence artificielle, l’esthétique industrielle, l’interdisciplinarité, l’ingénierie, la mystique africaine antique, etc. Aucun domaine du savoir et de la créativité humaine ne doit échapper à notre emprise de taon. La systématisation de la mystique africaine est importante pour faire barrage aux mystiques importées qui bousillent nos intelligences et écument nos économies.

Par-là, nous proclamons que la philosophie ne se résume pas à Deleuze, Fukuyama, Huntington, Foucault, Mbembe, etc. Et il n’y a rien qui constitue la philosophie en soi. Faisons donc en sortes que tous nos désaccords se retrouvent au cœur des nouveaux accords de la mélodie philosophique que nos composerons ensemble. Car, l’hymne de la raison, qui est la philosophie, intègre tous les silences, tous les bruits, toutes les notes, ainsi que les ponts et autres outros que représentent les différentes tonalités critiques qui s’harmonisent en son sein.

Nos registres philosophiques doivent être refondus et l’édifice, refondé de fond en comble. Il faut revoir notre façon de faire la philosophie et de penser tout simplement. Ce sera un travail d’équipe. C’est ce que les responsables actuels en charge de cette question dans le monde académique ont oublié de faire. Ce travail de redynamisation conceptuelle et de complexification de notre regard, que nous allons amorcer maintenant, sera amplifié par les prochaines générations.

Pour entreprendre sereinement ce chantier, il faut laisser Mbembe, Bidima, les auteurs postcoloniaux et toute l’engeance des post-modernes tranquilles. Ils évoluent dans leur monde ensoleillé des complexités propres aux expériences contrastées du vécu historique. Trouvons des ressources au fond de notre âme et traçons de nouvelles voies. Dans notre défaite assumée, faisant mauvaise fortune bon cœur. Redéfinissons nos priorités ; entrevoyons de nouveaux horizons ; articulons de nouvelles aspirations ; enfin fondons de nouvelles espérances philosophiques et d’inédites raisons de vivre. La tâche est immense, le chantier est impressionnant de difficultés. Le plus grave, toutefois, la plus terrible menace, c’est notre vanité, notre frêle silhouette de penseurs doctrinaires, notre squelettique posture cléricale qui compromettent cette densification de notre voix et cette dynamisation de notre démarche susceptible de bousculer les équilibres et d’empoigner véritablement le monde, avec l’efficacité, la célérité et la célébrité qui vont avec et qui, à date, nous échappent.

Voilà, très sommairement et humblement exposés, quelques éléments constitutifs du nouveau chantier de refondation de la philosophie dans notre pays et ailleurs dans la périphérie du monde industrialisé. L’entreprendre, ce n’est pas s’humilier : c’est renaître philosophiquement ; c’est se rappeler les clauses de notre pacte avec la droite raison. C’est oxygéner nos neurones philosophiques et ceux de nos apprenants.

Pour réussir cette mission, nous devons relire les grands textes de la philosophie et de la littérature à rebrousse-poil, nous remettre à l’école des sciences et, surtout, parcourir le grand livre de la vie qu’est l’histoire des nations civilisées et grands succès humains du passé. Lire, reviendra désormais, non pas à décider si l’on est pour ou contre l’écrit, mais plutôt à exorciser nos démons intérieurs qui récusent toute mutation culturelle et empêchent la ventilation de notre intelligence. Notre problème, c’est que la plupart des gens qui devaient éclairer le peuple ont sombré dans l’obscurantisme, le narcissisme, la mauvaise foi, l’opportunisme et la méchanceté.

Notre devoir est donc, aussi, de barrer la route de la crédibilité à ces imposteurs ignares, ces pédants, ces malfaisants qui sont toujours imbus d’eux-mêmes. Il faut désormais les tenir à l’œil et, au besoin, leur opposer la vérité de leur inanition intellectuelle, sans égard pour leur grandiloquence, lorsqu’ils ne s’y attendent pas, par de retentissantes et publiques humiliations. Un penseur est moralement condamnable s’il laisse autour de lui la petitesse d’esprit détrôner le jugement fermenté, s’il tolère que des intrigants moralement vides régentent la société d’honnêtes gens et abêtissent le monde par leurs insanités, leur vulgarité et leur crétinisme moyenâgeux. Il faut qu’on se réveille.

VI/ Le philosophe ou l’homme-météore : le comportement et le message du « nnod-zen »

Cher ami Charles-Romain,

Cher Professeur Ndzomo-Molé,

La philosophie est en même temps une attitude, un comportement et un ensemble de systèmes de pensée. Elle est certes l’exercice de la sagesse, c’est-à-dire le travail en plein temps du jugement personnel pour ne pas déraisonner, au point d’affecter négativement autrui, et pour se constituer bénévole du salut de celui-ci. Mais la philosophie est aussi un combat ; c’est l’effort constant pour préserver les droits éthiques sacrés dans le ring de la vraie vie. Tel est mon message. Or, actuellement dans nos départements de philosophie, ce qui est normal passe pour pathologique. La hiérarchie est prompte à calomnier et à cultiver des intrigues, à grand renfort de pédantisme, au lieu de promouvoir la rationalité en soumettant les suspicions à la critique et à l’épreuve des faits ; ceci donne le prétexte au développement de toutes sortes de fantasmes et de desseins morbides. Aussi ces « hauts » lieux de réflexion deviennent-ils des temples de la bêtise, au point qu’on regrette les temps historiques où y séjournaient les Grands esprits tels que Joeph Ngoué, Bernard Nanga, Marcien Towa, Fabien Eboussi Boulaga, Guillaume Bwele, ntoine Manga Bihina, Mono Ndjana et les autres.

