Communication de crise : Quand le gouvernement en perd son latin
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Comment le manque de réserve du gouvernement met en péril la crédibilité de la communication gouvernementale, à la lumière des tueries de Ngarbuh, entre autres bavures.

Inutile de se mettre dans la peau de René Emmanuel Sadi pour savoir ce qu’il ressent depuis mardi dernier, à la suite de la publication par le ministre d’Etat secrétaire général de la présidence de la République, Ferdinand Ngoh Ngoh, du rapport de l’enquête prescrite par le chef de l’Etat pour faire la lumière sur la tuerie du 14 février dans la localité de Ngarbuh dans le département du Donga-Mantung (Nord-Ouest).

Les informations contenues dans ce document sont complètement en déphasage avec les faits décrits par le ministre de la Communication (Mincom) au lendemain de ce drame. Ce dernier avait non seulement nié l’implication d’éléments de forces de défense et de sécurité nationales dans ce drame, remettant pratiquement en question la version du ministère de la Défense qui évoquait un « malheureux accident, conséquence collatérale des opérations de sécurisation en cours dans ces régions », mais il avait soutenu mordicus que les images montrant des corps de civils gisant au sol, publiées par l’Ong Human Rights Watch sur cette attaque, avaient été « prises dans un pays d’Afrique de l’Ouest à la suite d’un accident de la circulation ».

Par ailleurs, alors que la plupart des Ong soupçonnaient des éléments des forces régulières d’avoir délibérément mis le feu à des habitations civiles, René Emmanuel Sadi avait rétorqué que c’est au cours des accrochages qui avaient eu lieu entre six éléments d’élite de l’armée et des sécessionnistes « lourdement armés, qu’un incendie s’est déclaré dans le refuge fortifié qui contenait des explosifs et des produits inflammables stockés par lesdits rebelles. Il s’en est suivi des explosions, puis des langues de feu qui se sont propagées jusqu’aux habitations voisines ».

Autant le membre du gouvernement a reproché à ces organisations de faire des affirmations sans recoupements préalables, autant lui-même a fait preuve d’un manque de réserve qui met fortement en péril la crédibilité de la communication gouvernementale, surtout pour ce qui est de la guerre que le Cameroun mène depuis bientôt quatre ans contre des groupes séparatistes dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest. Bien évidemment, le ministère de la Défense – qui est censé avoir fourni toutes ces informations - et même la présidence de la République ne sont pas à absoudre dans cette situation. Mais, étant donné que c’est lui qui élabore et met en oeuvre la politique du gouvernement en la matière, le ministère de la Communication endosse automatiquement tous les dérapages qui peuvent en découler.

Incident diplomatique

En son temps, Issa Tchiroma avait essuyé les quolibets et la colère de l’opinion nationale et des Ong de défense des droits de l’homme, après avoir nié l’implication de militaires camerounais dans l’exécution de femmes et d’enfants dans l’Extrême-Nord, en 2018. Le prédécesseur de René Sadi avait attribué sans aucune réserve et au risque de créer un incident diplomatique, à l’armée malienne la vidéo montrant des éléments d’une unité d’élite de l’armée tirant à bout portant sur des mamans et des bébés. Quelques mois après, le gouvernement avait annoncé l’arrestation et l’incarcération de sept militaires impliquées dans ces exactions.

Et ces dernières années, le ministère de la Communication surjoue sur la thèse du complot pour répondre à chaque rapport non favorable au gouvernement. Il est à espérer que le rapport d’enquête publié mardi par la Présidence, outre le fait qu’il répond à l’obligation de transparence de l’Etat et au droit du public à une information fiable, servira de recadrage à la communication gouvernementale, souvent faite avec beaucoup de passion et généralement dans la précipitation.

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