Cameroun: Le syndrome de la propriété inversée et de la satisfaction injustifiable
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Cameroun: Le syndrome de la propriété inversée et de la satisfaction injustifiable :: CAMEROON

Voilà le nouveau mal qui gangrène profondément le Cameroun. Une maladie qui n’épargne aucune région, aucune tribu ni même aucun secteur d’activité. Dans le civil comme dans le privé, il se manifeste par la volonté d’accaparement tous azimuts de biens dont on sait pourtant qu’on n’est pas légitimement le propriétaire, mais dont on a un fort besoin de jouissance. A l’université, il se révèle par la mainmise des enseignants sur les travaux et les résultats des recherches des étudiants que les maîtres compilent ensuite sans état d’âme et publient sans vergogne et toute honte bue et avec une satisfaction injustifiable insolemment affichée. Oui, ce qui précède est devenu monnaie courante dans ce milieu où la rigueur et la morale devraient pourtant être en permanence de mise ne serait-ce que parce qu’elles conditionnent les résultats, le sérieux et surtout les conséquences concrètes et appliquées qui sont en rapport direct avec le progrès du pays et la vie de ses populations.

Les deux exemples qui précèdent n’ont été retenues que pour planter le décor et l’étendue du mal qui se propage comme un feu de brousse au Cameroun. L’objet véritable de notre propos porte lui, sur les effets et la manifestation de ce mal dans l’espace de la chose publique et politique. Une sphère où, parce que occupée par des gens qui ont vocation à gouverner le pays, on ne se serait pas attendu que le syndrome de la propriété inversée et de la satisfaction injustifiable apparaisse avec force, ostentation et fasse autant de ravages préjudiciables à la gouvernance du pays et aux perspectives qu’elle doit ouvrir.

Il y a quelques années déjà, le regretté Abel Eyinga dont j’étais très proche, m’a fait part chez lui à Paris, d’un échange qu’il avait eu avec un compatriote originaire de la même aire géographique que lui. Ce dernier était un fervent et ardent défenseur de Paul Biya.  Lui demandant les raisons concrètes de son soutien au chef de l’Etat camerounais, il lui répondit que bien que n’ayant jamais rien reçu de l’homme du « Renouveau », il le défendait simplement par « O ngougoun ». Un mot bulu que l’on pourrait littéralement traduire par « solidarité et fierté tribale ». En fait, ce compatriote était victime du syndrome de la propriété inversée et de la satisfaction injustifiable puisque concrètement n’ayant rien reçu de Paul Biya, il le soutenait simplement parce qu’ils appartenaient tous les deux à la même tribu et que par voie de conséquence, le pouvoir lui appartenait aussi de ce fait en quelque sorte un peu. En bulu, on dirait  l’exprimer, « e pouvoir wagan ». L’une des conséquences néfaste et regrettable de cette malheureuse dérive qui se révèle  n’être en réalité qu’un sophisme, est qu’entre autres choses, elle étaye et justifie le mauvais procès que l’on fait aux Fangs-Betis-Bulus que l’on associe à tort organiquement à un pouvoir qui ne leur profite pas objectivement et dont ils ne sont pas ni à la base ni à la génèse. Pour s’en rendre compte, il suffit d’aller voir dans quelles conditions de paupérisation vivent les populations de l’aire géographique du sud. Une situation que  s’attela entre autres choses à décrire feu Ateba Eyéné dans un livre intitulé « Les paradoxes du pays organisateur ».
 
Mais il n’y a pas malheureusement que les populations Fangs-Betis-Bulus qui auraient succombé au mal ambiant de la propriété inversée et de la satisfaction injustifiable. Il y a en effet aussi les Nordistes qui en souffriraient puisque selon les bruits qui courent et ce qu’ils laissent transparaître, ils en seraient désormais à demander à Paul Biya de leur rétrocéder le bâton de commandement du Cameroun que ce dernier aurait reçu du défunt président Amadou Ahidjo. Une revendication à tout le moins incongrue mais qu’ils feraient simplement parce que, ayant été au pouvoir pendant vingt-deux ans, ayant concrètement jouit des privilèges que ce dernier procure, ils avaient fini par considérer celui-ci comme quelque chose qui leur appartenait et qu’on leur aurait pris et dont ils étaient en droit de réclamer la restitution. Un pathétique exemple des extravagances et des imbécilités auxquelles peut conduire le syndrome de la propriété inversée et de la satisfaction injustifiable.
 
Ce n’est pas tout car le mal s’est aussi répandu comme une tâche d’huile jusqu’aux populations des anciens départements du Nyong et Kellé et de la Sanaga Maritime, communément qualifiées de Bassaa même si dans cette région on trouve aussi d’autres tribus et notamment des Bakoko. En effet, les Bassaa considèrent à tort l’Union des Populations du Cameroun (UPC) comme leur propriété exclusive. Ils la considèrent comme telle simplement parce que le Mpodol Ruben Um Nyobé, grand artisan de la lutte pour l’indépendance du Cameroun et prophète de son nationalisme, la figure la plus emblématique des fondateurs du grand et glorieux parti nationaliste et panafricaniste, était Bassaa. Nos frères Bassaa sont tellement atteints par le syndrome de la propriété inversée et de la satisfaction injustifiable qu’ils se refusent absolument de voir une évidence qui crève pourtant les yeux et leur pend au nez à travers la signification des trois lettres UPC qui veulent littéralement dire Union des Populations du Cameroun (UPC) et non pas Union des Populations Bassaa (UPB). Un aveuglement et une obstination qui est la principale raison de l’éclatement en mille morceaux de ce parti qui représente pourtant tous les espoirs du Cameroun et sans lequel il n’y aura jamais rien de sérieux et de durable dans ce pays.
 