Ces Maîtres à penser ne se compromettaient point dans la lâcheté, en épiloguant sans retenue sur les appétits vénériens supposés de leurs collègues ou sur les compétences supposées

approximatives des étudiants. Ces spécialistes de la pensée discouraient sur l’essentiel, sur les valeurs supérieures qui engagent l’avenir de la nation camerounaise et de l’espèce humaine en général ; ils avaient un leitmotiv : la présence respectable du Négro-Africain sur l’échiquier politique international et la survie de l’espèce humaine. Aussi n’ont-ils jamais entrepris de travailler uniquement à garantir, coûte que coûte, une survie forcée de leur avenir posthume dans la mémoire collective des jeunes générations. Ils savaient que c’est la postérité elle-même, avec ses impondérables et ses surprises, qui se charge de l’avenir des vivants ; que l’inverse n’est point possible.

Vous le savez, philosopher c’est se trahir ; c’est prospecter au cœur de l’aventure historique en dévoilant nos limites propres, notre potentiel et nos aspirations, et en prenant en charge cet inconfort originel comme la garantie la plus attestée de notre finitude. Autrement dit, philosopher c’est rien de véritablement concret ; c’est en même temps une idée précise de l’homme, de la vie et de l’avenir, et un travail de toute une vie, dont on ne peut jamais préjuger du résultat de son vivant. Surtout, c’est cette lucarne du discours qui sous-tend le vrai pendant l’activité pensante et au cœur de la praxis sociale, politique et économique.

Mais ce rien auquel le philosophe parvient au terme de la démarche réflexive est diversement apprécié par les spécialistes des autres domaines du savoir universel et par nous-mêmes. Certains le ressentent comme une limite heuristique pour stimuler le jugement personnel ; d’autres le vivent plutôt comme la stigmatisation d’une modicité psychosomatique constitutive qu’orchestreraient de potentiels concurrents, à leur insu.

C’est pourquoi certains enseignants du supérieur torturent leurs étudiants pour les dissuader d’exister scientifiquement. En réalité, ils les soupçonnent de préparer le coup de devenir comme eux et, donc, pensent-ils, à tort, contre eux. Le fait est qu’ils sont tyrannisés par l’imprévisibilité constitutive de l’histoire. Ils auraient souhaité que le futur fût prévisible et conforme à leurs goûts problématiques ; ils auraient aimé que leur règne universitaire fût tout à la fois originel et éternel, et, paradoxalement, que personne d’autre n’eût existé. Le parricide intellectuel ne leur suffit pas, l’infanticide professionnel non plus. Leur affaire, c’est un révisionnisme forcené qui consiste à s’en prendre à l’Histoire et à nos mémoires respectives pour leur imposer les souvenirs de leur préséance scientifique supposée, autoproclamée. Aussi, à défaut d’être LA référence nationale au niveau international, il faut qu’ils demeurent, ad vitam æternam, l’unique monument philosophique de tous les temps.

Il est, en effet, stupéfiant de constater que ceux qui sont chargés de garantir l’éthique dans la cité se transforment en un fieffé intrigants. Si savants que vous fûtes, vous voudriez que le respect qui est dû à tous ceux qu’on nomme aux fonctions publiques de l’État se mue en une complicité active avec l’imposture. Au vu de cette infamie, j’ai des sentiments confus de tristesse, de déception, de honte à servir mon pays dans cet environnement administratif, avec de telles références philosophiques. En entrant dans ce corps, je pouvais tout imaginer, sauf que je rencontrerai des aînés, des chefs hiérarchiques, des « philosophes » aussi paranoïaques que cyniques, sadiques et fourbes qui se donnent pour mission de « sacrifier » les jeunes collègues dont il redoute l’indépendance d’esprit, le sérieux dans la recherche, la conscience professionnelle aigüe et le dynamisme.

Le problème qui m’oppose aux imposteurs de mon domaine d’activité théorique et à ceux du pouvoir en place, c’est leur volonté de compromettre l’éclosion d’une autre génération de jeunes chercheurs compétents. L’enjeu véritable de ces affrontements épistolaires est la préservation de la liberté des citoyens en bute à la méchanceté gratuite et à l’incurie de certains philosophes, agents de l’État et gouvernants locaux.

Lorsque le « nnod-zen », le philosophe-météore, tue le jour et liquide la nuit de son sinistre quotidien, il supprime réflexivement les attaches qui le retiennent prisonnier de la peur, du masochisme non assumé au nom d’une complicité active avec un conformisme routinier criminel et humainement dévastateur. Au fond, le « nnod-zen » dédaigne les présences surnuméraires : il aspire à la compagnie des dieux.

Vous vous êtes résolus non seulement à effacer mes chroniques de vos téléphones, mais aussi à fermer vos oreilles délicates qui répugnent à écouter les bruits du monde réel et les râles des crucifiés. Pourtant, plus que jamais, maintenant que vous avez volontairement constitué le mur infâme de la claustration philosophique, vous m’entendrez plus que ceux qui me lisent au quotidien, parce que je vais vous posséder par le souvenir agissant de ma cruelle impertinence. Vous redoutez ma violence verbale. Dans ces conditions, tenez-vous droits, comme l’exige les règles strictes de notre discipline académique et comportementale !

Très respectueusement,

Votre ami et votre étudiant,

Lire la première partie de cette reflexion sur ce lien

La deuxième partie ici

Fridolin NKE
Expert du discernement

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