Shanda Tonme " Omar El Béchir, Bouteflika, les coups d’Etat militaires sont-ils de retour ?"
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AFRIQUE :: Shanda Tonme " Omar El Béchir, Bouteflika, les coups d’Etat militaires sont-ils de retour ?" :: AFRICA

Après l’Algérie où le président Abdelaziz Bouteflika a été démissionné par l’armée, il aura fallu seulement quelques jours d’intervalles, pour que le président Oumar El Béchir du Soudan, soit à son tour déposé par son armée. On est tenté, à raison, de demander à qui le tour, tant la spirale des mutations violentes et anti-démocratiques, reste une plaie profonde que l’Afrique a du mal à guérir. Faut-il surtout conclure à un autre cycle, à une autre succession à la tête des Etats, de casquettes et de berrets étoilés qui sont forts pour suspendre les constitutions déjà lourdement contestées, et dicter au peuple sans façon ni scrupule ?

Professeur, la semaine dernière, nous vous avions déjà sollicité pour nous apporter votre éclairage sur la démission d’Abdelaziz Bouteflika. Nous sommes bien obligés de faire un retour vers vous, pour comprendre ce qui vient de se passer au Soudan, le renversement d’Omar El Béchir par son armée. Ce coup d’Etat vous a-t-il surpris ?

Objectivement, je ne souhaite pas vous voir revenir vers moi la semaine prochaine, parce que les coups d’Etat militaires ne sont jamais le signal d’une avancée automatiquement positive sur le plan des réformes, et jamais un mode souhaitable d’alternance au sommet du pouvoir politique dans un Etat effectivement organisé, structuré et moderne. Maintenant, si quelqu’un vous affirme qu’il s’attendait à un coup d’Etat à Khartoum, il faut bien aller plus profondément dans la quête de la vérité avec cette personne. Rien ne laissait réellement entrevoir cette éventualité, en tout cas pas aussi facilement et aussi rapidement.

Mais il y avait quand même les manifestations contre les augmentations des prix des denrées de première nécessité, et plus près l’Algérie a donné le ton après là aussi des manifestations ?

Ecoutez, nous ne sommes pas dans le même contexte ni dans la même formulation des causes de la contestation populaire. En Algérie, c’est la longévité au pouvoir, le sentiment de confiscation des rennes du pays par une oligarchie idéologique et doctrinale sur la base des acquis voire des prestiges de la lutte de libération nationale. Au Soudan, la contestation n’avait ni les mêmes bases, ni le même discours. Personne n’avait osé parler d’éradiquer le système en Algérie, avant que le clan Bouteflika ait annoncé la candidature pour un cinquième mandat. Or, dès que le slogan a fait mouche, les soudanais dont les objectifs étaient au départ minimaliste, sont devenus maximalistes, ils se sont dit, « merde, ils ont réussi, nous fonçons aussi, nous mettons l’accélérateur ».

En somme, on peut dire que les militaires soudanais ont imité leurs camarades d’arme algériens ?

Oui et non. D’abord oui parce qu’il ne faudrait surtout rien mélanger, sous peine de perdre le fil conducteur d’une analyse objective, et surtout de créer de fausses dynamiques là où rien de tel ne s’exprime avec acuité. Constatez avec moi, qu’en Algérie, les militaires ont fait jouer pleinement la constitution, même s’ils gardent le contrôle de l’ensemble du processus. On a invoqué l’incapacité du président à exercer ses fonctions, après on a régulièrement réuni les instances parlementaires pour placer le président du sénat qui a prêté officiellement et publiquement serment selon les règles, pour un intérim très court. Ensuite non, parce que de l’autre côté, nos amis soudanais ont fait un vrai coup d’Etat, avec le ministre de la défense qui prends la place, met le patron au frais, et annonce une transition de deux ans. La différence est très nette.

Qu’est-ce qui peut donc expliquer cette différence ?

Tenez, il y a le niveau de politisation, d’émancipation et d’éducation de la population. Il y a également des paramètres socio historiques et ensuite des interférences géopolitiques.

Pour être précis, quelles sont les interférences géopolitiques dont faites allusions ?

Je vous ai dis tantôt, que de façon technique, objectivement experte, il n’était pas aisé de déceler l’éventualité d’un coup d’Etat, au regard de nombres de paramètres autant stables que mobiles caractérisant l’évolution diplomatique, sécuritaire et géopolitique de ce pays durant les deux dernières années. D’abord décrié, vilipendé et pourchassé pour ne pas dire proscrit par les Occidentaux, lesquels ont construit sur son dos une inculpation de la Cour pénale internationale pour crime de guerre et crime de génocide, Omar El Béchir a su nager dans les eaux troubles, dribler les pièges, reprendre la main et bâtir de nouvelles alliances solides. La dernière conférence internationale pour un accord de paix en Centrafrique qui s’est tenue chez lui, en est une illustration fracassante. Il faut ajouter les liens solides avec les pays de l’axe anti-américain : Chine-Turquie-Russie-Iran. Il faut citer le standing gagnant au sein de l’Union Africaine à propos des ennuis avec la CPI.

