La stratégie du régime moribond de Biya contre la révolution citoyenne camerounaise
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La stratégie du régime moribond de Biya contre la révolution citoyenne camerounaise :: CAMEROON

Nous sommes le 31 mai 2020. La vacance de la présidence de la République du Cameroun est devenue une lapalissade. Des villes aux campagnes, des officines diplomatiques aux plus ordinaires chaumières camerounaises, on sait que Paul Biya a disparu. Les fausses et artificielles apparitions du tyran organisées par ses collaborateurs pernicieux les 16 avril 2020, 13 mai 2020, 19 mai 2020 et 20 mai 2020 se sont vite avérées mensongères.

Le régime de Paul Biya, le tyran porté disparu du Cameroun depuis le mois de mars 2020 notamment, est donc aux abois. Et c’est avec une peine infinie qu’il tente désespérément, avec le soutien de la puissance néocoloniale française, d’organiser une succession antidémocratique à la tête du pays.

Dépourvu de légitimité démocratique en raison de sa provenance coloniale, de son refus d’organiser des élections justes et transparentes depuis 1960, de réaliser une socioéconomie moderne et exemplaire, le régime a essentiellement mobilisé les mécanismes suivants pour perdurer : la violence brute ; le mensonge ontologique ; la manipulation ethnique ; la corruption généralisée de la société.

Contre cette quadruple structure démoniaque, se battent depuis le 19ème siècle, des forces civiles qui incarnent la révolution citoyenne camerounaise, portées par le désir d’un Cameroun où régneraient la paix juste, la transparence dans la gouvernance, la solidarité nationale transethnique, le progrès et la modernité collectifs. Ces forces civiles sont incontestablement rassemblées aujourd’hui autour de la figure tutélaire du résistant Maurice Kamto, Président Elu du Cameroun, Président du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun,Chef de l’Opposition au régime néocolonial du disparu Paul Biya.

Comment les mécanismes fondamentaux de diversion et domination du peuple camerounais fonctionnent-ils donc aujourd’hui au Cameroun et dans sa diaspora ? Telle est la question fondamentale de cet éditorial. Je montrerai comment le régime tente, en cette période de vacance de pouvoir présidentiel, d’opérer à l’intérieur du pays et dans la diaspora camerounaise, forte de près de 3 millions de bi-nationaux fortement actifs désormais dans la construction de l’avenir du pays. Il s’agit donc d’éclairer la lanterne de ceux qui veulent réellement le changement. Et surtout de ne se faire aucune illusion à propos des ennemis du changement : ils ne lisent pas ou lisent mal, ils ne pensent pas ou ne pensent qu’à leurs intérêts immédiats, ils ne veulent rien comprendre et ont besoin de ne rien comprendre pour agir en fous, car ils vivent au jour le jour des occasions de circonstances et des ordres de leurs tuteurs tapis dans l’ombre réactionnaire du Cameroun.

Violence à l’intérieur et dans la diaspora : la promotion de la terreur

Le régime de Paul Biya est issu du viol colonial des corps et des âmes des camerounais par l’Allemagne, la France et la Grande-Bretagne, du 19ème siècle jusqu’à nos jours. La puissance coloniale française, qui a supplanté les deux autres entres les deux guerres du 20ème siècle, est demeurée prépondérante sur le pays. C’est elle qui a livré de 1955 à 1971, une guerre sans merci contre le mouvement indépendantiste national de l’Union des Populations du Cameroun, qu’elle a vaincu en éliminant physiquement ou exilant mortellement ses leaders historiques Ruben Um Nyobé, Félix Roland Moumié, Castor Osende Afana, Abel Kingué, Ernest Ouandié, Ngouo Woungly Massaga, Michel Ndoh et consorts. La France a procédé, aux côtés de ses supplétifs militaires camerounais, au massacre de près d’un million de Camerounais, notamment dans les bastions Bassa et Bamiléké. Le régime Ahidjo-Biya, hérité de la France et coaché par elle, a poursuivi ce programme de répression et de terreur fondamentale. Il domine le peuple camerounais depuis 1960 par la matraque, la prison, le poteau d’exécution, le massacre de masse, l’exil et la misère organisée. Dans cette logique criminelle, le régime a diabolisé l’opposant politique.

