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© rolandtsapi.com : Roland TSAPI
- 10 Jun 2020 11:16:00
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CAMEROUN :: Electricité : quand Eneo privilégie ses caisses :: CAMEROON
Le distributeur de l’énergie électrique au Cameroun, Energy of Cameroon, fait l’objet de vives critiques des consommateurs depuis un temps. Il est reproché à la société des coupures intempestives, de servir des factures exorbitantes, sans lien avec les consommations habituelles, de procéder à des contrôles de fraude à l’issue desquelles des factures de régularisations décidées unilatéralement sont dressées, en plus de n’accorder aucune considération aux clients qui se rendent dans les agences pour se plaindre. Et ces reproches sont exprimés de diverses manières.
Collectivement, on assiste fréquemment à des mouvements d’humeur des populations de tel quartier ou ville, qui un matin se lèvent et dressent des barricades sur les routes pour réclamer le rétablissement du courant électrique après des semaines d’attente parfois. De manière individuelle, les médias, les associations de défense des droits des consommateurs et Enéo elle-même reçoivent quotidiennement des plaintes des clients qui soulèvent des griefs de toute nature. Certains clients qui se disent fatigués de se plaindre sans suite décident de régler le problème eux-mêmes, généralement en se refusant de payer les factures contestées ou en interdisant par tout moyen l’accès aux installations qui les alimentent par tout agent Enéo ou son mandataire.
Une vidéo circule par exemple dans les réseaux sociaux en ce moment, montrant une femme qui empêche un agent de grimper sur un support visiblement pour la déconnecter, et n’hésite pas à demander une machette à son enfant pour l’en dissuader. Bref, la société en charge de la distribution de l’énergie électrique au Cameroun est loin d’avoir bonne presse auprès des populations, qui en ont gros sur le cœur et ne ratent aucune occasion pour crier leur ras-le-bol. Mais comment une entreprise qui fournit un service social en est arrivé à être en conflit permanent avec sa clientèle, sur un marché dont elle a pourtant le monopole ?
A l’origine, la privatisation
La première explication est d’ordre politique. Dans les pays où le gouvernement place le bien-être social au centre des préoccupations, la fourniture des services de base comme l’électricité incombe à l’Etat, qui en général prend sur lui de subventionner un certain nombre de coûts relatifs à la production du service en question, de sorte qu’il revienne à la population non seulement à moindre frais mais de manière régulière, en quantité et en qualité. L’objectif ici n’étant pas de faire des bénéfices à tout prix, mais d’assurer de meilleures conditions de vie aux populations. Le courant électrique fait partie de ces services de base, et ailleurs le secteur de l’électricité fait partie des domaines de souveraineté de l’Etat.
Mais au Cameroun, pour des raisons qui restent discutables et discutées, le secteur a été privatisé, le pays a cédé sa souveraineté à des groupes privés qui se succèdent d’années en années, changent de dénominations autant de fois mais en gardant les mêmes objectifs, se faire le maximum d’argent. Compréhensible, puisque la mission d’un investisseur privé n’est pas de faire des œuvres philanthropiques, ce qui l’intéresse ce sont ses bénéfices. Depuis la privatisation du secteur de la société de distribution d’énergie donc, Aes Sonel avant et Eneo aujourd’hui se préoccupent de faire le chiffre d’affaire.
Le gain en priorité
D’où la deuxième raison qui est économique. Comme tout investisseur, Enéo veut gagner plus en investissant moins. A l’observation, l’essentiel de l’activité de la société en charge de la distribution de l’électricité au Cameroun ces derniers mois, vise au recouvrement. On peut citer parmi ces activités les opérations dites de réajustement des puissances. L’objectif à terme étant d’amener les clients dont les puissances ont été revues à la hausse à payer une facture de régularisation. Pour faire passer la pilule amère, l’entreprise explique :
« Nous avons donc lancé une opération de mise à jour de la puissance, pour des raisons de sécurité et de qualité de service ; car ces écarts irréguliers sont des sources de surcharge, de baisse de tension, d’explosion des transformateurs, et donc des coupures. » L’autre activité c’est celle de la normalisation des compteurs. Sans avoir établi que les anciens compteurs présentaient des défaillances, l’entreprise a entrepris de les changer, et explique cette initiative par des avantages que le changement de compteurs présenterait pour les clients.
D’après Eneo, ces avantages sont « Pour le client, la facilitation du suivi et de la maîtrise des consommations, la facture justes grâce à un bon niveau de fiabilité de ces compteurs de technologie nouvelle et la télé acquisition des index (réduction des index erronés), discipline des habitudes de consommation (réduction des consommations non essentielles), maîtrise du budget, et la réduction des passages des agents. Pour Eneo, une meilleure gestion de la charge, car pris en compte pour la gestion de l’offre et de la demande, meilleure visibilité sur les données rentrant dans la facturation, télé acquisition des données (index) en compteur, rendant difficile le phénomène d’index erroné. »
Une troisième activité en cours est celle de contrôle fraude. D’après l’entreprise toujours, « Ces 12 derniers mois, environ 60 barons de la fraude ont été mis à la disposition de la justice ; un baron étant un acteur qui entretient, de manière illégale, un réseau électrique d’au moins 100 ménages. Plus de 10 agents Eneo ont été renvoyés pour intelligence avec les réseaux indélicats. » Pour autant, les clients se plaignent de ne pouvoir être associés à ces contrôles et d’être obligés de subir des redressements non fondés. Ce que l’entreprise reconnais à demi-mot :
« le Règlement de Service prévoit la présence d’huissiers dans les équipes de contrôle ; il évoque aussi la possibilité d’avoir des agents assermentés Eneo. De plus, il prévoit la signature du constat technique de manière contradictoire entre Eneo et le client ou son représentant. Cette dernière disposition rend la présence de l’huissier facultative. Toutefois, pour les clients ayant des puissances supérieures à 18 kVa, nous avons systématisé cette présence »
Il faut cependant noter que pendant que ces opérations qui visent à renflouer les caisses sont menées, en parallèle, les investissements visant à la fourniture du service, à l’aménagement du client et à l’entretien du réseau sont simplement relégués au second plan, ce qui justifie qu’entre la société et ses clients, il y ait toujours de l’électricité dans l’air. Nous y reviendrons
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