37 ans du renouveau : l’évolution des libertés, de la démocratie et des droits de l’homme
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CAMEROUN :: 37 ans du renouveau : l’évolution des libertés, de la démocratie et des droits de l’homme :: CAMEROON

Alice Nkom, avocate : « Le renouveau est un cancer ! »
Ma position est connue ! La régression de tous ces concepts, de toutes ces valeurs démocratiques est dramatique. Ils ont été mis sous le boisseau par le président de la République, pour qu’il soit le seul maître. Et pas un simple maître, mais dieu, et nous en sommes là ! Il a le pouvoir absolu, c’est lui qui distribue les libertés à qui il veut et comme il veut à travers le dispositif qu’il a mis en place. Vous savez, quand vous avez construit quelque chose pendant 37 ans, c’est que vous avez marqué pendant longtemps un être humain ; cela laisse des séquelles. En 37 ans, ce président a durablement marqué le mental et l’avenir du Camerounais. Il y a des gens à qui M. Paul Biya fait croire qu’il est le meilleur.

D’ailleurs, c’est ce que relaient ses ministres d’Etat. Est-ce que vous vous rendez compte du fait qu’un ministre d’Etat chargé de l’Enseignement supérieur apprenne aux enfants à l’université que nous sommes les créatures du président. Il n’y a jamais eu de démocratie ou de liberté au Cameroun. Le renouveau est un cancer, et aujourd’hui, il a fait des métastases. A présent, nous sommes en phase terminale. Même le sultan Ibrahim Mbombo Njoya, roi des Bamoun, l’a démontré à travers son discours. Son diagnostic est impitoyable et juste. Il est temps que nous saisissions l’ordonnance qu’a faite le sultan et qu’on commence à travailler pour retrouver l’alternance, les mandats réduits, démolir les présidences à vie, abattre la dictature et remettre le pouvoir au peuple. Il nous faut retrouver une nation.

Emmanuel Ntonga, régional Sdf Centre : « On vit dans une dictature »
En matière d’évaluation, il n’y a pas grand-chose à faire. On vit complètement dans une dictature. Tout est interdit. Les manifestations sont interdites. Les prises de paroles peuvent vous emmener en prison. Les élections sont truquées. La base électorale qu’est Elecam est entre les mains du régime. Je ne sais pas si on peut parler de démocratie. C’est juste une dictature qui veut rester en place. On incarcère les leaders politiques ; on les juge dans les Tribunaux militaires. Aucun meeting n’est autorisé hormis ceux du parti au pouvoir. On vit dans une dictature. Le Sdf va continuer sa lutte comme on l’a toujours fait. On a quand même réussi à obtenir une révision du code électoral à 15%. Tout ce que nous souhaitons, c’est de continuer cette lutte jusqu’à ce qu’on ait un code électoral consensuel ; qu’on ait des élections présidentielles à deux tours ; qu’on ait une structure indépendante du régime qui puisse organiser les élections. Ça fait de nombreuses années que nous y travaillons. Rien ne nous arrêtera. Le régime de Paul Biya n’est pas éternel. Nous allons mener le peuple camerounais vers la vraie démocratie dans la paix, sans violence et dans la dignité.

Cyrille Rolande Bechon : “La démocratie est une vue de l’esprit”
Après 37ans du Renouveau, l'évolution des libertés, de la démocratie et des droits de l'homme reste assez mitigée. En effet, si les années 90 ont été marquées par des éclaircis et des changements que l'on pourrait qualifier de notables dans la consécration des droits fondamentaux, force est de constater qu'il existe des blocages réels quant à la jouissance et l'effectivité desdits droits. 37 ans après, la démocratie est une vue de l'esprit, les libertés sont embrigadées et les droits de l'homme sont le dernier des soucis du pouvoir en place. En ce qui concerne les libertés publiques, les restrictions de celles-ci sont devenues quasi systématiques. Nous avons commis un rapport sur les libertés publiques au Cameroun dans lequel nous avons dénombré près de 187 interdictions entre 2016 et 2018. Les réunions et manifestations publiques des organisations de la société civile et des partis politiques de l'opposition sont ainsi systématiquement interdites et réprimées avec la plus grande violence. Nouveaux Droits de l'homme Cameroun en a été victime plus de trois fois en un an. Le portail des camerounais de Belgique. En dehors de cette restriction ahurissante des libertés publiques, il n'existe pas 37 ans après, un consensus minimum sur les règles de dévolution du pouvoir ; pire encore le système électoral est la chasse gardée du pouvoir en place. En ce qui concerne les droits fondamentaux, le Cameroun du Renouveau a fait un bond en arrière.

