Comprendre les accords de partenariat économique, leurs impacts sur l’économie des pays signataires
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Les accords de partenariat économique (APE) sont des accords commerciaux visant à développer le libre-échange entre l’Union européenne et les pays dits ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique). Ils sont en vigueur depuis 2015 et font toujours couler beaucoup d’encre.

L'objectif de ces accords de partenariat économique est de prendre la suite des accords dits de « préférences commerciales non réciproques »i (qui ont été clôturés le 01/10/2014), mais également de mettre en avant des marchés régionaux, ainsi qu'une ouverture de ces pays en développement aux biens et services européens. Ce dernier point est notamment l'objet des réticences des pays de développement étant donnée qu'ils avaient déjà l'accès au marché européen sans nécessité d'ouvrir leur marché, ce qui engendrerait la perte de rentrées fiscales, et l'arrivée de produits plus compétitifs ou subventionnés comme dans l'agriculture. Cela est notamment à l'origine de l'échec de certaines négociations ou de leurs prolongements.

Rappelons que le Cameroun est le seul pays d’Afrique centrale à avoir signé l’APE le 28 juillet 2014, accord qui est entrée en vigueur en août 2014. L’étape finale dans l'application de cet accord a été conclue en août 2016, avec notamment la signature du décret d'application par le Président Paul Biya.

Ces accords prévoient la suppression immédiate des droits de douane sur les produits originaires des pays signataires entrant dans l'Union européenne, et la suppression progressive des droits de douane sur les produits originaires de l'Union européenne lors de leur entrée dans les pays signataires. Pour la CEMAC, la suppression des droits de douane serait à horizon 2021.

Ces accords portent donc uniquement sur la suppression et la réduction de droits de douanes sur les biens, et non sur les services. Ces accords prévoient également:

· l'interdiction de l'augmentation ou de la création de droits de douane à l'importation ;

· l'interdiction de quotas d'importation ou d'exportation sur les produits des pays ACP ;

· la suppression progressive des subventions à l'exportation des produits agricoles issus de l’UE ;

· d'interdire les pratiques commerciales déloyales ;

· de permettre la mise en place de mesures de sauvegarde multilatérales temporaires en faveur des pays ACP en sous-développement.

Ces accords ont fait l’objet de vives critiques tant par certains états ACP que par les ONG et certains pays européens. Plusieurs organisations et économistes soutiennent également que ces accords seraient néfastes pour des pays dont l'économie dépend largement de l'agriculture (tels que les pays d'Afrique de l'Ouest de l’Afrique centrale) et entraineraient une baisse sensible des recettes douanières.

Enfin, certains gouvernements en Afrique ne se cachent pas pour dire que l'Union européenne exerce des pressions sur eux déclarant que l'aide au développement pourrait considérablement diminuer en cas de refus des APE faisant ainsi un lien entre ces accords (APE) et l'aide au développement.

Ces critiques nous ont amené à questionner les APE (en abordant 5 questions clés) en mettant en relief l’impact qu’ils peuvent avoir sur l’économie des pays signataires.

1) L’Union européenne impose-t-elle les accords de partenariat économique aux partenaires ACP ?

Non, les APE ne sont pas un instrument qu'impose l’Union européenne. Ils ont été conçus conjointement avec les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) dans l’accord de partenariat de Cotonou pour répondre aux insuffisances du précédent régime préférentiel non réciproque et à veiller à la compatibilité de leurs relations commerciales avec les règles de l’OMC.

Les APE ne sont pas obligatoires. Conclure un APE avec l’Union européenne est un choix souverain de chaque pays ACP. Ceux qui décident de ne pas participer peuvent néanmoins bénéficier du système de préférences généralisées (SPG), dans les mêmes conditions que d’autres pays au même niveau de développement. L'APE présente plus d'avantages pour les pays ACP – et de nombreux pays les moins avancés (PMA), qui pouvaient déjà avoir le libre accès au marché de l’UE en vertu de l’initiative «Tout sauf les armes» (TSA) ont choisi d'opter pour un APE.

Ainsi, les pays qui ont un APE avec l’Union européenne aujourd’hui l'ont fait de leur plein gré. Ils veulent un partenariat avec l’Europe basé sur le commerce et le développement, dans le cadre d'une volonté de passer d’une logique d'aide à une logique de commerce et d’investissement.

2) Compte tenu des différences de niveau de développement entre l’UE et les pays ACP, l’ouverture réciproque des marchés n’entraîne-t-elle pas des conditions d'échange inéquitables?

Les différents niveaux de développement entre les parties sont dûment pris en compte tout au long du processus, depuis la négociation jusqu'à la mise en œuvre des APE. L’asymétrie dans le niveau de développement des parties est reflétée par l’asymétrie des engagements et des obligations. Les APE comprennent une série de principes, d’objectifs et d’engagements spécifiques visant à promouvoir le développement dans les pays ACP. Ils prennent en considération les besoins des pays ACP, bien mieux que ne le font des accords de libre-échange classiques.

