Covid-19 : trêve de propagande, construisons l’avenir !
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« Le Cameroun sous la Très Haute Impulsion de S.E. Paul BIYA, fera peut-être école dans la gestion du COVID-19 comme il l’a fait autrefois dans la gestion du conflit de Bakassi ». C’est dire que pour le Ministre Paul ATANGA NJI de l’Administration Territoriale, les 359 compatriotes décédés de suite de COVID 19 au moment où il écrit ces lignes, c’est un résultat exceptionnel à célébrer. D’abord, il me semble opportun de relever qu’il est très tôt de crier victoire et de s’engager dans une telle célébration car la pandémie continue à tuer des compatriotes y compris dans le corps médical. En suite et dans la réalité, la communication du MINAT faisant l’éloge du Président Biya ne suffira pas à masquer le résultat peu honorable du Gouvernement dans la gestion de la pandémie au Cameroun.

La gestion relativement transparente de la pandémie à travers le monde met à nu la faiblesse des arguments du Ministre sur la gestion gouvernementale du COVID 19. En considérant deux pays frères, la Côte d’Ivoire et le Ghana qui sont sur les plans de la démographie, de la culture, du niveau de développement… quasiment au même niveau que le Cameroun, la comparaison des résultats obtenus dans la gestion de la pandémie montre que le nôtre est plutôt catastrophique ou du moins, pas si élogieux tel que veut le faire croire le MINAT.

Au 07 juillet 2020, le Cameroun compte 359 morts contre 129 morts pour le Ghana et 76 morts pour la Côte d’ivoire. Ramenés au nombre de cas positifs au COVID 19 à cette date, le taux de létalité est de 2,41% au Cameroun contre 0,59% au Ghana et 0,68% en Côte d’ivoire. Par rapport à la population du pays, le résultat du Cameroun c’est 1,43 morts pour 100 000 habitants contre 0,43 pour le Ghana et 0,3 pour la Côte d’ivoire. Ces chiffres disent clairement que les camerounais et les amis sur le territoire national ont trois à quatre fois plus de probabilité de mourir du COVID 19 ou encore que les malades sur notre territoire ont 4 fois plus de probabilité de mourir par rapport aux habitants, et respectivement aux malades dans ces deux pays frères.

Célébrer ce résultat, c’est faire de la roublardise pour essayer de masquer les disfonctionnements et les démissions qui ont caractérisé la gestion gouvernementale de la crise sanitaire.

La comparaison avec les pays du nord pour se satisfaire de la faible mortalité par rapport à ceux-ci n’est pas seulement malheureuse, elle est trompeuse. L’écart entre nos résultats et les leurs n’a rien avoir avec la gestion de la pandémie. Il est dû à la différence des structures démographiques avec une espérance de vie en bonne santé de l’ordre de 50 ans pour le Cameroun et d’environ 72 ans pour les pays du nord. Ces derniers ayant par ailleurs une importante tranche du 3ème âge de personnes à la santé fragile entre 72 ans et 82 ans en moyenne. Mais aussi comme l’ont postulé certains infectiologues, l’histoire du paludisme et de la prise des médicaments contre cette maladie ont eu très probablement un effet positif sur l’ampleur des dégâts du COVID 19 dans certains pays africains. Si on veut être caricatural, on dira que la pauvreté et le paludisme ont fait des ravages dans nos populations avant l’arrivée du COVID 19. C’est loin d’être un motif de fierté.

Utiliser en plus l’image du Président Biya dans cette manœuvre c’est une vaine tentative de fermer la voie à la réflexion sur les responsabilités ministérielles dans la gestion de la pandémie. La recette est veille et bien connue. Tout est fait sur instruction de la « très haute hiérarchie ». C’est l’affichage. Dans la réalité, chacun fait comme bon lui semble, bafouant le bon sens et l’intérêt général dans la plus part des cas.