L’opposant qui se battait pour le droit du peuple contre le colon et ses suppôts, le maquisard est alors devenu synonyme du démon, alors que le sbire coupeur de têtes de maquisards a été promu comme un héros républicain. L’opposant, injure incarnée dans ce système inversé, est celui qui dérange. A contrario, le satrape local est celui qui range tout le monde en ordre de soumission. Le régime néocolonial a ainsi réduit la question politique nationale à la suivante : « qui est le plus fort ? » ; « Ne dure pas au pouvoir qui veut, mais qui peut », y répondra publiquement Paul Biya, devant un président français médusé par tant de performances de son vassal historique.

Dans la diaspora camerounaise, le régime a veillé à stimuler et imposer les figures de l’espion, de l’agent double, du faux opposant, du jouisseur, de la pute braillarde, du prostitué, du noceur, du feyman, du chercheur de kaolo, au cœur de toutes les communautés camerounaises. Pour démoraliser les résistants, le régime a provoqué des phénomènes de trahisons et des transfuges spectaculaires contre l’opposition. Du jour aux lendemains, les Camerounais ont découvert que certains des opposants les plus virulents n’étaient que des snipers du régime chargés de divertir les masses. Le régime a constamment veillé à présenter les contestataires de sa dictature comme des brutes méchantes, des semeurs de désordre, des bandits des grands chemins, des voyous sans foi ni loi. Et les manœuvriers du régime dans la diaspora font tout pour promouvoir des figures de masse incultes, des grossiers personnages, des amateurs de calomnies sexuelles, des personnages spirituellement, intellectuellement et culturellement inconsistants. En un mot, le régime françafricain du Cameroun a survalorisé les figures médiocres et violentes de la diaspora afin de justifier sa discrimination contre la diaspora, qu’il a exclue dès les années 70 de la citoyenneté camerounaise par une loi scélérate et anticonstitutionnelle contre la bi-nationalité. On en est ainsi venu à croire que pour exister dans la diaspora camerounaise, il faut rivaliser en violence verbale, en violence psychologique et en violence physique avec le pouvoir. Et le pouvoir n’a pas hésité, dans ces conditions à tuer par le poison, par l’enlèvement, par la clochardisation, par la destruction psychologique, les plus vulnérables de ses adversaires en diaspora. Le cas emblématique du Capitaine Guerandi Mbara, enlevé et tué par les hommes de Paul Biya, restera mémorable.

La promotion de la terreur par les régimes Ahidjo-Biya a fini par créer une ambiance collective de la brutalité normale. Le leadership en diaspora en est ainsi venu à être tributaire d’une concurrence des violents et des violences. Pour être vu, pour passer en tête du leadership, on croit pouvoir faire preuve de la plus grande morbidité. On spectacularise son goût de la mort. On politise la brutalité sous la forme de la casse ou du suicide simulé. Ainsi, les victimes miment l’ordre régnant en prétendant lui résister, et le tour est joué. Au détriment des gisements de vie à stimuler et à partager en abondance. On intronise le culte de la mort en mode de résistance.

Mensonge à l’intérieur et dans la diaspora : la promotion du fake news

Il existe une fonction tactique du mensonge, dans les guerres de résistance contre les dominants. Elle réplique sous forme de contre-intelligence aux leurres des dominants. Elle relève de l’art du leurre et de la diversion, qu’aucun stratège de la lutte révolutionnaire ne peut ignorer. IL n’est pas question ici d’en contester l’opportunité et même la nécessité pour le succès des actions de libération de nos peuples dominés. Cependant, aucune émancipation sociale, culturelle, politique et spirituelle véritable ne peut se bâtir sur le mensonge systématique, le mensonge devenu forme normale de vie collective. C’est celui-ci que nous dénonçons massivement au cœur de la société camerounaise.