En termes d'accès au marché, l'UE consent à ce que l'ouverture des marchés ACP soit graduelle, partielle et contrôlée pour atteindre les objectifs de développement. Alors que l'UE ouvre son marché à tous les produits ACP immédiatement, les partenaires ACP bénéficient de longues périodes de transition et sont libres de protéger leurs produits sensibles de la libéralisation. En outre, pour répondre aux besoins des pays ACP en termes de développement et d'industrialisation, les APE comportent des mesures et des garanties particulières permettant aux partenaires ACP de promouvoir leur développement industriel et de protéger leur industrie naissante, la sécurité alimentaire et les ressources naturelles. Enfin, l'UE soutient également le processus de réforme et d'ajustement via la coopération au développement, et aide les pays ACP à développer leurs capacités commerciales, à améliorer leur compétitivité et à les rendre moins vulnérables aux risques.

3) La perte de recettes douanières porte-t-elle atteinte aux finances publiques en réduisant les budgets disponibles pour les services publics, comme l'éducation et la santé ?

Le rôle des droits de douane dans le développement est souvent mal compris. A cause des droits de douane, les consommateurs, y compris ceux disposant de faibles revenus, paient plus cher pour les produits qu'ils achètent. Ce n'est pas rigoureusement par les recettes douanières que les pays créent la croissance économique et l'emploi.

Dans la plupart des cas, les pertes de recettes douanières résultant des APE seront mineures, en raison de la façon dont la libéralisation est structurée: les périodes de transition permettant un démantèlement progressif des droits de douane sur 15 ans fournissent suffisamment de temps pour les ajustements. En outre, les gouvernements peuvent exclure les produits qui sont sensibles à des fins fiscales (par exemple pour les voitures, les boissons alcoolisées, etc.).

Tout cela atténue l'impact budgétaire initial et donne aux gouvernements la possibilité de gérer le changement et restructurer leur assiette fiscale, sans que cela crée des baisses soudaines ou significatives de revenus.

À long terme, L’UE estime que la croissance générée par l'activité économique accrue et par des réformes qui facilitent le commerce devraient se traduire par un impact net positif.

4) Les économies ACP sont-elles en mesure de résister à la concurrence féroce des entreprises européennes?

Les structures économiques entre les pays ACP et l'UE sont complémentaires, de sorte que la plupart des secteurs économiques des pays ACP ne sont pas en concurrence avec des importations de l'UE. L'UE exporte principalement des équipements, des machines et des engrais qui sont très nécessaires, mais guère produites, dans les pays ACP. Ce sont des éléments importants pour améliorer la productivité et la capacité de la production locale à concurrencer les produits importés, venus de l'UE ou d'autres pays tels que la Chine, L’inde et le Brésil.

Dans tous les cas, les partenaires ACP ont exclu de la libéralisation les produits qu'ils considèrent sensibles, y compris la plupart des produits agricoles ou des produits pour lesquels existe une fabrication locale. Pour les autres produits, les droits de douane sont éliminés très progressivement, donnant aux économies le temps nécessaire pour s'adapter, se diversifier et améliorer la compétitivité de la production nationale. En outre, si la production locale ou l'industrie existante ou naissante était menacée par des importations excessives liées aux réductions tarifaires, des garanties et des mesures spécifiques permettent aux pays ACP d'augmenter ou d'imposer des tarifs pour protéger les producteurs locaux.

5) Ne devrait-on pas considérer que les pays devraient d'abord s'industrialiser avant d'ouvrir leurs marchés aux importations étrangères, comme l'Europe l'a fait?

Les APE ne sont pas en contradiction avec les objectifs d'industrialisation des pays ACP, mais au contraire les favorisent. Les APE sont notamment destinés à aider les pays ACP à produire des biens à plus forte valeur ajoutée et à développer leurs capacités industrielles. Les APE font baisser le coût des intrants et des produits intermédiaires importés, réduisant ainsi les coûts de production. Cela augmente la compétitivité de l'économie locale à produire pour les marchés locaux, régionaux et internationaux et à se connecter à des chaînes de valeur mondiales.

Dans l'économie mondiale, il est en effet de plus en plus important d'être en mesure de s'approvisionner à des prix compétitifs pour rejoindre les chaînes d'approvisionnement

internationales et d'être compétitif à l'export. Les APE offrent également des règles d'origine souples grâce auxquelles les entreprises peuvent facilement s'approvisionner en différents intrants, tout en préservant le libre accès à l'UE pour les produits finis. Tout cela offre de nouvelles possibilités d'industrialisation pour les pays ACP.

En outre, le libre accès au marché européen, garanti à long terme, accroît l'incitation à investir dans le développement de la compétitivité des pays ACP et dans le renforcement des capacités pour répondre aux normes de l'UE. La sécurité juridique, la stabilité et la prévisibilité sont en effet parmi les principales préoccupations des investisseurs potentiels lorsqu'ils effectuent des décisions de localisation et d'approvisionnement. Les APE peuvent ainsi aider à attirer les investissements nationaux et étrangers dans les secteurs de fabrication et à briser la dépendance vis-à-vis des produits de base et des transformations à faible valeur ajoutée.

i Les dispositions de l’Accord levaient les barrières commerciales tarifaires (droits de douane) pour les exportations des pays ACP tout en permettant aux pays ACP de maintenir des droits de douanes sur leurs importations en provenance de la CEE.

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