Ecoutez, je vous développais dans notre entretien de la semaine dernière, la doctrine de la révolution de palais dans les alternances non démocratiques à la tête des Etats. Lorsqu’elle intervient, elle recouvre toujours deux caractéristiques importantes : la première c’est l’absence de sang, donc pas de tueries, pas de combats, très rares dommages collatéraux. A cela il faut ajouter la proximité ou l’appartenance au clan régnant de la tête de file. La deuxième particularité, c’est l’ampleur des connections internes, la minutie dans le déroulement, la célérité, la tranquillité et l’adhésion de la nomenklatura. C’est exactement ce qui s’est passé au Soudan.

Ce genre de Coup d’Etat est même plus fréquent dans la même famille, entre parents, entre frères, entre complices bien rodés. Il faut cependant faire exception du cas lâche, nauséabond et maudit de Compaoré contre Sankara qui mérite un traitement entièrement à part.

Peut-on donc parler de Coups d’Etat professionnels et de Coups d’Etat des brutes, en évoquant alors les révolutions de palais comme des actions propres ?

Jamais, jamais, et jamais. Il ne faudrait pas se plier, se laisser aller à de tels insinuations. Une rupture de l’ordre constitutionnel, quel que soit le contexte institutionnel, politique et idéologique, est toujours un grand malheur, une preuve d’un certain échec, d’un recul, d’une immaturité. Certes, j’entrevois les dogmes des révolutions populaires, dont la thèse centrale soutien toutes les actions de rupture, mais il faut se méfier des conséquences, lesquelles sont de loin porteuses d’inconnues dévastatrices.

Ce que je peux vous révéler, recourant ici à l’expérience que j’ai des recherches sur les alternances non démocratiques, c’est que les révolutions de palais sont à plus de 90% régentées par des réseaux d’influence dont les bases d’appui peuvent se situer à l’extérieur du pays. Le coup d’Etat du Soudan me semble correspondre largement, précisément, matériellement, académiquement, professionnellement et thématiquement à cette description, à cette présentation.

Mais c’est grave Prof, ce que vous venez de dire. Quels sont les éléments qui vous conduisent à cette conclusion ?

Je ne pense pas avoir dit quelque chose d’original ou de si grave, je traite certaines évidences à partir d’un semple jeu de cartes, les cartes étant ici quelques caractéristiques propres au pays, à sa classe dirigeante, au contexte, à ses liens diplomatiques, à son positionnement sous-régional. Premièrement, pour se prémunir et contenir les plans des Etats Unis et des ses alliés, le Soudan a comme je vous l’ai signalé, crée de nouveaux couloirs diplomatiques et intégrer de nouvelles alliances. Ce faisant, El Béchir a mis en péril l’équilibre géopolitique d’une aire d’action qui va des bords du Nil jusqu’aux confins du Lac Tchad. Russes et Chinois ont fait irruption et ont pris pied là où les Occidentaux ne souhaitaient pas, poussant les ambitions jusqu’en Centrafrique. D’ailleurs, l’accord de paix de Khartoum a sonné l’alerte et décidé les Occidentaux à agir sans plus tarder.

Cela veut-il dire que le président a été miné de l’intérieur, ou que des ennemis étaient prépositionnés, ou enfin que les commanditaires externes, ont vite fait de trouver des relais dans l’armée ?

Il faut garder présent à l’esprit que dans l’armée plus qu’ailleurs, les fraternités d’arme constituent des pactes presque inaltérables. Nos officiers qui vont tous les jours par-ci et par-là dans des écoles et centres de formation dans des pays étrangers, deviennent des courroies privilégiées pour la transmission et la validation des influences. Or, à bien considérer l’institution militaire, elle demeure tributaire dans la plupart des pays du sud, des expertises et apports en perfectionnisme, des académies militaires étrangères. Une des raisons réside dans la dépendance envers leurs industries d’armement. Il est clair que lorsque vous achetez des systèmes d’armes, le besoin de formation et d’initiation à leur maniement s’impose.

Dans le cas précis du Soudan, d’où vient la démonstration, la relation ?

