Mondialisation : Le Cameroun se replie sur soi
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Mondialisation : Le Cameroun se replie sur soi :: CAMEROON

La semaine dernière, j’ai entamé le sujet de l’isolement du Cameroun ou le repli sur soi dans ce que les économistes appellent l’autarcie. Pour cela, j’ai parlé de l’autarcie politique. Vous pouvez lire le début de cette réflexion sur ce site. Voici la suite et la fin de ce sujet.

- Isolement économique

Economiquement, le Cameroun est un pays capitaliste, c’est-à-dire que les habitants sont libres de mener leurs affaires lucratives sans l’ingérence de l’état. Vous et moi pouvons décider d’ouvrir une entreprise au Cameroun tout aisément. Cela, selon l’économie des marchés, est idéal. Mais l’idéal capitaliste est-il réel au Cameroun ?

Les textes de la loi commerciale camerounaise disposent qu’une entreprise peut être ouverte en 72 heures au Cameroun. Mais ce n’est pas vrai sur le terrain. Personne ne peut vous dire la durée réelle qu’il faut pour ouvrir une entreprise au Cameroun. A chaque service, vous êtes obligé de corrompre de la guérite au directeur du service pour vous voir pris en charge. Quand vous vous présentez dans un bureau, l’agent vous fait savoir qu’il ou elle ne mange pas les papiers. Ce n’est donc pas étonnant de voir que le Cameroun ait occupé le premier rang de la corruption mondiale à plus d’une reprise.

Certes, la corruption est plus complexe qu’elle n’en a l’air. L’on ne peut pas décrire un seul aspect et prétendre qu’on comprend le tissu social d’une société. Mais vous verrez beaucoup plus tard dans un article ultérieur qu’il y a des critères principaux qui déterminent si un pays respecte les règles économiques de l’art. Mais à titre indicatif, nous pouvons énumérer un certain nombre d’aspects de choses qui prouvent que le Cameroun s’est isolé économiquement.

Je ne vais pas encore parler du franc CFA. Gardez votre mal en patience. Mais voici comment les grands hommes d’affaires et hauts responsables du Cameroun font pour décourager l’intégration économique.

Selon la loi de la finance mondiale, il y a un certain nombre de devises financières étrangères et domestiques qui doivent rester dans chaque pays. Remarquez que le CFA n’est pas une devise, c’est-à-dire qu’il n’a aucune valeur transactionnelle dans les échanges internationaux. En d’autres termes, si vous voulez acheter des tonnes de produits chocolatiers à l’Allemagne, vous ne pouvez pas présenter le CFA pour faire valeur d’échange. Vous devez d’abord changer le CFA en Euro (avec le risque qu’il y a de perdre la valeur de votre argent dans la transaction) et puis présenter l’Euro pour enfin obtenir vos produits. Ce n’était qu’une digression et revenons maintenant au sujet.

Alors, chaque pays a un nombre conventionnel de billets de banque ou de devises étrangères et domestiques qui doivent circuler dans ce pays-là chaque année. Pour le cas d’espèce, le nombre de billets de banque de francs CFA qui circulent au Cameroun est organisé par la banque centrale de l’Afrique Central, pour le cas d’espèce la BEAC. Mêmement, cette BEAC régule le nombre de billets de dollars qui doivent entrer au pays chaque année et toute devise. Il y a un système quelque peu compliqué à expliquer sur comment se définit le nombre de billets qui circulent au pays par an. Mais comprenons simplement que de façon légale, la banque centrale régule les questions financières.

Mais quand les marchandises arrivent au port, le marchand camerounais – avec la bénédiction des hauts responsables – demande qu’on enregistre la moitié de ses marchandises. Par exemple, si vous avez dix doigts de banane, vous demandez qu’on enregistre cinq. Mais on vous paye pour dix doigts de banane puisque ce montant sera justifié au port américain qui ne cèdera pas à cette démarche peu orthodoxe. Même si vous faites falsifier le nombre de doigts de banane que vous avez vendus au Cameroun, l’acheteur américain va toujours déclarer l’exactitude du nombre de doigts de banane à son port. Puisqu’on les paie en dollars dans les échanges commerciaux internationaux, les marchands camerounais corrompus vont déclarer la moitié de leur argent à la banque. Avec la moitié qui reste, ils vont dans une banque suisse et conserve cet argent là-bas. Vous voyez que dans cette opération, vous renvoyez automatiquement la moitié de la richesse camerounaise à l’extérieur. Les investisseurs étrangers connaissent cette pratique de fuite des devises et ne veulent pas se fourrer dedans, voilà pourquoi ils restent loin de telles destinations. D’autres pratiques trop sophistiquées existent dans le processus de fuite des devises mais j’ai voulu vous révéler ici une pratique plus directe à comprendre.