Les arrestations et détentions arbitraires sont légion, la pratique de la torture a refait surface avec une ampleur effrayante, l'accès à la justice est un parcours du combattant, les violations des droits de l'homme dans la procédure pénale ne préoccupent plus. Ceci malgré les alertes et dénonciations des organisations comme NDH-Cameroun. D'ailleurs, le Cameroun vient d'être exclu de l'AGOA après la décision de réduction de l'aide militaire par les Américains cette même année à cause des allégations persistantes de violation des droits de l'homme. Les libertés, la démocratie et les droits de l'homme sont en fait les piliers de l'État de droit. 37ans après, nous sommes en mesure de dire que la construction de l'État de droit n'a pas encore commencé.

Christophe Mien Zok, membre du Comité central du Rdpc : “En 37 ans, il y a eu des avancées”
En 37 ans, il y a eu des avancées significatives ! Naturellement, à chaque contexte correspondent de nouveaux besoins. C’est sûr. On peut dire qu’il y a certes des insuffisances, que nous reconnaissons. Nous sommes prêts à les améliorer. C’est un mauvais procès, que je n’accepte pas. C’est malhonnête de dire que rien n’a été fait. Le respect des droits de l’homme n’est pas incompatible de la préservation de l’ordre public. Entendez ici par ordre public, le respect des lois dans tous les pays démocratiques, comme au Cameroun. Depuis 37 ans, le régime des droits de l’homme et des libertés a connu des avancées. Savez-vous que dans ce pays avant 1985 ou 1987, les femmes pour sortir du territoire national, avaient besoin de l’autorisation maritale quel que soit le motif. Je prends juste cet exemple pour répondre à tous ceux qui prétendent qu’il n’y a rien et s’accrochent sur les interpellations. Le respect de la loi est également un gage de respect des libertés. Ah oui ! Alors, je le redis, il y a des avancées ! L’un des piliers du renouveau c’est la liberté ; c’est la libéralisation. Et nous avons bien vu l’évolution du Cameroun dans ce domaine. Il y a un arsenal juridique, législatif pour mettre en place un nouveau cadre législatif-juridique afin de préserver les droits de l’homme et des citoyens Camerounais.

Et respecter ces droits de l’homme et des citoyens, n’est pas synonyme d’anarchie ou qu’on n’interpellera plus personne. Cela ne signifie pas que, chacun pourra violer la loi comme il veut. Non ! Il y a une erreur d’interprétation, c’est un mal entendu autour de ces notions. Si chacun respecte les libertés, il n'y a rien à craindre. Il est vrai que personnellement, je suis contre les interdictions des manifestations et des réunions des partis politiques. Il arrive aussi que nos réunions au Rdpc soient interdites. La semaine dernière à Ebolowa, notre meeting a été interdit. Cela ne nous fait pas plaisir. Mais les autorités administratives qui appliquent ces interdictions ont certainement des raisons et des bases juridiques et légales sur lesquelles elles s’appuient.

Sosthène Médard Lipot, membre du Mrc : “Une désillusion choquante”
Le long règne de Paul Biya est une désillusion choquante. En 1982, j'étais élève au lycée Général Leclerc de Yaoundé. Quasiment tous, jeunes adolescents, étions ravis. Son message de « rigueur et moralisation » avait fait mouche. Hélas, les quinquagénaires de ma génération déchantent aujourd'hui, dans leur écrasante majorité. C'est l'abîme. La rigueur s'est transformée en système de laxisme généralisé contre-productif au visage hideux. La moralisation est devenue prison, ostracisme des compétences, apologie éhontée du crime économique organisé et propagation de la haine tribale.

Que non ! Je suis devenu un acteur politique entre temps, du Mrc (Mouvement pour la Renaissance du Cameroun), auprès du Président Maurice Kamto, de Paul Marie Biloa Effa, de Christopher Ndong, de Hamadou Ahmadou Ben Bappa, de Mispa Awasum entre autres. Je demande au patriarche Paul Biya de solliciter une adhésion au Mrc. Il pourrait y redonner du lustre à son projet initial, en toute convivialité, dans le patriotisme, pour un grand Cameroun où Anglophones et Francophones, citoyens de toutes les communautés se sentiraient véritablement Camerounais, pour la construction d'une grande nation, quelle que soit la forme de l'État. Afin d'éviter la descente définitive aux enfers de « l'homme du Renouveau ». D'ailleurs, Paul Biya semble agir à contre-courant de ses hagiographes, courtisans et zélateurs invétérés.

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