J’espère que vous avez la bonne information, en tout cas le minimum que déverse les médias internationaux sur ce coup d’Etat. En effet son auteur, officier supérieur de 62 ans et ministre de la défense, peut être qualifié d’Egyptien, pour avoir été formé dans ce pays et pour y avoir été ensuite en poste comme ambassadeur. C’est beaucoup et c’est suffisant pour que l’on cherche de ce côté-là. Or dans la configuration géopolitique et géostratégique à la fois globale et sous régionale, l’Egypte est après l’Etat d’Israël, le deuxième bénéficiaire de l’aide militaire américaine dans le monde, entre quatre et six milliards de dollars annuellement, sans compter l’aide civil. L’Egypte est aussi, le bras séculier le plus sûr dans le monde arabe, en ce qui concerne la traduction et la stabilisation de l’influence américaine. Il s’agit d’un vrai pôle d’expression de la diplomatie américaine depuis les Accords de paix de Camp David qui en 1979, mirent fin à l’état de guerre avec Israël. Dire que les Etats Unis contrôlent l’armée égyptienne qui contrôle l’armée soudanaise n’est donc pas une fausse assertion. Dire que le Ministre de la défense qui a fait le coup d’Etat reçois des ordres du Caire qui en reçois de Washington, n’est pas une simple hypothèse d’expert trop pointu.

A votre avis, quel peut être le gain ?

Ecoutez, il y a une nouvelle configuration géopolitique qui a pris corps depuis la dynamique enclenchée par le nouveau premier ministre éthiopien, avec à la clé, la sortie de l’isolement de l’Erythrée, la reconstruction d’un axe avec la Somalie et Djibouti pour bloquer l’influence grandissante de la Chine qui prends des formes de lianes dévoreuses et envahissantes. Tous les services spéciaux occidentaux ont certainement joué en harmonie dans cette affaire. Paris ne supporte pas l’arrivée de la Russie dans cette région pour ce qui est de son prolongement vers la Centrafrique. Pour une fois, on assiste presqu’à un manque d’élégance protocolaire dans l’expression de ce mécontentement. On a en effet entendu les ministres de la défense et des affaires étrangères de Macron se plaindre de la présence des Russes à Bangui, comme si un bandit était entré dans leur maison familiale ou dans leur champ de manioc. Notez encore que Paris a dû utiliser son aviation récemment pour stopper une colonne de plus de deux cents pick up lourdement armées des rebelles tchadiens qui descendaient sur Ndjamena. Le Soudan est pointé du doigt comme ayant abrité bases de départ des rebelles. C’est trop de frayeurs à la fois.

En fait, les transformations du système, ou encore une transition effective vers un régime démocratique au Soudan, sont encore loin ?

En tout cas, n’attendez pas dans l’agenda des nouveaux maîtres de Khartoum. Le coup d’Etat n’a pas été mené pour le peuple soudanais, mais pour satisfaire des attentes, des planifications, des peurs et des soucis géostratégiques de certaines puissances extérieures. Pour le pain, le lait, la santé et l’éducation dans un pays démocratique, le peuple devra attendre et je crains que ce soit encore pour longtemps. C’est la désillusion totale.

Selon vous, quel rôle a pu jouer le mandat international émis par la CPI dans la survenance du coup d’Etat ?

En réalité une boule de feu supplémentaire ou alors un bâton, mais sans être une épée de Damoclès décisive comme on veut laisser croire, implicitement bien sûr. Je vous conseille de prendre une carte de l’Afrique et regardez bien ce que représente le Soudan en termes de superficie, c’est immense. Même amputé de ce qui est dorénavant le Sud-Soudan, ça reste un des plus vastes pays du continent, mais hélas un des plus mal loti aussi, des plus arriérés et des plus pauvres, avec une population à plus de 70% analphabète. La misère et la mort font partie intégrante de des traits descriptifs les plus connus de ce vaste territoire.

Si voulez bien, revenons à l’interrogation lancinante qui nous tenaille, c’est-à-dire l’expansion de ces coups d’Etat que vous dites détester, avec une certaine passion. Doit-on craindre un retour des militaires au pouvoir en Afrique comme une fatalité ?

Toutes les analyses bien faites et des projections sincères examinées à la loupe, je ne crois pas du tout. D’ailleurs, je suis plutôt convaincu que les quelques pays qui sont encore tenus par des hommes galonnés en treillis, vont céder la place aux civils. Je veux citer le Congo de Sassou, la Guinée d’Obiang, l’Ouganda de Musseveni et le Tchad de Déby. Certes, nous sommes à la croisée des chemins s’agissant du cycle des mutations politiques qui s’opèrent toutes les trois décennies. Je veux dire que même à préfigurer une évolution civile certaine, il est difficile de planter de façon automatique, un décor de changements vers la démocratie, l’expression libre des suffrages populaires et la bonne gouvernance.

