Cameroun, Age électoral: Ils refusent le droit de vote aux jeunes
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Cameroun, Age électoral: Ils refusent le droit de vote aux jeunes :: CAMEROON

Les citoyens de moins de 20 ans sont écartés du choix des dirigeants de leur pays.Dès 18 ans, ils intègrent pourtant l’armée, la police, la fonction publique et sont pénalement responsables.

Je suis pour l’octroi du droit de vote aux jeunes de 18 ans. L’éducation joue un rôle si important pour inculquer des habitudes sociales ainsi que des connaissances et des compétences. Dans ce pays, nous nous plaignons constamment de l’irresponsabilité et du désengagement des adolescents dans le processus électoral. A peine six millions de votants lors des dernières élections pour une population de plus de 20 millions d’habitants », soutient Jérôme Assiene, un étudiant.

Un autre étudiant en sciences politiques affirme également qu’après le discours du chef de l’Etat à l’occasion de la 53ème édition de la fête de la jeunesse, il est resté sur sa faim. Michel Fokam, un autre jeune a ajoute : « Nous déplorons le fait que la majorité des jeunes ne participe pas aux élections au Cameroun.

On note un certain engouement mais beaucoup reste à faire. Il s’agit d’encourager les jeunes à participer plus activement à la vie politique de la nation par l’exercice du droit de vote. Cette entreprise pourrait contribuer à redynamiser les administrations locales et à faire grimper les taux de participation aux élections ». Un jeune militaire affirme : « Dans mon pays, je peux me marier à 15 ans, allé faire la guerre à 18 ans, mais je ne peux pas voter avant 20 ans. Le Cameroun doit revoir cette disposition pour le vote à 18
ans. La majorité électorale doit être révisée et ramenée à 18 ans au même niveau que la majorité pénale ».

Le droit de vote à 18 ans, une bonne idée? De nombreux analystes politiques estiment qu’il serait manifestement inéquitable, irrationnel et absurde de limiter le droit de vote à une seule catégorie de citoyens et à l’âge de 20 ans. Si les jeunes et les partis politiques se mobilisent de plus en plus sur le thème de l'abaissement de l’âge électoral, c'est parce que c'est "leur avenir qui est en jeu et ils ont l'impression qu'on joue avec leur avenir, qu'on ne prend pas du tout au sérieux les risques qui pèsent sur eux », précise un sénateur Rdpc.

Ce qui laisse penser que les jeunes qui constituent la majorité n’ont pas la capacité d'assumer leurs responsabilités car exclus du jeu politique à 18 ans. Ils pensent qu'à l'âge de 18 ans, le citoyen peut assumer toutes ses responsabilités y compris celle de voter si la loi lui en donne la possibilité.

Droit pénal et droit de vote

Dans son discours à l’Assemblée législative française le 20 mai 1850, Victor Hugo affirmait qu’ « Il y a un jour dans l’année où le plus faible sent en lui la grandeur de la souveraineté nationale, où le plus humble sent en lui l’âme de la patrie ». Mais qu’advien til si la loi met à mal le principe de l’universalité du suffrage mieux l’égalité devant la loi et devant le suffrage ?

L’alinéa 3 de l’article 2 de la Constitution lié au titre premier relatif à l’Etat et à la souveraineté est clair et sans équivoque : « Le vote est égal et secret. Y participent tous les citoyens âgés d’au moins 20 ans ».

Sous ce rapport, seuls les citoyens privilégiés ayant au moins 20 ans sont autorisés à s’inscrire sur les listes électorales et accomplir le devoir de voter. Tout le monde ne peut donc pas voter. L’alinéa 4 de l’article 80 de la loi du 12 juillet 2016 portant Code pénal énonce pourtant que : « Le majeur de 18 ans est pleinement responsable ». C’est dire sa capacité à assumer ses responsabilités à cet âge-là est convenue. La notion de responsabilité à l’âge de 18 ans devrait également conférer la capacité électorale.

Harmonisation des majorités

Des propositions précisées par le Mrc et sa coalition le 09 octobre 2018 à Yaoundé pour la reforme le Code électoral camerounais, figure en bonne place l'introduction du bulletin unique, la réduction du montant du cautionnement aux élections locales, et surtout l'abaissement de la majorité électorale à 18 ans.

L’Union Démocratique du Cameroun (Udc) et le Sdf sont également d’avis. Contacté hier lundi 11 février 2019, Mongwat Amadou Ahidjo, le secrétaire national à la communication de l’Udc a indiqué que son parti milite également pour une harmonisation des différentes majorités citoyennes dans notre pays. Il constate que la majorité pénale est de 18 ans, la majorité civile est de 18 ans et la majorité électorale est de 20 ans. Il pense qu’ « il est impossible de justifier pourquoi un citoyen qui peut se marier à 18 ans, qui répond pénalement de ses actes et est ainsi susceptible d’aller en prison à 18 ans…qu’il soit obligé d’attendre l’âge de 20 ans pour voter.

