Cameroun: A MON « AINE » FRANCOIS-MARC MODZOM,  AU SUJET DES " ILLUMINES " ANGLOPHONES
CAMEROUN :: POINT DE VUE

Cameroun: A Mon « Aine » Francois-Marc Modzom, Au Sujet Des " Illumines " Anglophones :: Cameroon

Qui vous donne le droit d'être aussi arrogant, méprisant et définitif sur vos compatriotes ? Le feu roulant causé par la teigne de Laurent Esso, Atanga Nji et les autres n'a t-il pas fait tant de dégats comme cela pour que vous en rajoutiez ? Jouer au pyromane, au lendemain de moments aussi graves, alors même qu'il faut dessiner les lignes du Dialogue National, n'honore pas des talents comme le vôtre. Les leçons des années 90 ne vous ont visiblement pas édifié. Sinon, pour votre gouverne, le Canada où vous avez étudié est un Etat fédéral et pourtant...uni et indivisible.

Et surtout très prospère !
Pour être plus concret, je viens de lire le transcript de votre chronique, lue sur les antennes de la Crtv radio, dont je cite quelques extraits :

« La République est une valeur sacrée, et il n’appartient pas à quelques illuminés malfaisants de se prononcer au nom de leur valeur narcissique sur son opportunité et sa pertinence. La République est une et indivisible. Un point, c’est tout. Aucune négociation ne peut se faire contre ou au-delà de cette vérité première. Nos régions anglophones vivront au sein de la République. C’est leur plein droit. Elles y vivront et y épanouiront comme les huit autres. Nous partagerons les fruits de la croissance, ainsi les rigueurs des temps difficiles de la construction nationale. L’unité du Cameroun n’est pas à vendre aux enchères ».

C'est une belle pièce de l'art de cour ; cette belle procession si bien rythmée depuis les années 90, où quelques voix du service public des médias ont enrichi le vocabulaire politique d'expressions nouvelles : " une certaine presse pour qualifier le Messager, la Nouvelle Expression, Challenge Hebdo ; les vandales pour caricaturer Mboua Massok, les aventuriers pour brocarder Fru Ndi, Ndam Njoya, Jean-Jacques Ekindi et tous les challengers du président bien-aimé..." Vous en avez le talent - indiscutable. Pour trousser un tel éventail destiné au Roi silencieux, il faut plus que la bosse du journalisme : le bel esprit des hagiographes. A l'époque où fonctionnaient à merveille les boites postales, les coursiers du président, n'auraient pas eu besoin d'aller à la Poste centrale. Fissa, ils avaient juste à faire halte à la Maison de la Radio pour retirer l'ode du scribe en mains propres.

Je vous fais droit des références à la République, à l'Unité, au partage des fruits de la croissance comme de la rigueur des temps difficiles. Ces vaches sacrées, même les Hindous ne les bouderaient guère. Bon sens oblige, il ne peut se trouver aucun Camerounais doté de raison, passionné par son pays et soucieux de sa citoyenneté pour ne pas épouser ce crédo.

Mais, une fois qu'on a partagé ce verre de la confraternité, allons au fond des choses, puisque nous n'avons pas le privilège du silence comme le chef de l'Etat, sujet auquel vous avez consacré une thèse :
- Sur la République sacrée, vous êtes-vous posé la question de savoir quelles sont les conséquences de la décision unilatérale prise par le président de changer par décret..., en 1984, la dénomination de République Unie du Cameroun, résultat d'un consensus et fruit de l'histoire (les Accords de Foumban, la Constitution fédérale de 1961 et l'esprit de celle de 1972) en République du Cameroun ?
Cher « aîné », je vous sais féru d'histoire. Alors, prenez le temps de le vérifier. C'est dès le lendemain de la signature de ce décret que Gorji Dika et quelques autres compatriotes des provinces anglophones d'alors, ont créé l'Ambazonie, en référence au protectorat allemand de l'Ambass Bay. C'est suite à la condamnation de cette décision que le South Cameroon National Council a pris de l'ampleur. Car, dans leur entendement, cette formulation désignait l'assimilation, la violation d'un pacte, une entorse à l'histoire. Si nos compatriotes appartenaient sans distinction à l'entité dite Kamerun, sous protectorat allemand, qui couvrait plus de 700.000 km2, ils n'ont en revanche pas fait partie de l'entité dite Cameroun, attribuée à la France après le partage de 1919, suite à la conquête du territoire par la coalition anglo-française au détriment des Allemands. Ils sont d'un autre bois et en ont épaissi une culture, un habitus et une identité. Les commentaires, opinions et nos idéologies respectives sont libres, comme celle que je partage, en militant panafricaniste, sur le nécessaire dépassement des héritages coloniaux. Mais, ne le perdons plus de vue, les faits sont tout aussi sacrés que la République. Les voiler ou les ignorer, c'est creuser encore plus le fossé béant qui nous éloigne tous les jours, les uns des autres.

