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© Le Messager : Ludovic AMARA
- 03 Feb 2016 09:04:44
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CAMEROUN :: De Marafa à Mebara… : Paul Biya ange ou demon :: CAMEROON
L’activité épistolaire des deux anciens proches collaborateurs du président de la République donne à voir deux perceptions de « l’homme lion ». D’un côté un président tire-au-flanc et cynique, et d’un autre un chef d’Etat attentionné et travailleur. Regards croisés.
Deux anciens secrétaires généraux de la présidence de la République, tous deux détenus, tous deux devenus écrivains, et le président Paul Biya occupant une place centrale dans leurs épanchements épistolaires. Marafa Hamidou Yaya, secrétaire général de la présidence de la République entre 1997 et 2002, et Jean-Marie Atangana Mebara qui lui a succédé entre 2002 et 2006 évoquent dans leurs sorties, dix ans de présence aux côtés du président Paul Biya.
Les souvenirs que les deux personnalités retiennent de celui qui occupe le palais d’Etoudi depuis 1982 sont pratiquement aux antipodes les uns, des autres. Là où Marafa Hamidou Yaya a vu un président manipulateur et tire-au-flanc, qui a été à la manœuvre de sa descente aux enfers pour s’être, à tort ou à raison, prévalu d’un «grand destin national», Jean-Marie Atangana Mebara pour sa part garde le souvenir d’un Paul Biya, affairé pour la Nation, «gros travailleur», attentionné et protecteur, qui a été à ses côtés alors que le bal de vautours ne cessait de s’intensifier autour de lui.
En mai 2012, dans sa «lettre ouverte» au président Paul Biya, véritable pierre dans le jardin qui a hérissé Etoudi, le ministre d’Etat Marafa Hamidou Yaya, qui venait d’être mis sous mandat de dépôt à la prison centrale de Yaoundé, levait un pan de voile sur ses échanges avec le président de la République, alors qu’il venait de quitter le secrétariat général de la présidence de la République, pour le ministère de l’Administration territoriale. De cette lettre incendiaire, le public va découvrir les coulisses du pouvoir, mais surtout l’attitude de Paul Biya hors des cameras et dépouillé du masque officiel. Marafa Hamidou Yaya rapportait cet échange avec le chef de l’Etat, dans lequel il révélait un certain cynisme que Paul Biya entretient à l’égard de ses ministres : « après la formation du gouvernement consécutif à l’élection présidentielle de 2004, vous m’avez accordé une audience au cours de laquelle vous m’avez demandé ce que les gens pensent du gouvernement. Je vous ai répondu qu’ils pensent qu’avec un effectif d’environ soixante-cinq (65) ministres et assimilés, le gouvernement est pléthorique et manquerait d’efficacité. Entre agacement et irritation, vous m’avez tenu ces propos : ‘…Monsieur le ministre d’Etat, vous êtes combien de ministres dans ce gouvernement ? Peut-être dix (10) ou quinze (15) tout au plus. Le reste, ce sont des fonctionnaires à qui j’ai donné le titre’». Marafa note également qu’il s’ouvrait au président de la République chaque fois que la nécessité s’imposait, que ce dernier n’avait de cesse de le rassurer, et de lui renouveler sa confiance.
Alors que l’affaire de l’acquisition d’un aéronef présidentiel – l’Albatros – est passée entre les mains de la Justice, celui qui est devenu ministre de l’Administration territoriale en laissant le dossier que son successeur au secrétariat général, Jean-Marie Atangana Mebara, demande au président à être entendu par les juges. «Monsieur le président de la République, que c’est moi qui vous ai sollicité, par correspondance en date du 7 mai 2008 à vous adressée, pour être entendu par les instances judiciaires compétentes, afin d’apporter mon témoignage et contribuer à la manifestation de la vérité dans cette scabreuse affaire que vous connaissez mieux que quiconque parce que régulièrement informé de ce processus d’acquisition de votre avion, que vous suiviez au jour le jour». Et de constater avec amertume que « vous savez bien que mon incarcération n’a rien à voir avec cette affaire pour laquelle je ne suis coupable d’aucun délit et surtout pas de celui que vous avez instruit que l’on m’impute».
