Me Emmanuel Simh : « Maurice Kamto fonde l’espoir des Camerounais »
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Me Emmanuel Simh : « Maurice Kamto fonde l’espoir des Camerounais » :: CAMEROON

Il aura été des toutes les batailles judiciaires et juridiques auprès de Me Sylvain Souop qui a rangé définitivement sa robe de plaidoirie et se repose pour l’éternité à Baham qui l’a vu naître et dont sa terre rouge s’est refermée sur lui samedi dernier. Me Emmanuel Simh, le truculent avocat au Barreau du Cameroun, auréolé de ses attributs de vice-présidence du MRC, est là, peu ou prou, à la croisée des chemins de l’itinéraire ou de la trajectoire du défunt. Ce matin, il livre à bâtons rompus, face au reporter de votre quotidien, une autre oraison funèbre de son confrère, avec en toile de fond, la dimension et les implications de la perte subie par son parti et le Barreau.

L’hymne à la gloire de l’œuvre son ami Sylvain, s’achève par une revue de l’actualité politique au Cameroun. Désormais à ses yeux, sur l’échiquier politique s’impose deux pôles. Il y a d’un côté le MRC et de l’autre les partis politiques, alliés du RDPC et autres, qui ont suivi Paul Biya dans le double scrutin du 9 février. Le MRC va assumer à l’avenir son rôle de parti de l’opposition ou de propositions. Bien d’autres aspects encore à lire, entre autres le bilan de l’activité judiciaire du MRC, la sortie du Numéro un français au salon de l’Agriculture à Paris, ou la libération d’Ayuk Tabe et compagnie.

Quel commentaire après la cérémonie solennelle de l’hommage du Corps judiciaire à Me Sylvain Souop avec qui vous avez plaidé ensemble sur un certain nombre de dossiers ?
Nous avons constaté que pour la première fois il y a eu un déploiement inhabituel non seulement des forces de l’ordre aux obsèques d’un avocat, mais également du Corps judiciaire. En général, lorsqu’un avocat est décédé et qu’il y a cet hommage judiciaire, les magistrats viennent c’est vrai mais pas avec la qualité et le nombre qu’on a pu voir aujourd’hui. Tout le monde était là, le président de la Cour suprême, le Procureur général, les présidents du tribunal administratif et du tribunal criminel spécial, entre autres. Cela démontre que la personne Sylvain Souop avait pris une dimension que nous étions nous-mêmes loin d’imaginer.

Une dimension qui ne pouvait être mises au grand jour qu’après sa mort. Malheureusement pour lui, j’aurai tellement aimé, s’il pouvait voir ; lui mon ami Sylvain, s’il pouvait se lever et voir l’hommage qui lui est rendu par la Nation entière, je dis qu’il s’en irait encore plus tranquille. Et c’était le cas à la morgue ce matin, où même des ministres de la République ont tenu à assister à cette levée du corps. Sylvain était donc un homme transversal qui a toujours dit qu’il est professionnel, et je pense que cet après-midi, c’est surtout le professionnel Souop qu’on est venu pleurer.

Vous dites qu’on n’a pas connu une telle mobilisation avant ?
Non, de mémoire d’avocat, je n’ai jamais vu une telle mobilisation au décès d’un avocat. Je dis jamais. C’est exceptionnel. Même le dispositif qu’on a mis en place avec des bâches et des chaises, on l’a mis en place une fois quand le Bâtonnier Bernard Muna était décédé. C’est généralement debout qu’on assiste aux obsèques des avocats. Je pense que nous étions conscients nous-mêmes de la qualité et de la quantité des personnes qui devait venir à ce deuil là et il fallait qu’on prenne des mesures exceptionnelles pour que des personnes puissent être assisses et assister dignement aux obsèques de Me Sylvain Souop.

En en sommes-nous aujourd’hui de l’enquête relatives aux causes et circonstances de sa mort ?
Le Barreau du Cameroun à travers le Bâtonnier qui l’avait annoncé et il l’a redit encore aujourd’hui, a déposé une plainte contre inconnu suite à la mort de Me Sylvain Souop. Jusqu’à ce jour nous n’avons eu, et vous serez les premiers à le savoir, les résultats de cette enquête. Je pense que la famille de Me Souop est très éprouvée et qu’elle a souhaité d’abord l’inhumé. Je le crois parce que le communiqué qui a été commis par l’ordre des médecins disait clairement que la famille de M Sylvain Souop, à travers ses avocats n’a pas entendu laisser l’accès au corps de Me Sylvain Souop. Je pense que c’est logique car Sylvain était quelqu’un de très simple et sa famille n’a pas voulu qu’il ait de polémique après sa mort. Il y en avait déjà et je pense que la famille a à coeur que Sylvain repose en paix, et nous attendons, peut-être le procureur général nous dira dans quelques jours ce qu’il en est effectivement de l’enquête et qu’on pourrait avoir le rapport de l’enquête.