Le vote étant également un droit et un devoir citoyen ». Franck Essi, le secrétaire général du Cameroon People's Party (Cpp) pense qu’il est nécessaire d’abaisser l’âge électoral afin d’inclure une frange importante de la population.

D’après lui, « Le dernier recensement de la population du Cameroun indiquait que l’âge médian au Cameroun était de 17,7 ans. En d’autres termes, la moitié de Camerounais avaient, au moment du recensement, un âge inférieur ou égal à 18 ans ». Ce qui veut dire à ses yeux que si on exclut tous ceux qui ont moins de 20 ans du processus, le vote ne concerne qu’à peine 40 % des Camerounais.

L’âge de 18 ans constitue ainsi un âge où l’on fait déjà des choix importants plus importants que le simple fait de voter un candidat à une élection. Pour lui, cette pratique est erronée, anti-démocratique et rétrograde.

Manœuvres politiciennes

Mongwat Amadou Ahidjo conclut que « Pour l’Udc, le maintien de l’âge électoral à 20 ans constitue une des nombreuses manœuvres du pouvoir en place pour contrôler l’électorat, du fait qu’il redoute les jeunes qui sont les plus nombreux et de plus en plus déçus par le pouvoir ».

Jean Bosco Talla, membre de la société civile partage cette inquiétude. Pour lui, sur le plan sociologique, les partisans du régime sont conscients que l'opposition est majoritaire. Cette majorité à ses yeux est essentiellement constituée de jeunes désœuvrés faute d'emploi et désabusés par des discours lénifiants, les mises en scène trompeuses et des replâtrages que l'on présente comme solutions à leurs problèmes. Par conséquent, « abaisser la majorité électorale à 18 ans, c'est accroitre le nombre d'électeurs jeunes mécontents, que l'on qualifie abusivement d'opposants, nombreux dans les grandes métropoles où ils sont de plus en plus politisés, c'est-à-dire éduqués politiquement et susceptibles d'éviter les pièges de la propagande et les enfumages. Abaisser la majorité politique à 18 ans, c'est prendre le risque de se voir un jour balayer du pouvoir, si le régime tente d'organiser les élections transparentes et libres et justes », a-t-il indiqué.

Un député Rdpc qui a requis l’anonymat déclare pour sa part qu’il serait préférable, dans les circonstances actuelles, de nous attaquer à la question fort importante de savoir pourquoi les jeunes n’ont pas envie de participer au processus politique. D’après ce dernier, l’octroi du droit de vote aux jeunes de 18 ans est certes un sujet qu’il convient d’examiner, mais il ne saurait constituer l’élément central de toute stratégie visant à accroître la participation des jeunes.

Il pense que chaque pays a ses lois et qu’il faudrait tenir compte de la maturité des citoyens. Selon ce dernier, nul ne peut nier qu’il serait irresponsable et dommageable d’ouvrir la voie à une approche ponctuelle. « Nous vivons dans une société où la route menant à la maturité est parsemée d’étapes », a-t-il ajouté.

L’analyste politique et historien Ahmadou Sehou souligne pour sa part que c’est avant tout une volonté politique. « Le régime estime qu’il n’est pas bien vu par la jeunesse, qui semble majoritairement acquise à l’opposition.

Cette question d’abaissement de l’âge électoral a fait débat depuis le retour au multipartisme. Le régime voulait 21 ans et l’opposition, 18 ans.

A la Tripartite de 1991, il a été décidé 20 ans. Pour le régime, la jeunesse étant majoritaire, il y a risque de renversement au cas où elle s’engageait massivement en politique et surtout du côté du changement. Donc pour les apparatchiks, il fallait limiter sa participation au jeu électoral par l’âge et la désintéresser de la chose politique par tous les moyens.

Echec de la Tripartite de 1991

C’est ce qui est manifestement encore à l’œuvre jusqu’à présent », a-t-il insisté. Un plaidoyer «vote 18 » présenté aux députés le mardi 15 mars 2016 par l’organisme NewsSeta est resté lettre morte jusqu’à ce jour. Prudence Issoy Noutcha, la coordonnatrice des programmes du Réseau pour la solidarité, l’autonomisation et la transformation pour tous affirmait que la réduction de l’âge de vote favorisera une plus grande implication des jeunes en politique : «La stabilité politique d’un pays est déterminée par le nombre d’électeurs. Si 60% de la population camerounaise est jeune et qu’une bonne partie de celle-ci ne prend pas part aux élections, cela handicape véritablement le pays (…) Les jeunes ne sont pas engagés.

Après un sondage réalisé en 2015, nous nous sommes rendu compte que la cause de ce désengagement est l’augmentation de l’âge de vote», ajoutait-elle. C’était à la faveur d’une initiative facilitée par le Réseau parlementaire Espérance jeunesse (Reje) de l’honorable Gaston Komba.

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