A côté de ce cynisme que semblait déceler l’ancien ministre, Marafa Hamidou Yaya n’a pas oublié qu’un secrétaire général de la présidence de la République croûle sous le travail, le président Paul Biya ayant pris l’habitude de lui abandonner une part importante de responsabilités. Dans son ouvrage, « Le choix de l’action», paru courant 2014, le prisonnier le plus prolixe du Sed rapporte cet épisode quand il était Sg/pr, alors qu’il rendait compte au chef de l’Etat des dossiers dont il s’était occupé pendant l’absence de ce dernier, le président Paul Biya va l’arrêter, se lever de son siège et faire signe à son collaborateur de prendre place, en lui indiquant de manière ironique que puisqu’il s’était occupé de tout, il a l’habitude de s’occuper de tout, il n’avait plus qu’à prendre le fauteuil de président de la République.
Plutôt Ange…
C’est une tout autre image du deuxième président du Cameroun qu’un autre secrétaire général, Jean-Marie Atangana Mebara, nous donne à voir dans le livre qu’il vient de commettre aux éditions l’Harmattan. Dans « Le secrétaire général de la présidence de la République au Cameroun ; entre mythes, textes, et réalités », le ministre d’Etat Atangana Mebara, du fond de sa cellule à la prison centrale de Kondengui, tresse des éloges à son ancien patron. « J’ai aussi eu le sentiment que j’ai bénéficié d’une confiance particulière du président de la République », écrit l’ancien Sg/pr. Accusé d’avoir voulu tuer le président et sa famille dans « un cercueil volant», d’avoir trompé le président sur une affaire de mallette d’argent qui devait être remise à un candidat d’une élection présidentielle en complicité avec les ministres Polycarpe Abah Abah et Urbain Olanguena Owono, tous deux incarcérés, et plus grave : d’avoir créé le G11 « pour préparer la succession du président Biya en 2011», Atangana Mebara clame avoir toujours eu le soutien du chef de l’Etat. « [Ils n’avaient] encore jamais vu un président aussi à l’aise avec son secrétaire général», auraient confié certains proches collaborateurs du chef de l’Etat au ministre Atangana Mebara. Comment cette confiance s’est transformée en antipathie évidente ? « Même pour moi c’est encore un grand mystère», répond juste l’ancien ministre, qui va cependant ajouter, malgré ses déboires judiciaires: « j’ai bénéficié de la protection du président».
A la différence de Marafa Hamidou Yaya, Jean-Marie Atangana Mebara a trouvé que Paul Biya est « un gros travailleur ! ». «Le président était, note l’ancien Sg/pr, depuis son entrée à la présidence, je crois, un homme de dossiers. Il est demeuré le même lorsqu’il est devenu président de la République. Des dizaines de parapheurs de dossiers lui étaient transmis chaque soir par le secrétariat général, et sans doute par les autres structures de la présidence, et le lendemain, tous les parapheurs provenant du secrétariat général revenaient, avec des instructions ou des annotations de la main du président. Sur les notes d’information ou de compte-rendu, il apposait généralement une espèce de ‘’V’’, ou alors ‘’Vu’’.
Et lorsqu’il voyageait, évidemment le rythme de circulation des parapheurs diminuait. Mais les dossiers nécessitant qu’il soit rapidement informé ou qu’il prenne une décision lui étaient quotidiennement envoyés par fax». Le chef de l’Etat est boulimique du travail pour son ancien collaborateur, qui rappelle également cet autre épisode qui tend à le prouver : « Je suis allé le retrouver un jour dans son village, pour une séance de travail. J’étais parti en hélicoptère et je suis revenu par le même moyen, parce que le dossier était d’une urgence caractérisée. J’ajoute ceci, qu’il soit à l’étranger ou dans son village, il ne m’a jamais instruit de cesser de lui faire parvenir les dossiers. Et comme d’habitude, les dossiers m’ont toujours été renvoyés le lendemain ou au plus tard 48 heures après leur envoi. Je maintiens donc que ce président s’organise pour continuer à exercer ses attributions où qu’il se trouve». Il s’inscrit en faux contre ce qui est communément admis, et qui présente Paul Biya comme un indécrottables «paresseux». Malgré ces deux «versions» Paul Biya, les écrits des ex-collaborateurs s’accordent pourtant sur un point : le chef de l’Etat camerounais est intransigeant sur son pouvoir.
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