Nord-Ouest/Sud-Ouest : Un statut pas tout à fait spécial
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Le pouvoir central garde une trop grande mainmise sur la gestion de ces deux régions.

Selon l’article 329 du projet de loi portant Code général des collectivités territoriales décentralisées (Ctd), les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest s’administreront désormais librement par des organes élus, à savoir l’Assemblée régionale et le Conseil exécutif régional. Le premier est l’organe délibérant, qui exerce l’ensemble des attributions dévolues aux conseils régionaux qui vont être mis en place dans les huit régions francophones.

Cette Assemblée régionale comprendra la house of divisional representatives qui est la chambre des représentants des départements (70 membres), et la house of chiefs qui est la chambre des représentants du commandement traditionnels (20 membres). En somme, beaucoup de similitudes avec les conseils régionaux pour des régions pourtant placées sous un statut spécial. « Il s’agit simplement d’un changement de nom. Le portail des camerounais de Belgique (@camer.be). C’est les conseils régionaux qui sont maquillés en Assemblées régionales. Les deux ont les mêmes attributions et il n’y a vraiment rien de spécial », estime Me Emmanuel Ashu Agbor, avocat au barreau du Cameroun. Qui poursuit en indiquant que la loi aurait dû permettre à cette instance de légiférer, puisqu’elle est structurée comme le Sénat et l’Assemblée nationale.

Sur les compétences exercées par l’Assemblée régionale, l’article 328 du texte en examen au Parlement dispose en son alinéa 1, qu’elle participe à l’élaboration des politiques publiques nationales relatives au sous-système éducatif anglophone, à la création et la gestion des missions régionales de développement et à l’élaboration du statut de la chefferie traditionnelle. Selon l’alinéa 2, « les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest peuvent être consultées sur les questions liées à l’élaboration de politiques publiques de la justice dans le sous-système de la Common Law ».

Par ailleurs, « elles peuvent être associées à la gestion des services publics implantés dans leurs territoires respectifs » (alinéa 3). Ces dispositions font dire à Me Emmanuel Ashu Agbor que toutes les décisions continueront d’être prises à partir de Yaoundé. L’article 367 (1), lui, institue auprès des deux régions anglophones un « public independent conciliator » qui est une sorte de médiateur, nommé par décret du président de la République. Ses attributions : examiner et régler à l’amiable les litiges opposant les usagers à l’administration régionale et communale ; défendre et protéger les droits et libertés dans le cadre des relations entre les citoyens et la région ou les communes de la région ; concevoir et mettre en oeuvre les mesures de prévention et lutte contre les discriminations, directes ou indirectes, dont pourraient être victimes les usagers des services régionaux ou communaux ; dresser un rapport sur le fonctionnement des services régionaux et communaux, etc. Mais cette disposition ne précise pas, comme c’est le cas avec le poste de président du conseil régional, si ledit médiateur doit être autochtone de la région.

Trublions

L’avocat Ashu Agbor se méfie de ce vide juridique et pense que le chef de l’Etat pourrait s’en servir pour nommer des trublions à ce poste de « public independent conciliator ». Pour l’historien et analyste politique Ahmadou Sehou, ce statut spécial est une avancée significative vers l'autonomisation des régions anglophones. « Certaines de ses dispositions prennent en compte leurs spécificités historiques et linguistiques, en attendant plus de précisions dans les textes d'application. Toutefois, on peut relever encore une forte emprise du pouvoir central à travers la coexistence concurrente de la région élue et de la région nommée, incarnée toujours par le gouverneur, le préfet et le sous-préfet. La subordination des élus aux autorités nommées, qui non seulement assistent et interviennent lors des sessions, mais donnent leur accord avant que toute résolution puisse être exécutoire », analyse-t-il.

Par ailleurs, poursuit-il, « il n'y a pas une nette séparation entre exécutifs élus et assemblées délibérantes dans la mesure où elles sont présidées par le président de la région pour l'Assemblée des représentants des départements ou par son vice-président en ce qui concerne l'Assemblée des chefs traditionnels. La détermination des compétences et le poids à accorder aux résolutions adoptées posent encore des problèmes. L'État central s'étant réservé l'exclusivité des domaines de souveraineté, il aurait pu clairement laisser aux régions la faculté de délibérer et d'appliquer librement sur les domaines qui leur sont reconnus expressément ».

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