On peut rebondir en politique maintenant. Vous avez mené tambour battant avec lui, plusieurs procès ici au Cameroun liés au MRC. Un petit bilan aujourd’hui ?
Nous avons été effectivement, Sylvain et moi sur plusieurs chantiers. Le judiciaire et le juridique. Le premier chantier dans lequel nous avons travaillé vraiment en binôme était lors de la défense du candidat du MRC, le Pr Maurice Kamto au cours du contentieux électoral devant le Conseil constitutionnel. Et au cours de ce contentieux, vous l’avez bien remarqué, Sylvain avait joué une très belle partition par la qualité de ses plaidoiries. J’avais eu le bonheur de diriger le Collectif de ces avocats-là, qui comportait parce que mes confrères avaient demandé que je le fasse alors qu’il y avait là les bâtonniers, les anciens bâtonniers, mais ils m’ont fait la confiance pour diriger ce collectif. Je dis que Sylvain Souop était l’une de nos chevilles ouvrières, aussi bien dans la conception des dossiers, dans la recherche des jurisprudences que dans les éléments purement de droit. Il a beaucoup aidé à la plaidoirie et son cabinet a servi beaucoup comme base de travail. Je pense que nous avons montré devant le monde ce que le Cameroun peut produire comme qualité en matière d’avocat.

Le second chantier dans lequel on a travaillé ensemble, c’est après l’arrestation du président Maurice Kamto, qui avait contesté les résultats de la présidentielle, et à ce moment-là, j’avais été chargé par mes camarades de m’occuper un peu des affaires du parti, et à ce moment, Sylvain a pris la mesure du travail qu’il devait faire et nous avons voulu qu’il soit le coordonnateur du Collectif des avocats de Maurice Kamto. Ce collectif dès sa mort, s’est réuni et a décidé que désormais ça va s’appeler le Collectif Sylvain Souop. Donc, il a fait ce travail avec beaucoup de brio, et au cours de ces procédures, il y en a eu tellement. Il y a eu des procédures au pénal et il y en a eu également des procédures que nous avons-nous-mêmes initiés notamment au niveau de l’Union africaine et des institutions des droits de l’homme à Genève. Les procédures pénales contre nous ont été arrêtées dans le cadre des poursuites au niveau du Tribunal militaire comme vous le savez. Malheureusement, quelques militants qui étaient en prison, se sont trouvés condamnés pour des faits survenus à la prison centrale de Yaoundé pour des faits dont ils n’étaient nullement impliqués. Je le dis avec grande insistance, et nous avons encore aujourd’hui une quinzaine de nos militants en prison et dont les procédures se poursuivent à la Cour d’appel du Centré. S’agissant des procédures internationales, je ne peux que vous dire d’attendre encore, parce que les procédures ne sont pas très rapides à ce niveau-là, et nous attendons patiemment que ces juridictions puissent se prononcer.

Nous avons également à l’époque déposé une plainte avec constitution de la partie civile, contre le ministre René Sadi, qui avait dans les antennes de Rfi osé déclarer que le MRC avait été l’auteur des saccages survenues dans les Ambassades du Cameroun en France à Paris, et à Berlin en Allemagne. C’était une déclaration très grave et lorsqu’on sait que c’est sur la base de ces saccages qu’on a arrêté le président Maurice Kamto, il fallait bien que nous déposions la plaine à Paris en France, où Rfi est située, où Rfi a son siège, pour que Mr Sadi René Emmanuel puisse démontrer devant la justice le lien qu’il pourrait y avoir eu entre les saccages des ambassades et le président Kamto et les militants du MRC. Donc ces plaintes-là suivent encore leurs cours et nos confrères parisiens suivent ces dossiers. Je pourrai vous en donner de nouveaux éléments dans quelques jours.

Maurice Kamto est rentré de son périple international, maintenant qu’est-ce que vous en dites à son retour ?
Je dois dire que j’ai accompagné le président Kamto au meeting de Paris en France. Nous avons vu des Camerounais venus de tous les coins de l’Europe, en prenant eux-mêmes leurs billets d’avion, leurs billets de train et parfois leurs voitures pour arriver à Paris. Ils louaient des nuitées dans les hôtels, et devaient se nourrir sur place. Je dois dire que cette capacité des militants du MRC à aller vers leur leader impressionne tout le monde. Ils ne demandent pas de l’argent pour le faire. Ceux qui peuvent penser ou l’écrire que nous donnons de l’argent à nos militants peuvent bien se rendre compte que pour partir de Dublin pour venir à Paris pour trois jours, pour écouter Maurice Kamto, ce n’est pas le MRC qui peut donner de telles sommes d’argent. Non, il y avait à Paris, à la Place de la République, le monde que le monde entier a vu.

