Assainissement de la ville de Douala : pour quelle pérennité ?
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La Communauté urbaine de Douala se réveille aujourd’hui pour vouloir mettre de l’ordre dans le secteur urbain. Mais l’opération qui de toute évidence n’intègre pas toutes les données de terrains, semble vouée à l’échec, dans un contexte où la discipline est plus que jamais nécessaire.

Dans un communiqué signé le 3 août 2018, et rendu public le 15, le Délégué du gouvernement auprès de la Communauté urbaine de Douala Fritz Ntone Ntone, annonce que des sanctions seront dorénavant appliquées à tout contrevenant aux mesures prescrites par la règlementation en vigueur, pour ce qui est des opérateurs du transport urbain dans la ville de Douala. Ce dans le but d’assainir l’environnement des transports, de fluidifier la circulation en prélude aux prochains évènements qu’abriteront la ville de Douala. Enfin! Est-on tenté de le dire, une action qui pourrait permettre à la ville de gagner des points dans le classement des villes où il fait bon vivre.

Si cette initiative est à saluer, il faut craindre qu’elle ne soit très vite diluée dans deux éléments essentiels si l’on ne fait pas attention, à savoir la résistance des acteurs principalement visés par l’opération, et l’absence de suivi qui caractérise d’habitude les actions administratives. D’abord la résistance des acteurs. D’après le communiqué, la cible principale est constituée des conducteurs des motos taxis et des taxis dans la ville, principaux auteurs de l’incivisme lié aux règles de la circulation et là la réglementation des transports. Ces derniers ont en effet développé une habitude contraire à la norme et s’y confortent désormais. Ils considèrent les surcharges, la circulation en sens inverse et le non-respect des feux de signalisation comme leur mode opératoire normal, auquel personne n’a le droit de s’attaquer. L’opération sera donc considérée par ces derniers comme une violation de leur territoire comportemental, qu’ils entendent défendre avec becs, ongles, klaxons, roues, pare-chocs et foule au besoin. Pas besoin de rappeler que pour ce qu’i est de faire foule, les motos taxi en sont capables, surtout que leur croissance en nombre est exponentielle, et aucune mairie n’est en mesure de dire à ce jour combien on en compte sur son territoire. Ignorer leur capacité de nuisance serait donc fatale pour l’opération.

Faire le suivi reste un problème

Ensuite le suivi. Selon la feuille de route, la Communauté urbaine de Douala a mis sur pied une équipe qui sillonnera la ville et sanctionnera de façon inopinée toutes les infractions à la circulation. Sillonner veut à priori dire qu’elle sera mobile, mais cela peut aussi vouloir dire que l’équipe stationnera de manière ponctuelle à un point et changera de temps en temps. Et c’est là où se pose le problème de suivi. On ne peut pas perdre de vue que ce n’est pas la première fois que des opérations coup de poing sont engagées pour remettre de l‘ordre dans la ville, mais les résultats n’ont jamais suivi parce que chaque fois l’opération se résume à un jeu de chat et de la souris. On peut citer les multiples descentes de la plateforme de la lutte contre le désordre urbain à Ndokoti, dans les marchés, on peut citer l’opération du sous-préfet de Douala Ier au marché New Deido pour déguerpir les commerçants qui encombrent chaussées et trottoirs, lesquels se réinstallent de plus belle une fois le dos des équipes tourné. On risque de se retrouver dans ce cas de figure.

La feuille de route parle d’une équipe mise sur pied pour l’opération, mais nous osons croire que c’est une façon de parler. Le mal auquel la Communauté urbaine veut s’attaquer est profond, profondément ancré dans les mœurs, devenu même un mode de vie. Et aux grands maux, les grands remèdes. Ce qu’il faut ce n’est pas une équipe, ce sont des équipes logées dans tous les cinq arrondissements de la ville de Douala, au moins trois dans chacune des communes, capables de se relayer en service de car pour assurer le service 24h sur 24 comme l’envisage le communiqué. La patrouille de chaque équipe devra ensuite être fixe et permanente sur tous les axes principaux qui convergent vers la ville, de sorte à rendre le travail difficile à tout taximan ou moto qui voudrait contourner la surveillance. Sinon ils adapteront leurs itinéraires aux mouvements des équipes, le jeu du chat et de la souris va continuer.

Ressource humaine et légalité

Cela nécessite une importante mobilisation en ressources humaines dans tous les corps de métier qui constituent l’équipe. La Cud à travers ses deux directions impliquées que sont celle de l’entretien des infrastructures routières et celle de la réglementation et de la police municipale, la délégation des transports, les syndicats, les associations de sécurité routière et les Forces de maintien de l’ordre.

La mobilisation de la ressource humaine pour ce dernier corps de métier cité devra être davantage importante en quantité et en qualité, car le fonctionnement de ces équipes devra rester dans le cadre des lois de la République, c’est-à-dire qu’elle devront être accompagnées par des agents des forces de maintien de l’ordre dont au moins un a le grade égal ou supérieur à celui d’officier de police judiciaire, et surtout s’assurer que les interpellations sont faites par la police ou la gendarmerie, car selon la réglementation en vigueur un civil n’a pas le droit de le faire. Toute faille dans ce sens pourra être exploitée par une victime, et comme on est dans un pays où chacun connait quelqu’un qui est quelqu’un, les plaintes vont monter rapidement, les complaintes aussi, et de fil en aiguille l’opération sera attaquée, critiquée et dénigrée, surtout si les équipes ont parmi elles des véreux qui se livrent à la corruption.

La mobilisation de la ressource humaine implique aussi la mobilisation de la ressource financière, mais les initiateurs de l’opération semblent n’y avoir pas pensé, quand ils disent que l’indemnité du groupe de travail sera de 50% des revenues issues de la mission. Et si elle rentre bredouille qu’adviendra-t-il ? Bref l’opération est assez noble pour être saluée, mais la Cud doit prendre la mesure de la tâche qui l’attend et y mettre les moyens humains, matériels et financiers nécessaires, tout en gardant constant à l’esprit que l’état de la ville est tel que l’erreur n’est plus permise, car l’échec de cette opération sera synonyme de victoire du désordre sur la ville.

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