Le régime Ahidjo-Biya, dans la droite ligne de la destruction coloniale de la vérité, a créé une inversion totale des catégories spirituelles, morales, intellectuelles, économiques et sociales. . Aujourd’hui on présente le tyran disparu Paul Biya comme une photo-mobile. Et bien des Camerounais y croient et s’en contentent. On a présenté comme initiatiques et religieuses, des pratiques qui abrutissent les Camerounais et les rendent captifs de réseaux du vice, de l’argent et de la gloriole. On a présenté l’opportunisme comme la forme morale la plus normale : « La chèvre broute là où elle est attachée ». On a présenté le diplôme et non la pensée critique et productive comme les garanties de l’intellectualité, au point de généraliser le mépris de l’intelligence à force de privilégier le mythe du diplôme sur la réalité âpre de la production des idées. On a présenté l’asservissement du peuple camerounais à l’économie géostratégique française comme le summum de la souveraineté économique des nègres d’Afrique. On a présenté la société camerounaise comme un réseau de parcs ethniques, dont les concepts-clés ont été forgés à dessein de les neutraliser les uns par les autres : Ekangs, Sawas, Bamis, Nordistes, Anglos.

Dans la diaspora, on a organisé la concurrence des fausses nouvelles. Le pouvoir absolu de la rumeur. La naturalité de la diffamation. Ainsi, de l’intérieur à l’extérieur, les Camerounais ont été habitués et formatés pour croire en tout et n’importe quoi. L’esprit collectif de notre pays natal est ainsi devenu une sorte de nuit où toutes les vaches sont noires, comme le dirait Hegel.

La manipulation ethnique à l’intérieur et en diaspora : la promotion du réflexe ethnocentrique

Le Cameroun a la plus importante mixité ethnique de toute l’Afrique. Plus de 250 groupes ethno-linguistiques. C’est l’Afrique en miniature, dit-on avec raison. Mais ce qu’on oublie, c’est que c’est aussi au Cameroun que la manipulation de l’ethnicité a montré ses plus grandes prouesses au service du maintien d’une dictature. Le colon français et la néocolonie camerounaise auront réussi le tour de force de réduire cette diversité en grands ensembles régionaux, recoupés en cinq grands groupes ethniques construits comme variables de manipulation stratégique de l’opinion et d’empêchement de la naissance d’une vraie conscience nationale.

Le bamiléké

Les Français et le régime Ahidjo-Biya ont astucieusement créé le Bamiléké, en recoupant les ressemblances culturelles des populations venues des hautes-terres (grassfields) de l’Ouest. Ils ont mis dans le concept de bamiléké les sous-notions suivantes : envahisseur, il serait un colon intérieur camerounais ; entrepreneur véreux, il serait un agent de corruption ; attaché à la tradition de ses ancêtres, il serait un ennemi naturel du christianisme occidental et de l’universalisme républicain ; fécond, il serait un risque démographique pour l’écosystème politique et naturel. Le colonel français Lamberton a ainsi proclamé le bamiléké « caillou dans la chaussure » du colonialisme français, l’enfermant dans le statut de suspect absolu dans son propre pays. C’est cette hostilité au bamiléké que traduit l’introduction de la discrimination autochtones/allogènes dans la constitution de 1996, véritable torchon de la bêtise coloniale et néocoloniale camerounaise.