Et pourtant, on peut bien se demander quel a été l’apport du Ministère de l’Administration Territoriale dans la lutte contre la pandémie. On n’aimerait bien lire le MINAT sur la contribution de son administration dans le suivi de l’application des mesures de la riposte gouvernementale au COVID 19. Au-delà d’une communication propagandiste, quelle a été en définitive la part de chacun des départements ministériels concernés dans le mauvais résultat du pays tel qu’il ressort des statistiques ci-dessus ?

Parions que les Ministres aient à cœur de faire le bilan de leurs administrations respectives dans la gestion de la pandémie. A titre d’exemple, nous avons plutôt observé le MINAT dans le rôle de distributeur des dons présidentiels après celui de distributeur des dons du plan d’urgence humanitaire en faveur des déplacés de la crise dans les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest. De la même manière, le Ministre de la santé a joué les rôles de percepteur, ordonnateur, utilisateur du Fonds spécial de solidarité nationale, dans un mélange qui est loin de garantir la gestion transparente de la générosité nationale sur le COVID 19.  Sur cet aspect des interventions des membres du Gouvernement, à l’instar du « coup de cœur » pour les lions indomptables du football à la coupe du monde USA94, c’est certain, il n’y aura pas de bilan. C’est aussi une des raisons pour laquelle, il faut très bien faire l’éloge de la bonne gestion du COVID 19 par le président Biya.

Et pourtant, sur le COVID 19 et c’est un fait incontestable, le Président Biya, s’il a été présent, c’est à travers le Gouvernement. Difficile d’évaluer son implication personnelle dans la guerre contre la pandémie. Même le discours présidentiel du 19 mai 2020 sur le COVID 19 après plus de 150 morts et près de 4000 cas de contamination n’a pas suffi à infléchir la courbe des contaminations et encore moins celle des décès. Mais en plus de 58 ans dans la haute administration dont 38 ans à la magistrature suprême, difficile de discuter le côté exceptionnel de l’homme du 6 novembre 1982. Toute une vie au service de l’Etat. La formule sied à la perfection au Président Biya. Ne serait-ce que pour cette longévité au pouvoir au service de la Nation, le président Biya est un cas d’école.

Sur le contenu de ses années au pouvoir, sur le bilan du Président Biya, sauf à faire preuve du manichéisme ou à verser dans le fanatisme, on trouvera du mauvais et du bon même si ces derniers temps il y a plus du mauvais que du bon. En particulier depuis la modification constitutionnelle de 2008 qui a laissé sur le carreau des dizaines de jeunes qui s’y opposaient de manière préventive. Cette modification de mon point de vue est sans aucun doute un tournant dans le bilan de l’homme du 6 novembre 1982. Elle a donné à un groupe de citoyens le sentiment d’une certaine supériorité sur le peuple ou une partie de la Nation. C’est ce sentiment qu’on a malheureusement retrouvé dans la gestion des revendications corporatistes dans les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest qui a abouti à la guerre dans ces régions en exposant le pays à une fracture irréversible. Dans la même colonne de ce bilan, on trouvera sans aucun doute l’Echec de l’organisation de la CAN 2019 et très certainement la gestion de la pandémie du coronavirus entre autres.  Sur le COVID 19, les chiffres sont là, on peut être factuel et faire l’éloge du Président Biya sur la gestion de la pandémie, c’est tirer par les cheveux. Et ça dit tout sur la liberté que prennent certains responsables gouvernementaux vis-à-vis de la vérité et du peuple

A croire que tout est parole sans aucune emprise sur la réalité. Que l’action publique se réduit à la propagande sans aucune exigence d’efficacité et encore moins d’efficience.

A l’analyse et loin de la propagande élogieuse, il y a pourtant plein d’enseignements à tirer de gestion de la pandémie dans notre pays.

Le COVID 19 a mis à nu la faiblesse de notre système de santé. Au mois de mai dernier, à peine 40 respirateurs pour tout le pays avec des régions entières sans respirateur. Combien de compatriotes avons-nous perdu faute d’oxygène y compris dans les grands centres de santé comme Laquintinie à Douala ? Même un grand centre comme le CURY s’est réduit à recevoir les dons des particuliers pour son approvisionnement en oxygène. De passage à l’Assemblée Nationale pendant la session de mars, le Ministre de la Santé avait annoncé l’acquisition par le Gouvernement de 300 000 tests de dépistage. Ce fut une mystification. Nous en sommes à peine au tiers s’agissant des tests effectués à date.