Faute de pouvoir donner de nouveau à notre pays qui en a pourtant grand besoin, un homme de la stature de Ruben Um Nyobé qui à tous égards est comparable à Ho Chi Minh et à Mao Tsé Toung, à la grande et étonnante surprise de tout le monde, les élites Bassaa, ont curieusement choisi de faire désormais de l’UPC de Um Nyobé, un simple objet de marchandage que l’on brandit comme une contre partie et comme un étendard, dans les discussions et les relations de marchands de tapis qu’ils entretiennent avec le pouvoir néocolonial camerounais qui les gratifie en retour d’insignifiants maroquins ministériels, dans le meilleur des cas. Une misère doublée d’une grande tristesse qui accablent tous ceux qui vénèrent et vouent un culte mérité à Ruben Um Nyobé et à ses compagnons, Ouandié Ernest, Félix Moumié, Abel Kingué, pour ne citer qu’eux.
 
L’on devrait aussi étendre ce propos aux Bamilékés et aux Dualas. Les premiers ont tellement eu du succès dans des affaires disséminées dans l’ensemble du pays qu’ils y ont acquis partout des biens mobiliers et immobiliers. Un succès qui semble souvent leur faire oublier qu’il est nécessaire pour le bien de tous les Camerounais, de maintenir les grands équilibres socio-culturels de notre pays. Comment ? En ne foulant notamment pas aux pieds les droits politiques et civiques des tribus primo originaires des régions du pays où ils se sont désormais légitimement installés et qu’ils ont largement contribuées à développer. Une simple affaire d’intelligence dont sont capables nos frères de l’Ouest qui ont beaucoup apporté au Cameroun et auxquels le Cameroun a beaucoup donné. Mais, revers de cette médaille, ils n’ont aucun intérêt à oublier que l’argent est un mauvais maître et qu’il ne donne pas tous les droits et ne garantit pas absolument impunément et sans conséquence des passe-droits.
 
Les Dualas bien évidemment tout comme les autres tribus de notre pays n’ont pas été épargnés par le syndrome de la propriété inversée et de la satisfaction injustifiable. Ils ont notamment commis la grande et grave erreur irréparable et irréversible de n’avoir pas su considérer l’espace géographique de leur naissance et de leur enracinement ancestral, comme quelque chose d’éminemment sacrée. C’est d’ailleurs un grand Duala, le regretté Eboa Lottin a Samé, qui n’était pas seulement le musicien émérite dont on parle, mais qui descendait aussi d’une grande filiation, puisqu’il était le fils du très grand pasteur et célèbre Lottin a Samé, qui a été le premier a le dire, à le regretter et a le chanter dans de très belles mélodies. Pour n’avoir pas su en effet donner de l’importance à la terre qui les a vus naître, les Dualas lorgnent à présent vers de nouveaux horizons et notamment vers la France où ils affluent en masse pour vivre et semblent se plaire et se complaire au point même de s’y faire ensevelir quant arrive fatidiquement et malheureusement, ce moment-là. Pourquoi ? Simplement parce qu’ils sont depuis longtemps atteints du syndrome de la propriété inversée et de la satisfaction injustifiable.
 
Comme on le voit donc après tout ce qui précède, les conséquences du syndrome de la propriété inversée et de la satisfaction injustifiable sont multiples, graves et sévissent partout et dans toutes les tribus de notre pays. Et pour en parler, on pourrait même faire un livre entier. Nous avons exprès, faute de pouvoir le faire,  choisi de ne parler que d’un échantillon de nos tribus qui nous paraît représentatif des autres. Les conséquences du syndrome de la propriété inversée et de la satisfaction injustifiable sont multiples car elles apparaissent dans des lieux insolites comme l’université, un haut lieu des arts, du savoir et de la connaissance où on ne s’attendait pas à les trouver. Une cité érigée en temple par ses promoteurs parce que, par définition, c’est de la connaissance bien acquise et parfaitement maîtrisée, que naît la grandeur des nations, comme le disait si bien Jules Ferry, le fondateur de l’école publique en France. Un grand homme qui savait de quoi il parlait justement. Les conséquences du syndrome de la propriété inversée et de la satisfaction injustifiable sont enfin graves car, elles stimulent fortement et essentiellement nos bas instincts. Elles encouragent la recherche de tout ce qui est facile et ne demande que le moindre effort. Elles entretiennent de ce fait l’immoralité qui devient malheureusement la règle régissant désormais le fonctionnement et la vie dans notre pays où pratiquement, on trouve actuellement dans une prison, la structure complète d’un gouvernement, de son premier ministre à des ministres, en passant par d’anciens secrétaires généraux de la présidence de la République.
 
Devant un tel désastre donc, les élites authentiques de notre pays ont l’impérieux devoir et l’obligation sacrée de remettre ses pendules intellectuelles et morales  à la bonne heure car, sans ce préalable, parler de l’émergence et du développement harmonieux du Cameroun, est tout simplement déraisonnable et frise même l’imposture.

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