Quand vous parlez des cycles, qu’est ce que cela veut dire ?

Ecoutez, pour les mutations internes, l’expérience montre une modification des doctrines et des idéologies de pouvoir au sommet tous les trente ans, particulièrement dans les grands pays qui indiquent, influencent, imposent et génèrent, non pas les types de systèmes, mais plutôt les t les types de régimes de gouvernance. Notez bien, sous peine de sacrifier quelques notions cardinales de science politique, qu’il faut pouvoir faire la différence entre système et régime, pour comprendre. Ainsi donc, tous les trente ans, à l’intérieur d’un même système qui ne change pas, on peut voir émerger un régime différent du régime précédent. C’est d’ailleurs ce qui amène à parler de spoil sytem aux Etats Unis. Les systèmes sont pratiquement immuables dès lors que le cadrage constitutionnel est établi, mais les régimes sont flexibles, mobiles, évolutifs et dépendent des personnes plus que des dogmes et des idéologies. La distance qu’il y a entre l’administration Clinton et l’administration Trump est effectivement de trente ans. Vous voyez comment ces deux mecs ont crée un mouvement tantôt favorable et tantôt contrasté et controversé dans le monde en général, mais sans en réalité rien changer sur les fondamentaux dominateurs, conquérants et messianiques de la grande Amérique.

Quelles conséquences faudrait-il attendre au sein de l’Union Africaine ?

Mais pratiquement aucune, sinon le renforcement de l’aile des autocrates impénétrables aux exigences de véritables réformes et de démocratie. L’époque du rêve des régimes militaires qui bouleversent l’échiquier idéologique et doctrinal à l’exemple de la bande de Thomas Sankara est révolue. La tricennale qu’ont inauguré Trump et Macron, va revivifier les pouvoirs forts, anti populaires et vexatoires. Il faut se méfier terriblement des effets de masse qui applaudissent des discours rédempteurs de circonstance déversés par une élite plus revancharde, que réellement révolutionnaire dans le fond de la pense et de la stratégie. La base de l’action est nationaliste et populaire, mais la matérialité des opérationnalisations est autocratique et dictatoriale. Très objectivement, les mutations observées jusqu’ici depuis l’avènement de Trump et de Macron ne sont pas très favorables aux peuples, elles sont même dangereuses à la fois pour les fragiles équilibres internes de certains Etats influençables, et catastrophiques pour la coopération et la coexistence entre les Etat-nations. C’est pour cette raison que je m’évertue à vous situer le cadre géostratégique dans lequel cette révolution de palais intervient.

Dans la stratégie globale, c’est donc quelles implications ?

Voyons, Poutine a fini de démoraliser les Occidentaux en Europe, en Asie et au Proche Orient. Le maître du Kremlin a réussi à stabiliser la vie politique interne de son pays, amoindri ses soucis avec ses opposants presque tous mis au pas ou banalisé, refait une partie de son retard militaire, notamment en termes de modernisation de ses arsenaux nucléaires et maritimes. Il se sent suffisamment préparé pour reprendre pied diplomatiquement un peu partout où il ne se faisait plus ni voir ni entendre respectablement. L’Afrique est sur sa feuille de route et en très bonne place, d’où d’ailleurs le tout premier sommet Russie-Afrique qui se tiendra prochainement en territoire Russe. Le coup d’Etat au Soudan, permet aux Occidentaux de lancer une contre-attaque prometteuse avec un effet de coup de semonce, un pare-feu. C’est comme si o avait choisi de commencer une navigation du haut en bas de l’Afrique par le toit, par le Nil justement. Voilà l’option, et voici la quintessence prospective.

Est-ce à dire que le nouveau patron de Khartoum, tout militaire qu’il est, va peser dans l’Union Africaine ?

Ah, que non, pas ainsi. Même au plus fort de son charismatique président que fut Gafar El Nimery, un autre militaire, le Soudan en tant qu’Etat membre n’a pas réellement tenu un rôle de premier plan sur l’échiquier diplomatique continental. Cependant en lui assignant un rôle dans la stratégie pour contenir l’islamisme comme ce sera sûrement le cas, le chef de la junte pourrait profiter d’une relative visibilité. Mais il faudra déjà supporter la prétendue -c’est du folklore - suspension des instances de l’organisation pour cause de prise de pouvoir par la force, ce que prévoient les textes. Nous savons tous que c’est une pure blague et que cette petite confusion passe vite, la preuve en est l’Egypte. Al Sissi est aujourd’hui adulé et courtisé. Ces deux soldats formeront le tandem des boucliers contre l’expansion de l’islamisme, dont les activistes demeurent à l’affût, n’ont jamais abandonné leur ambition de prendre le pouvoir, et surfent sur la misère grandissante d’une part, et dorénavant l’annexion de Jérusalem et du Golan par Israël avec le soutien ouvert de Donald Trump d’autre part.