Et la tournée s’est poursuivie aux Etats-Unis au Canada, non seulement par des meetings mais également par des conférences universitaires de très haut niveau, données par le président Maurice Kamto, et nous avons tous entendu des gens nous faire des quolibets, prétendant que le MRC fait des meetings à l’étranger, alors que le MRC est mort au Cameroun. Et le président est rentré dans la nuit d’avanthier, il est arrivé au Cameroun par Douala. Hier spontanément, les Camerounais sont venus l’attendre. Je peux vous dire qu’il y avait à Douala, non seulement les militants du MRC, mais tous les Camerounais qui ne sont pas nos militants mais qui sont venus écouter cet homme. Pourquoi est-ce que des foules viennent tant derrière Maurice Kamto ?

Les gens sont venus à Douala et on a prouvé à ceux qui disaient qu’on ne peut que faire les meetings à Paris, que nous pouvons, si on laissait au MRC la liberté de faire des meetings au Cameroun, qu’on ferait les meetings les plus grandioses. Pour une fois que nos militants n’ont pas été inquiétés, on a pu voir la foule qu’il y avait à Douala et le soir, quand il arrivait à Yaoundé également, le cortège qui partait de l’entrée de la ville de Yaoundé jusqu’à chez lui était constitué, aux yeux des témoins qui m’en ont rendu compte aujourd’hui, de centaines de voitures. Et chez lui encore à la maison, il y avait des milliers de personnes qui l’attendaient. Qu’est-ce que je vais penser ? C’est simplement qu’on a prétendu après le boycott prôné par le MRC et dont le succès a été éclatant, on nous a dit que le MRC était mort. Permettez-moi de dire mon étonnement de dire qu’un parti mort puisse réunir des milliers de personnes dans le monde entier. Si le président Kamto va demain en Asie, je peux vous dire qu’il y aura autant de monde. Il y a une grande joie pour nous de recevoir le président, de le voir à nouveau, de le voir en bonne santé, et nous sommes contents qu’il soit revenu parce que nous sommes prêts de repartir pour de nouvelles batailles.

Sur l’échiquier politique maintenant, what next ?
Nous allons faire de l’opposition. Notre rôle consistera non seulement de continuer à critiquer de manière objective le gouvernement, mais aussi à proposer car le MRC, on ne le dit pas suffisamment, est une grande force de propositions. Nous avons fait un programme politique à la présidentielle de 2018 de 82 pages qui comporte des propositions pratiques à tous les problèmes qui peuvent être posés au Cameroun aujourd’hui. Nous étions prêts à gouverner en 2018. Nous avions préparé un projet qui permettait que le lendemain on puisse commencer à gouverner efficacement. Donc nous continuerons à jouer le rôle d’un parti politique. Moi, je me rends compte aujourd’hui, et tout le monde peut l’observer qu’au Cameroun, il y a désormais d’un côté le MRC et de l’autre ceux qui qui ont voulu suivre dans l’aventure le RDPC.

L’aventure électorale qui s’est révélé à la fin être une grosse mascarade. Il y a d’un côté le MRC et de l’autre ces gens-là. Qu’on m’explique comment ces partis-là, nos amis, pourront changer le pays avec des scores qu’ils ont pu avoir. Il y aura d’un côté l’opposition que nous voulons continuer à incarner et de l’autre ceux qui auront suivi Mr Paul Biya. Mais le plus important pour le parti MRC, c’est que nous continuons à nous implanter. Malgré le boycott, les gens continuent à nous faire confiance et à venir dans nos rangs. J’étais personnellement à l’Est Cameroun pour expliquer le boycott à nos militants et je peux vous dire que cela s’est transformé en une tournée d’adhésion au MRC. Les Camerounais nous font confiance. Maurice Kamto fonde la confiance des Camerounais. Je pense que ces meetings à l’étranger et au Cameroun montrent que le MRC est le parti leader. Je demande aux Camerounais de bonne volonté, y compris même ceux du RDPC de se rendre à l’évidence et de rejoindre le combat de la résistance et de la renaissance.

