Grand dialogue national: Les propositions de la région de l’Ouest
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Révision de la constitution, création d’un poste de vice-président de la République, choix des personnes appelées à participer au dialogue, libération de certains prisonniers politiques, autonomisation financière des régions, décentralisation des concours dans les grandes écoles, création d’une région Bamoun et relance de l’économie sont quelques attentes exprimées par les populations et ressortissants de la région de l’Ouest dans la perspective du grand dialogue national. Compte-rendu intégral de la concertation régionale.

Chargé par le Premier ministre, Joseph John Ngute de recueillir les propositions et les attentes des populations de la région de l’Ouest, dans le cadre du Grand dialogue national, prévu du 30 septembre au 4 octobre 2019, le gouverneur de la région de l’Ouest, Awa Fonka Augustine accompagné d’une vingtaine de personnes sera reçu ce 23 septembre à l’immeuble étoile.

En prélude à cette rencontre, des réunions ont été organisées dans les huit départements de la région de l’Ouest les 19 et 20 septembre 2019. Puis, le 20 septembre 2019, le gouverneur de la région de l’Ouest a organisé la concertation régionale, préalable au grand dialogue national.

Au cœur des discussions qui se sont déroulées dans la salle des conférences des services du gouverneur de la région de l’Ouest : la résolution de la crise dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-ouest, les préoccupations spécifiques aux populations de la région de l’Ouest ainsi que l’économie et la gouvernance publique dans son ensemble.

Résolution de la crise anglophone

Présente à cette rencontre, l’honorable Fotso Faustine propose la création d’un poste de vice-président de la République qui sera confié à un ressortissant des régions anglophones, au cas où le président de la République serait francophone et vice versa. Dans la même lancée, la députée des Hauts-Plateaux suggère la création des postes similaires dans toutes les institutions de la République. Des dispositions qui devraient être intégrées dans la constitution. Le sénateur Anaclet Fomethe qui s’est exprimé au nom des populations du département de la Menoua propose l’apprentissage obligatoire de l’anglais et du français dès l’école primaire. La même source suggère la création d’une zone économique autour de la frontière avec le Nigéria. En sus, Anaclet Fomethe insiste sur la «nécessité» de créer des sections anglo-saxonnes dans toutes les universités du Cameroun. Une suggestion qui pourrait prendre corps avec une annexe de l’université de Dschang dans le Lebialem. Aussi, l’ancien recteur de l’université de Dschang suggère la création d’une antenne de la Cameroon radio and television (Crtv) exclusivement anglophone. Député du Social democratic front (Sdf), l’honorable Deffo Oumbe insiste sur la création d’un Etat fédéral.

Pour sa part, Sa Majesté Sokoudjou Jean Rameau, chef supérieur Bamendjou soutient que «Il n’y a pas de problème anglophone. Le problème, selon cet intervenant, est celui du partage des ressources nationales.» Dans la même veine, cette autorité traditionnelle suggère que le préalable à l’organisation du grand dialogue national soit de trouver des camerounais honnêtes et consensuellement acceptés. «Il faut avant toute chose des gens qui peuvent aller discuter avec les contestataires qui ont pris les armes dans les régions du Nord-Ouest et du

Sud-ouest.» Pour le président régional de l’Ordre des médecins du Cameroun, il est question de rompre avec l’habitude des discours en français usité par le président de la République depuis son accession au pouvoir. «C’est une habitude qui renforce le sentiment de marginalisation chez les anglophones.» En sus, conseille le même intervenant «l’état de la ring road est l’un des frustrations qui ont conduis les anglophones à la guerre.» Aussi, pense le Docteur Ngwa, il faut rompre avec les notions d’anglophone et francophone ainsi que celles d’allogène et autochtone. Des propos partagés par Jean Paul Nanfack, adjoint au maire dans la commune de Fongo Tongo. Frontalier à la région du Sud-ouest, cet élu local pense que la résolution de la crise dans cette zone géographique passe par la construction des infrastructures dans les régions anglophones. De l’avis de nombreux intervenants à la concertation régionale, préalable au grand dialogue national, la libération des détenus politique de la crise dans les régions anglophones et ceux de la contestation post électorale viendrait dissiper les tensions que vit le Cameroun depuis quelques années. Mais aussi, la libération de ces personnes donnerait des gages d’une volonté réelle d’aller vers l’apaisement des tensions sociales au Cameroun. Pour le maire de commune d’arrondissement de Bafoussam II, la résolution du problème anglophone nécessite de trouver des hommes intègres. «Ceux qui maîtrisent mieux la zone. Certains anciens gouverneurs connaissent bien ce problème. On peut aussi y ajouter des gens comme le cardinal Christian Tumi.»

Pour l’évêque auxiliaire de Bafoussam, «beaucoup de camerounais sont sceptiques par rapport à l’issue de ce dialogue.» Selon cet intervenant, il faut que le président de la République donne des gages. Pour cela, réunir les bons interlocuteurs est un impératif. «Que l’on fasse tout pour que les vrais acteurs de la crise anglophone soient présents à ce dialogue.» Le même intervenant martèle : «Ne remplissons pas la salle avec des gens venant de partout sauf les vrais acteurs.» Selon lui, «Il faut circonscrire la première partie de ce dialogue à la résolution de la crise dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-ouest. Qu’il n y ait pas de sujet tabou à ce dialogue. Mais aussi, que les décisions consensuelles soient intégrées dans la constitution et qu’elles soient appliquées.» Selon le président des chefs de communauté vivant à l’Ouest, Christophe Ouanji, «il y a nécessité de rendre exécutoire la double nationalité. Cela permettra au camerounais qui vivent dans la diaspora d’être mieux impliqués.»