De prime abord, quels sont les soutiens potentiels du nouveau régime sur le continent, en dehors de l’Egypte que vous mettez en exergue ?

La question de soutien de tel ou de tel Etat ne se pose plus aujourd’hui dans les rapports mondiaux, c’est une vue de l’esprit dépassée par la réalité des connexités des intérêts, les nécessités de conciliation des ambitions géopolitiques et stratégico-économiques, et les exigences des alliances de fait ou encore de raison. Les maîtres du monde qui régentent les principales alliances ne sont pas très nombreux, et les petits Etats fragiles, surendettés, pauvres et chancelant se voient intégrés et imposés dans les jeux selon les enjeux. Nous parlons d’un Etat qui est également membre de la ligue arabe, qui est vaste, qui étale les cordons de ses liens frontaliers à la fois dans la zone du nord, la zone de l’Est et les plaines sèches du sud. Sa population est un mélange de négro-africains et d’arabo-berbères. Les atouts du Soudan sont donc trop nombreux et lui offrent une marge de manœuvre considérable qui constituent autant de repères d’ancrage, d’appel, et de solidarité presque acquise.

Faut-il avoir peur des militaires ?

Votre question est trop vague. Qu’est-ce que cela veut dire avoir peur des militaires ? Ce sont des citoyens comme tous les autres, nantis de droits et de devoirs, des responsables de famille, des parents, des éducateurs et des mortels tout court. Si vous voulez vous référer à leurs rapports au politique ou à la diplomatie, je dirai tout simplement que partout dans le monde, y compris dans les grands pays démocratiques, les militaires ont historiquement et admirablement géré le pouvoir. Dans certains cas, ces hommes en treillis ont constitué une chance pour le façonnement du destin des peuples.

Pouvez-vous citer des exemples ?

Je ne veux pour exemple que le Général Eisenhower aux Etats Unis, le Maréchal Staline en URSS, le Général De Gaulle en France, le Général Murtala Mohammed au Nigéria et nombreux autres encore à l’instar des généraux israéliens. Je crois que ce qui est important c’est de veiller à contenir et à apprécier leur apport en termes de concordance avec les aspirations populaires, les intérêts nationaux et les ambitions effectives de développement. S’ils accèdent au pouvoir démocratiquement par des élections transparentes et régulières, il n’y a vraiment rien redire ou à suspecter. Mais pour le principe, il va sans dire que leur place est dans les casernes et non dans le champ politique où leur immixtion brutale peut contrarier la sérénité et la régularité des mécanismes constitutionnels. Il y a toujours un risque de faire émerger de dangereux aventuriers sans substance académique ni préparation professionnelle appropriée, ce qui est la caractéristique voire la maladie des pays presque ensauvagés. On se souvient d’un certain Sergent Doe au Libéria ou encore Moussa Dadis Camara en Guinée Conakry. Un militaire revenu à la vie civile qui s’engage en politique est tout simplement comme n’importe quel autre citoyen quand il aspire à assumer des responsabilités partisanes avec un destin national.

Que retenir de tout cela ?

Les transitions violentes ne sont pas à encourager, autant que les ruptures brutales, même porteuses de mille espérances et promesses. La priorité doit être donnée au jeu politique constitutionnel transparent, mettant en œuvre une compétition entre des acteurs civils sages et intelligents. C’est encore plus souhaitable pour des sociétés fragilisées par des décennies de tâtonnements, d’embrouilles et de mauvaises gouvernances où l’accumulation des haines et des désirs de vengeance, forment des poudrières menaçantes. Une bonne partie des pays Africains sont dans cette figure. Chaque fois que l’on peut avoir la chance de vivre une alternance civile, apaisée et pacifique au sommet, même imparfaite, il faut pousser un ouf de soulagement et avancer avant d’essayer de trouver des correctifs. Je crois que c’est ce raisonnement qui a marqué le jugement des instances diplomatiques sur la RDC. Il est clair que c’est Martin Fayulu qui a gagné, mais on s’est satisfait de Titsékédi par une alchimie de pragmatisme géopolitique puisé dans les pires interprétations du machiavélisme. L’essentiel, disons-nous, ce n’est pas forcement d’avancer d’un grand pas, c’est d’avancer effectivement, même d’un tout petit pas./.

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