La gestion de la pandémie laisse transparaître une certaine impuissance dans l’ambition gouvernementale de la maitrise de la circulation du virus y compris au niveau des frontières censées être fermées. On évoquera à ce niveau le cafouillage dans la gestion des premières mises en quarantaine aussi bien dans les hôtels non apprêtés à Douala et Yaoundé que dans les logements sociaux non aménagés pour la cause. Le non-respect du confinement par certains hauts responsables et le choix gouvernemental de ne pas isolé Yaoundé et Douala pour circonscrire la contamination dans ces foyers.

Dans la sous régions cette insuffisance dans la maîtrise de la circulation à fait du Cameroun le mouton noir de l’espace CEMAC. Au moins 2 cas (le 1er et le 4ème) de contamination au Tchad ont traversés la frontière venant du Cameroun. Des étudiants Gabonais ont traversés la frontière et ont été testé positifs à leur arrivée au Gabon. En Centrafrique, l’explosion des cas de contamination a été imputée aux camionneurs partis du Cameroun. A titre d’illustration, sur les 22 cas relevés le 26 avril dernier, le Ministre de la Santé de ce pays frère a dénombré 14 camionneurs  provenant du Cameroun.

En contradiction avec la mesure d’interdiction des rassemblements de plus de 50 personnes, le Gouvernement a fait le choix de laisser les marchés et les grands carrefours comme Ndokoti ouverts favorisant par ce choix la propagation du virus. Plus graves et c’est sans aucun doute une particularité camerounais dans la gestion de cette pandémie, des officiels et des particuliers au motif de la lutte contre le COVID 19 par le biais de la distribution des dons, ont multiplié des attroupements largement au-delà de la limite des 50 personnes.

Tous ces comportements, ces attitudes dans la gestion de la pandémie ont contribué au résultat du pays tel qu’établi plus haut malgré la bravoure et le dévouement du corps médical. Et c’est bien vers les médecins, les infirmiers et l’ensemble des professionnels de la santé que la nation doit se tourner pour les hommages appuyés au corps médical.

En réalité si la mortalité a été relativement maîtrisée malgré tout le désordre observé dans la gestion gouvernementale de la pandémie, c’est bien parce que le corps médical a été effectivement à la tâche, souvent sans les protections idoines mais jusqu’au sacrifice suprême, beaucoup ayant laissé leur vie, ayant exposé directement leur famille pour nous sauver du coronavirus. Voyant leurs conditions de travail, chacun de nous a dû avoir peur pour une sœur, un frère ou un ami médecin, assistant, infirmier, aide-soignant, ambulancier, brancardier, administratif, restaurateur, technicien de surface…etc. Nos prières les ont accompagnés et continuent de les accompagner dans la guerre contre la pandémie qui comme je l’ai dit plus haut, est très loin d’être terminée aussi bien au Cameroun qu’à travers le monde.

On retiendra alors que malgré le sacrifice de nos lions indomptables de la santé, la gestion gouvernementale du COVID 19, lorsque viendra le moment du bilan, sera difficilement célébrée. Les chiffres à ce stade le laissent penser clairement. Dire le contraire aujourd’hui, c’est manquer de sincérité, c’est faire exclusivement dans la propagande. Il faut savoir reconnaitre les manquements et passer à autre chose. Il faut avouer ce qui apparait d’ores et déjà comme un échec pour espérer une capitalisation qui prépare les prochaines victoires. Il y aura d’autres pandémies. Surement pour les générations à venir, sortons de la propagande et préparons dès aujourd’hui les victoires futures du Cameroun par l’amélioration des conditions de travail des professionnels de la santé, en leur offrant une rémunération à la hauteur de leurs immenses sacrifices, en investissant effectivement pour la santé pour tous et en faisant de la préservation de la vie un impératif au-delà de tout.

Samuel BILLONG

Président National

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