Problèmes spécifiques à la région de l’Ouest

De nombreux intervenants à la concertation régionale qui s’est déroulée le 20 septembre 2019, dans les services du gouverneur de la région de l’Ouest, soutiennent que «la région de l’Ouest est victime de discrimination, d’exclusion, de frustration et de la corruption.» Des raisons pour lesquelles nombreux ont appelé à des discussions sans tabous sur la forme de l’Etat et la gouvernance publique. A priori, nombreux pensent à la nécessité de mettre sur pied une République décentralisée à dix Etats. Aussi, estiment l’essentiel des intervenants «les camerounais d’avoir appartenir à une entité par naissance ou par résidence.» Une posture qui s’inscrit en contradiction aux notions d’autochtone et d’allogène contenues dans la constitution. Député des Haut-Plateaux, l’honorable Faustine Fotso pense que le problème camerounais est celui du partage du pouvoir. Dans le recueil des 23 propositions présenté par le sénateur Fomethe Anaclet, au nom du département de la Menoua, il en ressort que cet espace géographique appelle à la mise en place «d’une véritable décentralisation, plus efficace, qui donne aux autorités locales une véritable autonomie et dans laquelle les collectivités territoriales décentralisées bénéficient de véritables transferts des ressources.»

Dans le sillage des propositions faites par le département de la Menoua, les intervenants parlant au nom de la région de l’Ouest attendent la mise en place des conseils régionaux et le retour aux plans de développement maîtrisés avec des éléments de performances contraignants.

La même source suggère que «les délégués du gouvernement, s’ils sont maintenus dans le cadre de la décentralisation, qu’ils soient votés» Les intervenants de la Menoua évoquent la nécessité de connecter ce département à Manfé pour en faire un pôle économique. Pour l’honorable Deffo Oumbe, «la décentralisation n’a pas avancé et elle n’avancera pas du fait de l’unicité des caisses qui centralise la gestion des ressources aux mains des mêmes personnes à Yaoundé.»

Des raisons pour ce parlementaire d’appeler à la création d’une République à onze Etats fédérés. Le parlementaire appelle également à la dissolution de l’Ecole nationale d’administration et de magistrature (Enam). Sur la même lancée, le parlementaire appelle au dernier mandat de Paul Biya à la tête de l’Etat.

Une option partagée par le chef supérieur Bamendjou. Sa Majesté Sokoudjou Jean Rameau soutient que «Ce n’est pas aujourd’hui que nous avons commencé à tromper Paul Biya. De nombreux rapports que nous lui avons envoyés sont restés sans réaction. Et soutient cette autorité traditionnelle, certains fils de l’Ouest plombent le développement de la région parce qu’ils se soucient exclusivement de leur position et des rentes qu’ils en tirent.» Selon le même intervenant, les problèmes que connait le Cameroun datent de depuis les indépendances et se sont empirés avec le renouveau. Pour l’essentiel des chefs traditionnels présents, il y a nécessité d’intégrer les chefs traditionnels dans la gestion des collectivités territoriales décentralisées. Mais aussi, «mettre sur pied une institution officielle des chefs traditionnels qui deviendrait un organe consultatif pour les prises de décisions au plan régional et national.»

Présents à la concertation régionale, en prélude au grand dialogue national, la communauté Mbororo de la région de l’Ouest a suggéré la mise en place d’une plateforme permanente, dans laquelle l’on discutera des problèmes spécifiques à l’intégration et la prise en compte des problèmes spécifiques à cette communauté.

La transformation du département du Noun a fait l’objet de multiples plaidoyers au cours de la concertation régionale de la région de l’Ouest. Selon des chefs traditionnels et d’autres intervenants issus de ce département, «cette frustration fait du Noun une poudrière permanente.» La préoccupation, ont rappelé les intervenants, fait l’objet des plaidoyers, des revendications et des memoranda depuis 1995. L’on se souvient que la question avait été portée au président de la République par le sultan Ibrahim Mbombo Njoya, à la veille des élections municipales et législatives de 1996.

Gouvernance et économie

La question de la redistribution du pouvoir a été abordée par le président de l’association des élites Bafoussam de la diaspora. Selon Amadou Talla Tamto, «la forte concentration des pouvoirs dans les mains des mêmes personnes pose problème.» Aussi, cette élite a appelé à l’application intégrale de la constitution de 1996. La même élite appelle à la décentralisation des concours dans les grandes écoles «pour donner la chance aux compétences locales». Une suggestion soutenue par l’honorable Bernard Fongang qui soutient l’établissement des quotas dans les grandes écoles. Dans la même veine, le sénateur Fomethe Anaclet suggère que des quotas de 50% sur la base du mérite et 50% sur la base de l’équilibre régional.

Ancien président de la fédération de l’Union nationale pour la démocratie et le progrès (Undp) passé au Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc), Fonkou Wollong appelle à la gratuité effective dans les écoles primaires, la gratuité des soins médicaux et l’instauration de l’efficacité dans l’administration publique.

Pour les opérateurs économiques de la région de l’Ouest, le grand dialogue national doit mettre un accent sur les stratégies de développement. Intervenant lors de la concertation de Bafoussam, Ndiffo suggère la création des zones économiques dans chaque département.

Dans le même temps, les acteurs du secteur avicole de la région de l’Ouest plaident pour la relance du secteur à travers une implication du gouvernement. C’est un plaidoyer similaire qu’a adressé le directeur général de l’Uccao.

Etienne Sonkin suggère la révision de l’organisation de la filière café, la reforme de la loi foncière. Selon l’honorable Bernard Fongang, «les problèmes dans les régions anglophones et à travers le Cameroun sont liés à la pauvreté et à la famine.» Des questions qui, souligne le maire de la commune de Bamendjou «peuvent être réglées à travers un transfert effectif des ressources et des compétences.»

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