Le succès relatif de cette manipulation criminelle du concept de bamiléké s’est traduit par la conscience d’être à part, la volonté d’être à part, la tentation de se défendre à l’écart des autres camerounais, chez certains fils et filles de l’Ouest-Cameroun. Cousin historique des peuples bamiléké, le Bamoun a été conçu pour en être le vigile méfiant, le « serpent à deux têtes », le « fingon » du pouvoir central. Et ainsi en diaspora. On a donc pu efficacement susciter le Laakam et l’Essingan en même temps, deux associations d’autopromotion ethnique, dans le bureau du même ministre de l’administration territoriale Andze Tsoungui, qui a chargé les agents manipulateurs de l’une et l’autre association, de tout faire pour que les Camerounais Bamiléké et Beti-Bulu ne s’entendent jamais ! Tout le secret de l’art colonial : diviser pour mieux régner.

Le Nordiste

Les Français et le régime Ahidjo ont aussi créé le Nordiste. Concept bâtard qui regroupe, sous l’hégémonie ethnopolitique des lamidats peulhs, une mosaïque d’ethnies pourtant diverses et parfois antagoniques. En l’associant au boubou, à l’Islam, au goro, à la tresseuse bororo nomade, au circonciseur ambulant, au mallam doué en sortilèges, et au couteau, l’imaginaire colonial et néocolonial a classé le Nordiste dans les rangées de l’obscurantiste, du fanatique, de l’inculte, et du féru de violence guerrière. Présenté ainsi au autres camerounais, le Nordiste est demeuré pour beaucoup un venu d’ailleurs, et le Nordiste parle encore du Cameroun comme du pays d’en bas-là-bas, le pays de Paul Biya.

On a ainsi rassemblé sous la notion de Grand Nord, un Cameroun à part, le Septentrion. Et l’ignorance profonde des régions diverses du Cameroun par la plupart des Camerounais aidant, la division des consciences prospère. De parts et d’autres, on se dit : « les autres ne sont pas comme nous ». Et ainsi en diaspora.

Le Sawa

Les Français et les régimes Ahido-Biya ont créé ardemment et abusivement le Sawa, une ethnie bâtarde constituée pêle-mêle des peuples anciens du littoral, du sud et du sud-ouest. Le Sawa serait un certain esthète. On le reconnaîtra à son goût tout spécial pour l’art, pour le style, pour l’apparence soignée. On n’hésitera pas à le décrire négativement comme paresseux, parasite, dépensier, exhibitionniste. Ce qui permettra globalement de le neutraliser. On y a mis le duala, le batanga, le bassa, le bassoo, le banen, le moya, le bandem, le bakoko, le bonkeng, l’ewodi, le bandem, le mbang, et cie. Ces peuples dits côtiers étant supposés résister comme des beaux diables à l’envahisseur venu des montagnes de l’Ouest, le bamiléké, tout comme au colon intérieur venu du nord, le nordiste.
L’ethnie fictive des Sawa a été créée de toutes pièces pour empêcher Douala d’être la ville de la conscience nationale transcendante. Douala qui s’était appelée Kamerun-Stadt/Cameroon-Town dans le passé, a été ainsi forcée à être une zone de conflits et de défiance entre les populations sœurs du territoire camerounais. Pourtant Douala fut le premier endroit de ce Cameroun où tout camerounais pouvait se sentir chez lui au Cameroun, car c’était Cameroun-Ville, la Ville-de-Cameroun.

Le système de gestion des communautés urbaines sous les régimes Ahidjo-Biya a privilégié cette perception hiérarchique du territoire, renforçant par les privilèges politiques réservés à de prétendus autochtones, le terrible sentiment de l’impossible vivre-ensemble sans défiance ni méfiance entre les Camerounais. Ainsi, à la tête de la communauté urbaine de Garoua, faut-il nécessairement un peulh ; à la tête de celle de Bafoussam, nécessairement un Bamiléké ; à la tête de celle de Yaoundé, nécessairement un Béti-Bulu ; à la tête de celle de Douala, nécessairement un Duala , etc. Pauvre pays !

