Violation des Droits de la Défense: Jusqu’où la Justice Camerounaise doit-elle continuer à Broyer ?
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Violation des Droits de la Défense: Jusqu’où la Justice Camerounaise doit-elle continuer à Broyer ? :: CAMEROON

Priver un citoyen de son droit d’être assisté par son Avocat, c’est prononcer d’office contre lui une peine de mort sans jugement, c’est tuer la République !

1°- L’office de l’Avocat s’accompli d’abord au bénéfice de son client

Il est connu urbi et orbi et inscrit dans le préambule de la Constitution du Cameroun que nul ne peut être poursuivi, arrêté ou détenu que dans les cas et selon les formes déterminées par la loi.

Pour renforcer cette acclamation, il est adopté par les lois nationales et internationales que tout prévenu est présumé innocent jusqu'à ce que sa culpabilité soit établie au cours d'un procès conduit dans le strict respect des droits de la défense.

S’inscrivant dans la perspective du respect des droits fondamentaux du citoyen, le législateur camerounais (par mimétisme ou par snobisme ?) a prévu à l’article 8 (1) du code de procédure pénal que « Toute personne suspectée d'avoir commis une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d'un procès où toutes les garanties nécessaires à sa défense lui seront assurées. »

La loi entend par suspect tout inculpé, prévenu ou accusé contre qui il existe des renseignements ou indices susceptibles d'établir qu'elle a pu commettre une infraction ou participer à la commission de celle-ci.

La question substantielle qui taraude l’esprit rationnel et se dégage est dès lors celle de savoir se à qui incombe la lourde charge de faire jaillir les éléments matériels et moraux pour démontrer en cas de besoin l’innocence ou asseoir la culpabilité d’un suspect ?

Cette mission laborieuse et épineuse incombe bel et bien à l’Avocat.

Qui plus que l’Avocat peut éclairer l’opinion du justiciable et celle du juge sur un dossier ?

Tenez ! L’article premier de la loi n°90/059 du 19 décembre 1990 régissant la profession d’Avocat au Cameroun proclame que  la Profession d’avocat est une profession libérale, qui consiste, contre rémunération, à Assister et représenter les parties en justice, postuler, conclure et plaider, donner des consultations juridiques .
De cette disposition, il jaillit plusieurs indications à savoir que:

L’Avocat exerce une profession libérale. Une profession libérale bien entendu, désigne toute profession exercée sur la base de qualifications appropriées, à titre personnel, sous sa propre responsabilité, de façon professionnellement indépendante et répond à un intérêt général. C'est-à-dire que l’Avocat est indépendant et n’est soumis à aucun lien de subordination

Les prestations de l’Avocat sont rémunérées

Dans l’exercice de ses missions, l’Avocat est assis (assiste), à coté de sons client

Lorsque son client n’est pas là, son Avocat le représente, parle, chante et crie en son nom si besoin est. L’Avocat peut même se coucher au sol pour le bien de son client. Il est voué à la tache pour le bien suprême de son client.

S’agissant justement des moyens que l’Avocat doit utiliser, comme déjà suggéré, il peut même marcher à quatre pattes s’il estime que c’est pour le bien de son client. Personne ne doit l’en empêcher puisqu’il est le seul à apprécier l’opportunité des moyens de sa défense. Il ne respecte que la loi. En effet, l’article 19 (1) de la n°90/019 du 19 décembre 1990 qui dit à ce sujet que « L’avocat a le choix des moyens de défense et de la forme sous laquelle il entend les présenter ». Qui peut donc l’en empêcher sans être en porte a faux avec la loi?

D’où vient alors et comment comprendre qu’un policier, un gendarme, voir un juge refuse ou critique sans qualité, sans droit ni titre les moyens choisis par l’Avocat pour la défense de son client ? L’Avocat peut choisir d’être couché au sol à coté de son client au lieu d’être assis sur une chaise. Laissez le faire. C’est la loi.
Il s’ensuit que, priver une personne de son droit d’être assisté par son Avocat revient à :

i) Vider les lois de toutes leurs substances, et notamment ses articles 1 et 19 de la loi de 1990 précitée;
ii) Faire croire au client et à l’opinion profane que la profession d’Avocat n’est pas une profession libérale et que l’Avocat n’est pas libre d’exercer. D’où la récurrence des questions suivantes posées par les clients confus et désemparés:
-Maître, tu ne peux pas aussi devenir aussi policier ou gendarme?
-Maître, pourquoi les gendarmes et policiers sont toujours fâchés quand vous venez au commissariat ou à la gendarmerie ?
-Maitre j’étais au tribunal et j’ai vu un « maître » dans un bureau las bas qui m’a dit que je n’ai pas besoin d’un Avocat pour mon affaire. Je fais comment ?
iii) Refuser que l’Avocat soit assis à coté de son client. C'est éloigner le client de son Avocat
iv) Enfin et ce n’est pas tout, priver une personne de son droit d’être assisté par son Avocat, c’est priver l’Avocat lui-même de sa raison d’être. Défendre.

2° L’office de l’Avocat s’accompli ensuite au bénéfice de l’Avocat lui-même

Empêcher un Avocat de parler et d’assister son client, c’est tuer l’Avocat lui-même.

En effet, l’article premier de la loi n°90/059 du 19 décembre 1990 sur la profession d’Avocat stipule que  « La Profession d’avocat est une profession libérale, qui consiste, contre rémunération, à assister et représenter… ». S’il ne travaille pas il n’aura donc pas droit au salaire.

