Hilaire Kamga : “Un débat national sur le découpage électoral”
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Mandataire de l'offre Orange et expert des questions électorales, il montre que le découpage électoral actuel est de nature à favoriser la domination du parti dominant.

Quelle appréciation faites-vous du découpage électoral au Cameroun ?
L’appréciation que je fais du découpage électoral actuel n’est pas loin de ce que je fais du système électoral camerounais de manière globale. Il est un système électoral dont les termes de référence donnés aux experts pour sa conception étaient de concevoir un système juridique qui permettrait avec les institutions y afférentes de pérenniser le parti dominant ad vitam aeternam. Alors, le découpage électoral actuel malheureusement est là pour favoriser le parti au pouvoir. Il ne répond à aucune norme ; loin d’un système qui devait être l’émanation du peuple. L'info claire et nette. De ce point de vue, on peut dire sur le plan scientifique qu’on a un système qui légitime en quelque sorte le système mis en place par le gouverneur de Massachussetts à l’époque pour essayer de favoriser la domination du parti démocrate dans son Etat. C’est un découpage pas crédible du tout et qui n’assure pas une représentation qui s’illustre par une légitimation réelle des élus.

Quelle est l'ampleur du problème ?
L’ensemble du découpage renvoie à des curiosités mais il faut distinguer deux choses. Le découpage des circonscriptions électorales pour ce qui est des élections locales est différent du découpage pour ce qui est des élections nationales. Et quand j'entends élections nationales, j’entends les élections présidentielles où il y a une seule circonscription électorale et j’entends les élections législatives et sénatoriales où il y a des circonscriptions électorales découpées de manière particulière. Pour ce qui est des élections locales et des élections municipales. Si on peut accorder du crédit aux mécanismes de découpage qui est rigidement encadré par la loi pour ce qui est des élections locales où la représentation en termes de conseillers municipaux est proportionnelle à la taille démographique de la population, si on peut accepter cela comme quelque chose de crédible qui permettrait donc que le nombre de conseillers, que l’exécutif communal soit le reflet de la représentation de la population, cela est totalement différent pour les élections législatives. On a organisé par la loi un découpage administratif qui tient compte des désidératas politiques mieux du rapport de force de ceux qui sont au pouvoir. Si le découpage des élections municipales obéissait à la même logique que celle des élections législatives, on dirait que ce découpage est crédible mais il n’en est rien.

Pour être concret, avez-vous des exemples de curiosités ?
On ne comprend pas par exemple qu’un département comme le Mfoundi peut avoir à lui tout seul sept députés alors que d’autres départements dont la population est similaire n’ait pas le même nombre de députés. On ne comprendrait pas pourquoi il y a une seule circonscription par exemple dans le Mfoundi alors que dans le Wouri par exemple, nous avons deux circonscriptions électorales. Une autre curiosité, c’est que dans le département de Ngoketunjia, on a créé deux circonscriptions justement pour favoriser l’élection d’un leader venant du parti au pouvoir. Pour les premières élections de 1992, on s’est rendu compte que cette circonscription a été entièrement raflée par l’opposition. Dans le découpage électoral, il y a une disposition, une dynamique qui permet aux représentants du parti au pouvoir d’être à l’Assemblée nationale. Par exemple, la Lékié par le nombre de députés qu’on lui accorde est une curiosité extraordinaire par rapport à d’autres départements qui sont beaucoup plus fournis relativement à la taille de la population. Prenez par exemple un département comme le Noun, ou la Mezam, vous verrez que le rapport avec la Lékié ne renvoie à rien qui soit crédiblement démontrable.

Pourquoi l’Etat actuel hésite-t-il à intégrer le principe de la distribution géographique ?
Il faudrait noter que le découpage électoral en science électorale renvoie effectivement à une composante du système électoral. Et tout système électoral a pour objectif non seulement d’encadrer la production de la représentation politique mais aussi et surtout de structurer la positivation du rapport de force de manière à permettre à ceux qui en sont élus de pouvoir gouverner de manière sereine. Le découpage fait donc partie du système électoral. Dans le type de système dans lequel nous nous retrouvons, il n’est pas possible d’envisager un découpage électoral qui soit de nature à favoriser une perte de position au pouvoir du parti dominant. Pour ce qui est du pouvoir central, il y a un risque que par le biais de l’élection parlementaire, le rapport de force bouscule la hiérarchie ou stabilité du pouvoir exécutif.

Que proposez-vous pour améliorer ce découpage électoral ?
En tant qu’expert électoral, je propose que le système électoral de manière générale soit changé. Aujourd’hui, notre système électoral est encadré par un code électoral qui est une insulte pour l’ensemble des juristes ou des experts du code électoral, il faut le changer. Il faut instaurer une dynamique et un processus consensuel au code électoral qui doit être l’émanation de ceux qui doivent transférer le pouvoir parce que l’élection, c’est un transfert de pouvoir d’un individu ou groupe d’individus. Ils doivent être au cœur du processus de construction du cadre légal. M. Biya doit ouvrir un débat national sur le code électoral et in fine on aura un débat sur la dynamique de découpage électoral. Sur ce point de vue, il n’y a pas d’autres suggestions magiques. Le système électoral est un élément dans le code électoral et il ne peut être crédible que s’il est consensuel. J’attends la convocation d’un groupe d’experts pluridisciplinaire pour concevoir un nouveau code électoral.

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