Cameroun: Qu’en pense « le Biyaïsme » de Thierry AMOUGOU face aux appels à candidature de Paul Biya à la Présidentielle de 2018 ?
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Cameroun: Qu’en pense « le Biyaïsme » de Thierry AMOUGOU face aux appels à candidature de Paul Biya à la Présidentielle de 2018 ? :: CAMEROON

Il est des évènements qui reviennent donner du poids à une analyse comme pour confirmer l’intuition juste d’un auteur. Les appels à  candidature de Biya à la prochaine présidentielle camerounaise est de ceux-là même si l’auteur du « Biyaïsme » les qualifient dans son livre de « secret de polichinelle ». Au demeurant, ce qui est important dans les quelques lignes du livres que nous vous présentons, est l’analyse que Thierry AMOUGOU fait de ces appels et motions de soutiens au Président Camerounais, au pouvoir depuis 1982. 

Lisez-plutôt les analyses de Thierry AMOUGOU par le biais de ces quelques lignes extraites de son récent ouvrage : 

« Ce serait en effet être amnésique que perdre de vue que c’est Paul Biya le père de la loi suprême camerounaise taillée sur mesure en 1996 pour servir ses intérêts personnels sans consulter le peuple camerounais. Comment, et par quelle magie, une révision constitutionnelle faite en 1996 sans consulter le peuple bloque en 2008 la volonté dudit peuple ? C’est tout simplement abracadabrantesque. Le Président camerounais est-il à ce degré obnubilé par le pouvoir au point de se confondre au peuple camerounais ? Dire en filigrane, comme il l’a fait dans son message de fin d’année 2007, Camerounais je vous aime, vous m’aimez mais la loi suprême actuelle empêche notre amour, met en évidence un intérêt et un usage instrumentaux et sélectifs de son peuple par un chef d’Etat. D’un côté, ignorance, mépris et déconsidération du peuple lorsqu’il modifie la Constitution en sa faveur en 1996 dans le but de stopper le conflit ouvert entre lui et l’opposition politique. De l’autre, encensement et stratégie de séduction du même peuple quand il tombe sous le coup de sa propre loi. C’est là le signe que le Biyaïsme est un système politique dictatorial se manifestant par le fait que le Président camerounais fait et défait la loi fondamentale de son pays suivant ses humeurs et ses stratégies politiques du moment. Faisant l’expérience, comme toute dictature (Gabon, Tchad, Burkina-Faso, Guinée, Ouganda, Tunisie….), que le temps est un adversaire implacable c’est-à-dire, plus rapide et plus long que ne le pensent les dictateurs (2011 qui semblait très loin au régime en 1996, est arrivée à pas de géants), le système réveille le vieux mécanisme du bouc émissaire et de l’exorcisation de ses angoisses présentes et futures par la désignation d’un diable érigé en ennemi public numéro un : la Constitution camerounaise de 1996. Il semble pourtant que si son enfer c’est la Constitution de 1996, donc lui-même, son régime peut constituer un enfer (risque très élevé) pour plusieurs Camerounais ne faisant pas partie de ses profiteurs. •Illustrons ceci par un petit exemple : En économie, l’étude du marché du crédit montre qu’il y a toujours des asymétries d’informations entre le demandeur de crédit (le client qui connaît mieux son projet) et l’offreur de crédit (la banque qui n’en sait rien dans un premier temps). 

Pour éviter de se retrouver avec des créances douteuses en consentant des crédits à des clients dont il ne connaît rien des projets, le banquier leur demande généralement de garantir leur bonne foi en risquant quelque chose dans leur projet. Il peut aussi élever le taux d’intérêt débiteur en rendant le crédit plus cher. Dans cette dernière stratégie, celui qui accepte de s’endetter est un client qui n’a rien à perdre et veut jouer sa résurrection financière. Il en résulte que le prix du crédit et son offre n’augmentent plus même si la demande de crédit continue de le faire. Ceci est dû au fait que le banquier sait que les clients qui acceptent un haut niveau de taux débiteurs sont susceptibles d’aléas de moralité et de financer les projets les plus risqués. Il décide donc généralement de ne plus consentir de crédit. C’est une forme de rationnement du crédit bancaire dont la conséquence est que les demandeurs de crédits n’obtiennent pas le volume de crédit demandé. 

