Les prisonniers du président - Laurent Mbieda : “Je suis une victime de la crise anglophone”
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Kidnappé deux fois à Muyuka pour son engagement à la scolarisation des enfants du Nord-ouest et du Sud-ouest, cet enseignant à la retraite continue son combat aux côtés du Mrc.

Laurent Mbieda fait partie de ces Camerounais qui, il y a quelques années, ne s’intéressaient pas à l’actualité politique du pays. Cet ancien enseignant, de par son statut de fonctionnaire, ne se prononçait pas ouvertement sur les questions de politique du Cameroun. Le portail des camerounais de Belgique. « J’ai été kidnappé deux fois à Muyuka. A chaque fois, les séparatistes me reprochaient le fait d’encourager les enfants à aller à l’école, pourtant c’était interdit en zone anglophone. Ce sont là les raisons pour lesquelles je me suis abstenu pendant longtemps de parler de politique », explique-t-il.

Avant son arrestation le 26 janvier dernier lors de la « marche blanche » organisée par le Mouvement pour la renaissance du Cameroun (Mrc), Laurent Mbieda, retraité, avait alors décidé d’exprimer son ras-le-bol suite à la sourde oreille que fait le gouvernement camerounais en ce qui concerne la crise anglophone. « A cause des conflits qui sévissent dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, ma famille et moi avons dû quitter d’urgence Muyuka pour s’installer à Bangangté. Je suis une victime de la crise anglophone. J’ai rejoint le Mrc par conviction car, il est le seul parti politique qui, à mon sens, a proposé le meilleur programme concernant la résolution de cette crise », confie Laurent Mbieda.

Vie de bagnard

Lorsqu’il dit être une victime de la crise anglophone, c’est peu le dire. Laurent Mbieda est aujourd’hui un parent éploré. Il a perdu une fille par balle lors des affrontements à Muyuka. Son fils, Alex Jovial Mbieda, est porté disparu depuis des mois. « Je suis sans nouvelles de mon fils de 25 ans depuis des mois. Après le décès de ma fille, sa disparition est très difficile à accepter. Il a été kidnappé par des Ambazoniens. Il a été conduit dans une des bases de ceux-ci. Grâce à l’intervention des militaires, il a été relâché. Malheureusement, depuis sa mise en liberté, personne n’a de ses nouvelles », témoigne d’un air triste l’enseignant. Tous ces évènements, qui se sont déroulés en moins de deux ans, ont suffi à Laurent Mbieda pour se rendre compte de l’urgence de trouver une solution. Et pour lui, le Mrc a tous les moyens pour régler ce problème.

Son voeu le plus cher, c’est que « la crise anglophone cesse et que chaque Camerounais reprenne ses activités comme à l’accoutumée ». Il conseille d’ailleurs aux jeunes de persister dans « l’ardeur au travail et de ne rien attendre de personne ». Lorsqu’il veut parler de sa vie carcérale, Laurent Mbieda prend un air fâcheux. Pour cause, depuis le 14 février dernier, le jour où il a été déféré à la prison centrale de Kondengui, le retraité n’a reçu aucune visite. « Ma femme a fait le déplacement depuis Bangangté pour venir me rendre visite. Malheureusement, elle n’a pas pu entrer dans l’enceinte de la prison. Les gardiens de prison lui ont donné comme raison qu’elle n’a pas un permis de communiquer », se plaint-il. Pour avoir des nouvelles de sa famille, Laurent Mbieda s’informe auprès des prisonniers ayant reçu des visiteurs venus de Bangangté. Ce qui préoccupe ce retraité, c’est l’éducation de ses enfants. Etant sans activité génératrice de revenus et avec une femme au chômage, il se demande comment ses enfants seront inscrits à l’école à la rentrée scolaire prochaine.

« J’ai fait quelques mois à Bangangté avant d’être arrêté. Je n’ai malheureusement pas eu l’occasion de trouver une activité qui me permettait de m’occuper de ma famille. Je ne sais même pas dans quelles conditions ma femme et mes enfants vivent. Je ne sais pas comment ils font pour se nourrir. C’est difficile de rester sans nouvelles d’eux ; voilà la rentrée scolaire qui approche, et je me demande comment ils feront pour s’inscrire. Surtout qu’ils viennent d’une autre ville. Il faudra leur trouver une place dans les différents établissements scolaires de la place », se lamente le bagnard. En prison, Laurent Mbieda vit des moments désagréables. Depuis cinq mois, il dort à même le sol. Malgré ses 59 ans, les autres prisonniers plus jeunes ne lui accordent aucune faveur.

« Les lits ne sont pas suffisants pour tous les prisonniers. Ceux qui ont des moyens peuvent s’en offrir. Mais je n’ai pas les moyens de m’offrir ce luxe. La nutrition également est nulle. Les repas qu’on sert aux prisonniers sont de qualité douteuse. Heureusement que le Mrc se bat au quotidien pour nous nourrir ». Laurent Mbieda déplore également les conditions de détention des détenus. « J’ai frôlé la mort deux fois. J’ai été interné à l’infirmerie de la prison et j’y ai pris sept perfusions. Comme si cela ne suffisait pas, la typhoïde m’a beaucoup menacé. L’administration pénitentiaire a été obligée de me donner une autorisation spéciale de sortie pour aller me faire traiter au Centre hospitalier universitaire (Chu). Ma capacité visuelle a également pris un coup. L'info claire et nette. J’ai encore obtenu une autre autorisation de sortie pour aller consulter un ophtalmologue », ajoute-t-il. Après l’obtention de son certificat d’études primaires (Cep) à l’école primaire de Kekem dans le département du Haut-Nkam, Laurent Mbieda a continué ses études secondaires au lycée classique de Bafang puis au collège Saint Paul de la même ville. Il y obtient un baccalauréat D en 1980. Il va alors intégrer le centre national de la jeunesse et des sports (Cenajes) de Kribi puis à l’Institut national de la jeunesse et des sports (Injs) à Yaoundé. Né le 09 septembre 1960 à Bangangté, Laurent Mbieda est marié et papa de neuf enfants.

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