Comment comprenez-vous la réaction du président Macron qui dit qu’il a fait des pressions sur le Président Biya pour que Maurice Kamto soit libéré ?
Mr Macron est un Président et un chef d’Etat. Ce qu’il a dit, nous l’avons tous entendu. Moi, je n’étais pas tonné car dans une interview que j’ai accordée à Paris le 2 février dernier, j’avais déjà dit que le président Biya se comportait comme un préfet de la France et que je n’étais pas tonné par ce comportement. Mr Biya a été étudiant dans une Ecole de hautes études à Paris dont le rôle était de former des administrateurs coloniaux. Et quand Mr Biya est rentré au Cameroun, il a continué de se comporter exactement comme a été formé, c’est-à-dire un administrateur colonial. Et aujourd’hui encore, il n’a pas réussi à se rendre compte que notre pays est indépendant, et agit comme un préfet. Je l’ai dit le 2 février à Paris.

Quand Emmanuel Macron nous dit ce qu’on a entendu là, je dis oui, ce n’est pas normal car Mr Biya aurait dû ne jamais arrêter Mr Kamto, et lorsqu’il l’a arrêté, les Camerounais en grande majorité, même par des marches pacifiques lui ont demandé de libérer Mr Kamto et il ne l’a pas fait. Cela veut dire quoi ? Qu’apparemment Mr Biya ne sait pas nous écouter, nous son peuple et qu’il écoute les autres. On ne serait pas arrivé à tout ce que j’ai entendu si Mr Kamto avait été libéré simplement à la demande de toutes ces organisations internationales et nationales, des citoyens ordinaires, des églises qui lui demandaient de le libérer. Donc je pense que ce que Mr Macron a dit, il l’a dit et nous sommes tout simplement au regret d’imaginer qu’aujourd’hui encore le Cameroun n’est pas sorti de sa tutelle sous la France.

Le Conseil constitutionnel pour la première fois a ordonné la reprise des élections dans onze circonscriptions dans le Noso. Votre commentaire.
Je n’ai pas de commentaire spécial là-dessus. Le MRC avait demandé que le scrutin soit boycotté et reporté. Le MRC avait demandé avec insistance qu’avant tout élection, nous puissions changer le système électoral dans ses règles et son fonctionnement et que la crise dans le Noso soit réglée. C’était le préalable. On n’a pas été écouté. Mr Biya s’est entêté à faire son élection. La conséquence c’est qu’aujourd’hui on nous apprend qu’aujourd’hui, il n’y a pas eu élection dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest. Mais on l’a dit longtemps à l’avant. Cela veut dire qu’on a eu raison avant les autres. Et même dans la partie francophone, il n’y a pas eu d’élections. Si on voulait être cohérent avec nous-mêmes, une élection qui a 25% de taux de participation devrait être considérée comme une élection illégitime. Un pays comme la Turquie ne valide une élection que si la moitié au moins du corps électoral est allée aux urnes. Ce n’est pas le cas chez nous malheureusement.

C’est la preuve au moins que les Camerounais n’ont pas voulu suivre Mr Biya dans cette élection. Voilà ce qui est évident. Donc pour nous, qu’on annule les élections dans le Nord-Ouest ou le Sud-Ouest, la raison qu’on donne c’est que les élections n’ont pas eu lieu. Nous avait dit cela avant, si on nous avait écoutés ! On serait en train de terminer ou alors de continuer le processus de règlement de la crise, on serait en train de mettre en place nous-mêmes entre Camerounais le règlement du système électoral et on aurait fait des élections plus crédibles qu’avant en ayant un pays pacifié. C’est vraiment dommage.

Le président Maurice Kamto a dit hier qu’il faut libérer Ayuk Tabe. Comment est-ce que vous le comprenez ?
Mais il l’a toujours demandé. Cela fait longtemps qu’il le dit, même étant en prison, il le disait. Souvenez-vous bien, Mr Kamto a toujours soutenu par des productions qu’il a faites que la crise anglophone est une crise politique et qu’il faut y trouver des solutions politiques et non pas judiciaires et non pas faire les menaces judiciaires contre les personnes qui sont impliquées. Donc depuis la prison, nous avons toujours demandé qu’on libère Ayuk Tabe et tous les autres. Je dis bien tous. Aucun ne reste en prison, c’est la position de Mr Kamto, c’est la position du MRC que nous défendons toujours. Je suis l’avocat d’Ayuk Tabe et c’est toujours ce que j’ai dit.

Il faut libérer les anglophones, nous mettre à la table de discussion de manière sérieuse, sans subterfuges pour sortir de la crise anglophone. Je pense au fond de moi que les anglophones ne sont pas tous habités un sécessionnisme forcené. Si nous discutons, c’est nos frères, on reste ensemble, si on s’est engueulé, c’est passé, je pense qu’on pourrait arriver à une solution qui est bonne pour tous les Camerounais, aussi bien nos frères de culture anglophone que nous de culture francophone. C’est possible de la faire, Mr Biya le sait. Il dira un jour à l’histoire pourquoi il laisse son pays dans la guerre et dans le sang.

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