L’économie évolue dans l’optique des ressources. Sans les ressources, un pays ne peut pas se développer économiquement. Le Cameroun est en train d’être essoré de ses ressources et son développement économique en pâtit gravement. Ses tares sont répercutées dans les relations quotidiennes.

- Isolement sociologique

Considérant ce qui précède, nous comprenons que le Cameroun est personnellement engagé dans l’autarcie. Cette attitude se répercute sur les relations sociales entre les camerounais et le reste du monde. Alors comment se passent les relations à l’étranger ?

Aux Etats-Unis, quand vous dites que vous venez du Cameroun, vous n’avez pas fini de répondre à cette question. Vous devez expliquer ce que cela veut dire. C’est quoi le Cameroun, on vous demande. Pour couper court, je vous conseille de dire que c’est à côté du Nigéria. Et tout d’un coup, tout le monde comprend ce que vous voulez dire.

Le Nigéria n’est pas tellement connu parce qu’il est fameux en quoi que ce soit mais, au moins, la marque nigériane est bien connue. D’abord c’est un pays qui a plus de flexibilités, les nigérians ont la double-nationalité et peuvent facilement aller et revenir dans le monde. Deuxièmement, ils ont un Traffic aérien fluide, ce qui occasionne les affaires entre le pays et les destinations internationales plus rapides. Il est plus facile de passer une voiture par le Nigéria que de l’envoyer par Douala. Bref, la marque Cameroun est trop floue dans le monde entier. Voilà pourquoi je vous disais plus haut que les représentations diplomatiques ne justifient pas la crédibilité du Cameroun. Le Cameroun existe dans le monde mais il est invisible.

Quand votre pays est inconnu, vous êtes promis au mépris des autres et à moins d’opportunités. De façon légitime, on ne fait pas business avec ceux qu’on ne connait pas. Il revient à nos représentations diplomatiques de vendre notre image à l’étranger. Mais cela demande une main-d’œuvre intense, denrée très rare dans les points diplomatiques. Vous direz sans doute que les camerounais de l’étranger ont aussi cette tâche. Certes ! Mais l’impact des diplomates serait plus frappant. En plus la diaspora camerounaise n’est pas une diaspora organisée. La faute est à la diaspora, bien sûr. Néanmoins, imaginez un seul instant ce que ça ferait qu’une ambassade camerounaise passe par exemple à CNN annonçant un cours de trois crédits sur la connaissance du monde (global awareness) et dont le sujet est « Cameroon : Discovering Africa in One Place » Cameroun : découvrir l’Afrique en un seul endroit.

Les étudiants de quelque niveau serait invités à s’inscrire pour ce cours qui serait donné au titre d’internship ou stage. Un tel cours vendrait l’image du Cameroun et davantage si l’ambassade offre cinq bourses d’études par an aux étudiants étrangers qui veulent venir découvrir le Cameroun. Voilà ce que nos professeurs agrégés devraient être en train de faire au lieu de conseiller mal le président.

En somme, le pouvoir de Yaoundé aime la discrétion pour mieux s’épanouir loin de l’examen minutieux des observateurs. Sous ce même rapport, ce sont les individus qui en paient le tribut. Ceux qui voyagent dans le monde ont du mal à tisser des relations d’affaires fiables et ceux qui restent au pays sont totalement coupés du reste du monde. Le discours qui circule dans les couloirs des sphères du pouvoir est celui qui recommande qu’on garde les masses dans l’abrutissement pour mieux les divertir et les contrôler. Voilà justement pourquoi tout son de cloche discordant d’avec la louange qu’on chante à la monarchie de la république rencontre toujours des résistances des plus farouches, des gens même que vous soupçonneriez le moins. Le Cameroun a réussi son autarcie, quitte à quiconque de faire tomber le lourd voile de l’aveuglement qui porte l’insigne des efforts gâchés, du sang refroidi, et des larmes qui coulent des torrents.

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