Dans l’hypothèse d’une démocratie avec un peuple électeur, souverain et veto, nous pouvons considérer le Président Biya en 2011 comme un demandeur de pouvoir au peuple camerounais qui en est l’offreur. Le demandeur de pouvoir (Biya) doit être crédible aux yeux des offreurs de pouvoir (le peuple Camerounais). Connaissant tout seul son projet futur c’est-à-dire, ce qu’il veut faire de ce pouvoir après 2011, il décide de jouer sa résurrection politique en prenant le risque de condamner ses anciens collaborateurs pour détournement de deniers publics. C’est une stratégie d’enjolivement du projet personnel du Président dont l’asymétrie avec l’offreur de pouvoir est d’autant plus grande qu’il n’a rien fait de positif pour son bien-être depuis plus de 25 ans et, qu’à plus de 75 ans révolus, il n’a rien à perdre dans l’aventure. 

• Un pouvoir vieux, fatigué, usé et contreproductif ne peut être l’avenir du Cameroun et des Camerounais 

Les risques pris par Biya pour enjoliver son projet, son âge en 2018 et au-delà, le manque de résultats socio-économiquement positifs depuis 1982 et son refus de respecter la loi fondamentale, permettent au peuple camerounais (offreur de pouvoir) de faire des anticipations rationnelles sur le caractère non crédible de sa demande et de lui refuser ce qu’il demande. 

En temps normal, le rationnement du pouvoir politique qui en découlerait logiquement pour Biya prouve que le peuple camerounais ne peut lui accorder un pouvoir pour un projet aux asymétries très élevées et donc très risqué pour son bien-être futur. Ce projet est d’autant plus asymétrique et risqué pour les populations que l’hypothèse d’une démocratie (peuple souverain, veto et électeur) est une ineptie au Cameroun. Lorsqu’on sait que Biya ne veut pas assumer son échec après 25 ans au sommet de l’Etat, qu’il ne respecte pas la Constitution qu’il a modifiée sans consulter le peuple en 1996, que son âge biologique ne lui permettra pas d’assumer les résultats du pouvoir qu’il sollicite en 2011, et que les promesses électorales n’engagent que ceux qui y croient et non ceux qui les font, il semble rationnel que la population camerounaise lui dise non dans sa grande majorité : dans ce cas d’espèce, le projet le plus risqué, contrairement à l’analyse économique, n’est pas le plus rentable en politique. 

• Accorder un mandat supplémentaire au Président actuel équivaudrait à accorder une prime au fiasco 

Il est en effet peu probable qu’un régime fasse à son crépuscule et dans sa disgrâce, ce qu’il n’a jamais pu faire lorsqu’il était plus jeune et en état de grâce. Comment faire confiance à un individu qui, après avoir demandé aux Camerounais de retrousser les manches pour sortir de la crise, leur dit après plus de 25 ans de souffrance, donnez-moi encore du temps pour mettre en prison mes amis qui ont tout pris dans les caisses de l’Etat alors que moi je travaillais bien ? 
Il est pourtant clair qu’étant le capitaine du bateau qui coule depuis 1982, Biya est juge et partie dans ces vagues d’arrestations et que c’est juste la place qu’il occupe au sommet de l’Etat qui l’éloigne des prisons camerounaises. 

Paul Biya peut-il être à la fois l’incarnation de son système et celui qui le change ? La logique politique pousse à dire que ce n’est pas possible comme le montre d’ailleurs le fait qu’il veuille rester au pouvoir jusqu’à ce que mort s’en suive. Est-il raisonnable ex post pour un banquier d’accorder un crédit à un investisseur dont la seule activité, au moment de déclarer les résultats de l’investissement, est de traduire en justice et de condamner, pour détournement de fonds, ses principaux associés ? 

Il semble rationnellement que non car la confiance méthodique (la stratégie de gouvernance), la confiance hiérarchique (entre le peuple et ses dirigeants) et la confiance éthique (le respect des valeurs de justice et d’honnêteté dans la gestion de la chose publique) n’existent plus entre les deux parties. La question que l’on peut se poser ici est celle de savoir si cette rationalité comportementale guide un peuple camerounais qui, appauvri spirituellement et matériellement, accorde généralement son vote aux hauts dignitaires du pouvoir en place seuls capables, grâce à leur accumulation morbide, de satisfaire ses besoins élémentaires de court terme : manger et boire. 

Les Camerounais et les Subsahariens qui se laissent ainsi facilement berner ont-ils alors les régimes qu’ils méritent ? En pareille situation, la limitation du nombre de mandats par la norme suprême semble être un moyen d’éviter que le pouvoir ne soit confisqué par ceux qui ont monopolisé les éléments de puissance sociale (armée, capital financier, terre) et dont les modes de gestion se révèlent archaïques par rapport aux demandes sociales contemporaines. 

De toute façon, une fois la confiance verticale rompue entre un peuple et ses dirigeants, la qualité vécue des institutions ne peut être que très mauvaise car celles-ci ne représentent plus une communauté civique participative et solidaire dont les membres coopèrent sans arrière-pensées des uns d’être les dindons de la farce à l’issue de laquelle ils se font toujours berner. ». 

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