L’Ekang

Les français et les régimes Ahidjo-Biya ont créé progressivement l’ethnie Beti-Bulu, aujourd’hui reprofilée sous le nom controuvé d’Ekangs. Une autre baliverne faite pour souder mécaniquement les peuples si divers du centre et sud et même de l’est camerounais, derrière l’élite manipulatrice issue de ces régions, au service de l’ordre français et de l’oligarchie UNC-RDPC. L’Ekang, comme autrefois le Wajo-Nordiste, a été amené à se penser comme détenteur naturel du pouvoir politique central. Membre naturel du pays organisateur. Les campagnes et villes du centre-Sud ont beau être aussi arriérées que tout le reste du pays, voire davantage, cela n’y change rien. Le pauvre paysan beti-bulu, l’ouvrier, l’étudiant, le fonctionnaire ou l’entrepreneur beti bulu sont entretenus dans l’illusion d’être-plus-que-les-autres, d’avoir quelque chose de plus que tous les autres camerounais, à savoir l’appartenance à la même ethnie que le président de la République. On n’oublie pas d’ajouter négativement que l’Ekang est un dangereux jouisseur, porté sur le sexe, grand voleur d’Etat, ivrogne patenté. Et ainsi, on aura donné aux autres ethnies de bonnes et solides raisons de le détester.

L’Ekang est supposé (e) mourir de faim, de maladie, de pauvreté, d’ignorance et même de violence comme tous les autres camerounais. Mais son cadavre a une fierté de plus : c’est un cadavre de membre de l’ethnie du pouvoir, et cela lui suffit. Monstrueuse zombification. Et ainsi en diaspora, où l’on voit des individus et des groupuscules détruits par cette idéologie ekang prospérer dans l’invective arrogante, la prétention guerrière de détenir à vie la tête de l’Etat du Cameroun, la menace et le chantage génocidaires et ethnocidaires agités en permanence comme arguments en faveur du statu quo.

L’Anglo

Il s’agit bel et bien d’une ethnie créée par le colon français et le régime Ahidjo-Biya entre 1960 et nos jours. La caractérisation de ce groupe ethnique aux contours flous comprend l’ensemble des camerounais des régions du sud-ouest et du nord-ouest, anciennement constituantes du Southern Cameroons britannique, l’ensemble des camerounais de culture éducative, intellectuelle, judiciaire, administrative et politique anglo-saxonne, l’ensemble des camerounais unis par le souvenir de leur co-appartenance à une nation anglophone à part qui s’allia pour son malheur avec le Cameroun francophone en 1961 à Foumban.
L’Anglo(se) est par extension, présenté(e) négativement comme un(e) sauvageon(ne) des terres intérieures, sans-style, bricoleur patenté, trafiquant biafrais, amateur de faux et d’usage de faux – voir toute la mythologie des camerounais nés à Kumba-, etc. Une dose de négativité qui prédispose l’anglo(se) à être un citoyen subalterne, du sommet de l’Etat au plus petites strates sociales. Et ainsi, en diaspora. Ou l’anglo(se) se présente souvent sous le visage de l’aigreur victimaire. Jure ses grands dieux sa haine du francophone qui le lui rend bien. Et ainsi, chacun neutralise par sa haine, la possibilité de faire monde avec l’Autre.
On voit dès lors que la manipulation des ethnies au Cameroun a pour but essentiel d’empêcher la naissance d’une conscience nationale, d’empêcher les camerounais de constituer un corps politique uni, de faire peuple autour d’une loi fondamentale juste et valable pour tous. L’ethnie ainsi instrumentalisée est donc un levier de la paralysie des luttes camerounaises pour l’Etat de droit et la démocratie.

Le rôle majeur de la corruption dans la destruction de la révolution citoyenne camerounaise

Corrompre, c’est obtenir d’une personne, par un effet de persuasion, une pensée ou un acte condamnables en échange d’une récompense immédiate ou fictive. C’est faire effectuer en âme et conscience, quelque chose de mauvais par quelqu’un. On corrompt par le mensonge, la manipulation de l’Autre. Mais on corrompt plus aisément en utilisant la puissance de l’argent. Le Cameroun est un pays dont la population vit à 70% en deçà du seuil de pauvreté. IL s’ensuit logiquement que la faim, la misère quotidienne tenaillent l’écrasante majorité des populations de ce pays et de la diaspora. « Ventre affamé n’a point d’oreilles », dit l’adage. D’où la fragilité massive du peuple camerounais devant les offres de corruption, du sommet de l’Etat à la vendeuse de rue ordinaire, la peur des lendemains incertains rend corruptible et corrupteur.