Le législateur conscient de la qualité prestigieux et laborieux des missions de l’Avocat est même allez plus loin en indiquant à l’art. 23 de la même loi qu’en plus des ses honoraires, L’avocat a droit aux émoluments. Les esprits curieux peuvent s’interroger sur le sort des émoluments supposé devoir être payé ???

Revenons à notre préoccupation actuelle pour rappeler que tout fonctionnaire qui empêche à un Avocat d’exercer librement ses fonctions s’exposent aux sanctions pénales non exhaustives ci-dessous :

Abus de fonction, article 140 code pénal

Tolérance d’une atteinte aux droits individuels article 146 code pénal
Déni de justice, article 147 code pénal
Refus d’un service dû, article 148 code pénal
Violences aggravées article 132 (1) code pénal

Pour l’application des dispositions pénales ci-dessus et sans préjudice des lois particulières à chaque corps, l’article 131 du code pénal détermine le fonctionnaire ainsi qu’il suit : « Est considéré comme fonctionnaire, pour l'application de toute loi pénale, tout magistrat, tout officier public ou ministériel, tout préposé ou commis de l'Etat ou toute autre personne morale de droit public, d'une société d'Etat ou d'économie mixte, d'un officier public ou ministériel, tout militaire des forces armées ou de gendarmerie, tout agent de la sûreté nationale ou de l'administration pénitentiaire et toute personne chargée même occasionnellement d'un service, d'une mission ou d'un mandat public, agissant dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions. »

3°- L’office de l’Avocat s’accompli enfin au bénéfice de toute la République

Lawyer is a Watchdog. Cette expression est d’origine anglo saxonne. Elle signifie que l’Avocat est un chien de garde. Un protecteur. Protecteur de la loi.
Avant toute chose, rappelons que la mission régalienne de l’Etat, et même l’unique au final c’est de concourir au bien être social et économique des citoyens pris individuellement et collectivement. En un mot il s’agit de donner la paix au citoyen. La joie de vivre. Il s’agit pour l’Etat de donner vie la devise de notre pays « Paix-Travail-Patrie » ;
Une question s’impose. Peut-il avoir développement sans justice ? Nous ne le pensons pas.Une autre s’impose encore. Peut-il avoir justice sans paix ? Nous pensons toujours que non.

A la vérité, pour se développer et concourir au bien être social, il faut nécessairement produire et créer les richesses. Créer les richesses implique la sécurisation des richesses créées. Illustrons nos propos. Un investisseur peut-il conclure un contrat en sachant d’avance qu’en cas d’inexécution et de mauvaise exécution dudit contrat l’autre partie aura d’office gain de cause, ou qu’en saisissant le tribunal il doute de la sincérité de officier de police judicaire, du juge ? Qui peut accepter aller à un combat avec le bras attachés ?

Si à la lumière de l’art. 37(1) de la Constitution, la JUSTICE est rendue sur le territoire de la République au nom de du peuple camerounais, et le POUVOIR JUDICIAIRE exercé par la Cour Suprême, les Cours d’Appel, les Tribunaux, il va de soit que le bénéficiaire final du service public de la justice c’est le bien le JUSTICIABLE, c’est le peuple, non le juge, ni le Notaire, ni l’Huissier, encore moins l’Avocat. C’est la République.

L’article 37 (1) précité de la constitution démontre assez clairement que la fonction judicaire est composée d’une chaine (judicaire) de deux acteurs majeurs, le juge et les auxiliaires de justice parmi lesquels figure en bonne place l’Avocat.
L’Avocat, OUI, c’est bien de lui qu’il s’agit!
Cet homme de l’art qui n’a pour SEUL INSTRUMENT que LA LOI. Rien et rien que la loi.
Ce sachant, ce guide, cet éclaireur infatigable, avec le pas toujours alerte, courant ici et là. Allant dans les brigades, aux commissariats, dans les tribunaux pour défendre TOUT LE MONDE, tout le monde y compris ses propres oppresseurs d’hier. Quelle profession ?
OUI, cet homme sur les épaules de qui dégoulines les larmes des veuves et des orphelins.
Cette « bouche des malheurs qui n’ont point de bouche ».

Au final, tuer l’Avocat dans l’exercice de ses missions, c’est se tuer soit même. C’est tuer la Justice. C’est tuer la république.

Les turpitudes judiciaires relevées plus haut ont déjà été abondamment décriées par les maints organismes nationaux et internationaux, par l’ancien Bâtonnier Me Charles Tchoungang pour qui déjà, la Justice est impossible au Cameroun (in De l’impossible justice au Cameroun, novembre 2015), et puis par le Bâtonnier Me BLACK YONDO pour qui au Cameroun la Justice broie tout (in Une Justice qui vous broie, une Justice sous influence, décembre 2017). Jusqu’où la justice camerounaise doit-elle continuer à broyer ?
Redoutant cette issue incertaine, voici que les Avocats eux-mêmes dans leur ensemble par la voix de leur Bâtonnier en exercice Me TCHAKOUTE PATIE Charles viennent d’annoncer la suspension du port de robe par tous les Avocats du Cameroun du 16 au 20 septembre 2019. Point de doute que demeurant dans les mêmes conditions, après les Avocats, viendra la suspension des robes par les Huissiers, puis par les Notaires, et enfin par les Juges. Et l’Etat de Droit sera définitivement enseveli.

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