SISIKU AYUK TABE : UNE CONDAMNATION IRRESPONSABLE
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La condamnation à vie d’Ayuk Tabe est une incroyable faute politique. La crise anglophone qui prend racine dans une gestion irresponsable et totalement colonialiste de l’Etat du Cameroun a produit, depuis trois longues années une profonde déchirure de notre Nation.

La répression de tous les acteurs adeptes d’un dialogue inclusif tel les membres du Consortium actuellement en prison (alors que le pouvoir prétend qu’ils sont soi-disant en garde à vue), et tant d’autres jetés en prison sans motif comme Paul Aya Abime ancien magistrat de la cour Suprême, et une autorité morale de la dimension du Cardinal Christian. Cette gestion totalement hors la loi d’un Etat qui proclame à corps et à cris sa qualité d’Etat de droit alors qu’il viole la loi fondamentale au gré de ses désirs, mène le Cameroun à la dérive.

Le pouvoir a délibérément refusé de se soumettre aux dispositions de la constitution préconisant la décentralisation, plus de deux décennies après la proclamation de cette constitution. Biya a sciemment provoqué une impasse politique et sociale aux conséquences tragiques.

Alors que l’attente insupportable d’un dialogue annoncé pour sortir le pays d’une grave crise s’éternisait, nous avons été surpris par le verdict du tribunal militaire de Yaoundé qui vient crisper l’atmosphère politique au lieu de la détendre. Tout le pays est en attente d’un dialogue inclusif pour sortir le pays de la crise. C’est le moment que choisit le pouvoir pour condamner à vie Sisiku Ayuk Tabe et ses compagnons.

C’est un très mauvais signe envoyé à notre peuple qui était en droit d’envisager le démarrage du dialogue inclusif pour voir enfin l’issue de ce grave conflit. Mais Paul Biya se moque des souffrances de son peuple et se croit à l’abri protégé par toutes les forces armées de son pays qui lui doivent allégeance, et à lui seul, et non pas à la République. La crise et le chaos grandissant aujourd’hui confiné dans les deux provinces anglophones pourrait un jour, embraser le pays tout entier. Mais Paul Biya semble complètement indifférent au sort de son pays et de ses habitants.

Et enfin, on ne peut s’empêcher d’interpeller les magistrats qu’ils soient militaires ou civils : le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir exécutif et il peut juger ou non en principe en toute liberté et rendre justice en son âme et conscience. Le jugement extrêmement dur que ces magistrats viennent de rendre à l’encontre de AyukTabe et ses compagnons contribue-t-il à apaiser l’atmosphère ou à compromettre la paix en renforçant la crispation ? Dès le lendemain de la condamnation d’Ayuk Tabe et de ses compagnons, la poudre a parlé à Bamenda.

A ce sujet on peut rappeler la bravoure du magistrat Christophe Bobiokono, qui refusa en 1962, du juger et de condamner des leaders politiques jetés en prison : André-Marie Mbida, Charles Okala, Théodore Mayi Matip, et Marcel Eyidi Bebbey. Sa carrière fut malmenée, mais il tint bon, parce que ces hommes étaient libres d’exprimer leur opinion politique selon la Constitution. Bobiokono rejeta fermement l’ordonnance présidentielle de mars 1962 sur la subversion alors que le multipartisme était encore en vigueur.

Plus près de nous, le juge militaire qui condamna à mort Ernest Ouandié, exprima ses vifs regrets vingt ans plus tard dans la presse officielle. Pourquoi les magistrats qui ont jugé Ayouk Tabe ne se sont-ils pas inspirés de ces exemples éloquents de magistrats qui ont su prendre leurs responsabilités et que le remord a poussé à reconnaître les fautes graves qu’ils ont commises à demander publiquement pardon?

Y’a-t-il encore des femmes et des hommes d’honneur dans ce pays?

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