- Sur le partage des fruits de la croissance, pourrait-on penser que jusqu'ici l'exploitation pétrolière, de l'extraction au raffinage, n'ait guère profité à ces régions, que les enfants de ces localités soient les parents pauvres des recrutements à la Société nationale de Raffinage, que les infrastructures soient celles du temps de la fondation de la ville de Victoria, devenue Limbé ? La crise anglophone a jeté une lumière crue sur le retard de développement, la précarité des routes et la situation générale de ces régions, éclairant notre aveuglement sur le développement dans notre pays.

- Sur l'Unité, comment penser Un, sinon dans des incantations d'Eglise ou des psalmodies de mosquée, quand on bastonne, viole, jette en prison, torture et met à l'index étudiants, des enseignants et des avocats qui portent des revendications légitimes. Quand on finit par dissoudre un Consortium pacifique qui pouvait servir de tampon et éviter le printemps sécessionniste. Penser Un quand tout est français et en français dans notre République, la culture jacobine, source du centralisme, du césarisme et de la toute-puissance du chef de l'Etat dans notre système.

Relisez, vous qui savez compulser et synthétiser des documents, les conclusions des deux All Anglophone Conference de 1993 et 1995, où avaient été présents des personnalités comme John Ngu Foncha, Simon Achidi Achu, Inoni Ephraim, Chief Endeley, Chief Mukete et bien d'autres. Ils vous édifieront sur les raisins de la colère actuelle, de l'ire foudoyante de la jeunesse et de la radicalisation actuelle des factions secessionnistes qui contrairement à ce que claironnent les intellectuels organiques, envoyés du président et autres pontes, ne sont plus minoritaires. Les 6 morts de Bamenda, dans le fil de cette époque, en 1990, n'étaient que les prémices de cette aspiration forte à la liberté, à la fin de la marginalisation et à l'autonomie.

Avez-vous songé aux conséquences du démantèlement ou de la fermeture des entreprises, organismes et structures, relatés par des figures comme Carlson Ayangwé hier et Wilfried Tassing aujourd'hui, dont la liste est aussi longue que les villages de ces régions, dans le processus d'unification ? Relisez, de grâce, ces textes en anglais, dont certains circulent abondamment sur les réseaux sociaux.
- Sur le plein droit, songez un seul instant à l'humiliation d'une personne qu'un gouverneur de région, qui devrait d'ailleurs être élu comme le prévoit la Constitution, traite de chien. A l'état d'esprit de ceux que des jeunes journalistes dopés à la « tribaline » qualifient de rats à jeter à la fosse aux lions. Ces " Bamenda " que nous méprisons tant. Ne pensez-vous pas qu’ils puissent songer au droit à la rébellion prévue par la Déclaration universelle des Droits de l'Homme ? Dans la plupart des États démocratiques, faut-il le rappeler, les manifestations sont considérées comme une modalité particulière de la liberté d'expression, notamment garantie par l'article 19 de la Déclaration universelle des droits de l'homme de l'ONU.

Alors, cher aîné, il est temps de revoir vos logiciels. De les changer complètement. Ne suivez pas la meute. Ces chefs-loups qui nous enfument avec des notions éculées pour mieux détourner et s'accrocher à leurs titulatures, transformant des jeunes esprits en porte-flingues et boucliers rageurs mais fragiles. Ne soyez pas plus royaliste que le roi. L'on peut se dresser comme vous et moi, inlassablement contre la sécession, mais il sera très difficile d'envisager une solution, en l'état actuel de la situation, sans toutes les composantes de la planète anglophone dans notre pays et au sein de sa diaspora. Et croyez moi, le président le sait très bien. A moins de sombrer dans cette tour d'ivoire, très trompeuse.

Tenons-le pour dit : ni l'opprobre, ni les campagnes de dénigrement sur " les illuminés malfaisants et narcissiques ", ni les Unes de presse sur les présumés détournements à la Sonel de Sisiku Ayuk Tabe, leader du camp séparatiste ne pourront décourager le mouvement en cours. Avant, nous avions la montre comme celle de ce leader et Paul Biya avait le temps. Mais, les choses et...le temps ne sont plus les mêmes, à mesure qu'on s'approche de la fin.

A problème global, solution globale. Le patient Cameroun doit être examiné et diagnostiqué en profondeur. Et cette crise, si nous en prenons toute la mesure, est une opportunité pour sortir de nos vieilles lunes, repenser notre contrat social, interroger les notions galvaudées d'Unité et d'Indivisibilité, oser discuter du fédéralisme, de la forme de l'Etat, bref changer. Il y'a un moment où le pâtissier commence à perdre la recette du gâteau, mal partagé, mal dosé, avec pour seule levure, le pouvoir personnel. Et cela, on ne peut plus l'observer en silence. Même présidentiel...

Lire aussi dans la rubrique POINT DE VUE

Les + récents

partenaire

canal de vie

Vidéo de la semaine

évènement

Vidéo


L'actualité en vidéo