C’est ce que le Président élu du Cameroun, le professeur Maurice Kamto, a si justement nommé « La kleptocratie ». C’est le pouvoir des voleurs, le pouvoir-voleur, le pouvoir-volé qui n’existe qu’en volant. C’est un régime politique essentiellement bâti autour du pouvoir de voler, de faire voler, et même de voler aux voleurs. Une commune fragilité unit les corrompus et corrupteurs de toutes catégories.

Le richissime milliardaire administratif, ministre, haut fonctionnaire, qui pille les biens publics éprouve un mal fou à s’arrêter. On sait à présent pourquoi. IL a peur que demain, l’abondance lui manque, car le système de vol collectif est une incertitude généralisée. De même, le petit commis qui vole, l’homme d’affaires qui fraude, le fonctionnaire, le leader politique qui se font graisser la patte, appartiennent à ce monde instable où l’occasion fait le larron, car nul n’est sûr de rien. La kleptocratie camerounaise est un monde fou, parce que flou, incertain, aveugle pour tous. Une fatalité généralisée: tricher est devenu un mode d’être ordinaire au monde.

La diaspora camerounaise n’échappe pas à ce contexte. Elle est certes diversifiée en classes socioéconomiques, en communautés ethno-régionales, en associations d’intérêts divers et en mouvements sociopolitiques variés. Mais la diaspora est aussi malheureusement composée de très nombreux ventres affamés. Pas seulement de cadres ou de salariés qui gagnent correctement leurs vies et qui se laissent tenter par d’autres ambitions . Elle est surtout constituée par des milliers de consciences fragilisées par les difficultés de la traversée et de l’intégration. La diaspora, dans toute la diversité de ses classes socioéconomiques est dès lors poreuse aux réseaux de corruption venus du Cameroun et ouverte aux opportunités mafieuses des lieux de résidence. Le mythe du retour victorieux au pays n’y est pas pour rien. On rêve de tordre le cou au destin, de montrer à ceux qui ont méprisé l’exilé autrefois, qu’on a réussi. On rêve de rentrer en force et puissance au pays, avec limousines et châteaux à la clé. Fiévreuse revanche qui privilégie l’avoir sur l’être, l’apparence sur l’essence humaine.

Les régimes Ahidjo-Biya, tout comme la puissance néocoloniale française n’hésitent pas, dans cette faille, à constituer leur cohorte d’agents doubles, de serviles servants de la DGSE, de facilitateurs du démantèlement des luttes citoyennes nationales dans la diaspora. La corruption ronge le processus de la révolution citoyenne et la traverse de parts en parts par ses scandales à rebondissements : quêtes collectives détournées, enveloppes suspectes reçues des agents du pouvoir Biya, rencontres et tractations nocturnes injustifiables avec des pontes du pouvoir qu’on dénonce le jour. Le tout, bien souvent sous le prétexte bien controuvé d’espionner le pouvoir en faisant semblant de dialoguer avec lui…Une véritable flibusterie qui ne trompe que les plus candides consciences.

On l’aura sans doute compris, seule une vision politique non-violente, authentique, républicaine, incorruptible de l’avenir du Cameroun peut réaliser la révolution citoyenne qui fondera l’Etat de droit et la démocratie dans ce pays. C’est l’immense défi de ce temps camerounais, pesant sur les épaules de ce peuple et de son leader actuel, le Président Elu Maurice Kamto. Tel sera l’objet de la prochaine réflexion que nous publierons sur la crise politique camerounaise. Affaire à suivre donc.

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