Me Agbor Balla accuse le tribunal militaire de plusieurs violations
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Dans une tribune qu’il a récemment rendue publique, l’avocat et défenseur des droits de l’Homme donne des leçons de droits aux juges du tribunal militaire à qui il reproche d’avoir transgressé les Principes et directives sur le droit à un procès équitable et à l'assistance juridique en Afrique, lors du procès du leader de la « révolution du cercueil » et ses coaccusés.

Le mercredi 25 mai 2018, Mancho Bibixy, Tsi Conrad, Tamngwa Malvin, Aselecha Martin, Guingah Valentine et Awah Thomas ont été condamnés à de longues peines de 10 à 15 ans. Mancho Bibixy et autres ont été reconnus coupables d'actes de terrorisme, sécession, hostilités contre la Patrie, propagation de fausses informations, révolution, insurrection, mépris des organismes publics et des fonctionnaires, résistance, déprédation par bande, non possession de carte nationale d'identité telle que fournie et punissable aux articles 74, 102, 111, 113, 114, 116, 154, 157, 236 de la loi N° 2016/017 du 12 juillet 2016 relative au Code pénal et à l'article 2 de la loi N° 2014/028 du 23 décembre 2014 sur la répression des actes de terrorisme, l'article 5 de la loi N° 90/042 du 19 décembre 1990 instituant une carte d'identité nationale, l'article 18 de la loi N° 210/012 du 21 décembre 2012 sur la cyber sécurité et la cybercriminalité.

Le Tribunal militaire leur a également ordonné de payer la somme de 268 millions de francs CFA à titre de dommages-intérêts aux parties civiles, y compris l'Etat du Cameroun, ainsi qu'une amende totale de 34 millions de francs CFA ou deux ans d'emprisonnement supplémentaires. Le verdict injuste du Tribunal militaire s'avère être une illustration claire de la politisation du système de justice au Cameroun pour faire taire la dissidence. Mancho et compagnie ont été arrêtés dans des régions anglophones, transférés, détenus pendant de longues périodes à Yaoundé et ont finalement été poursuivis pour des motifs politiques pour avoir exercé leurs libertés d'expression et de rassemblement en s'exprimant comme des anglophones marginalisés.

Ce verdict constitue un revers majeur pour le respect des droits de l'Homme et des libertés fondamentales au Cameroun. Cibler et utiliser les tribunaux pour faire taire les manifestants pacifiques à des activistes particulièrement anglophones n'est pas seulement une menace pour les défenseurs des droits de l'homme, mais renforce le caractère délibéré avec lequel le gouvernement poursuit ses politiques pour sévir contre les défenseurs des droits humains des personnes marginalisées au Cameroun, en particulier les anglophones.

Il jette également une ombre sur les mesures annoncées par le gouvernement camerounais en faveur de la réconciliation, du dialogue et d'une solution à long terme de la crise en cours. Le Centre pour les droits de l'homme et la démocratie en Afrique note que le droit de réunion pacifique et de manifestation est garanti par l'article 11 de l'Accord africain sur les droits de l'homme (Charte africaine). Le Centre note également que le droit à la liberté d'expression et à l'assemblée est consacré dans le préambule de la Constitution du Cameroun de janvier 1996 et que ceux qui ont été lourdement condamnés ne faisaient qu'exercer leurs droits constitutionnels, droits pour lesquels ils ont malheureusement été punis.

Le fait de juger des civils devant les tribunaux militaires n'est pas conforme aux normes internationales des droits de l'homme, en particulier aux Principes et directives sur le droit à un procès équitable et à l'assistance juridique en Afrique qui stipule à l'article L (c) que : « un tribunal militaire ne peut en aucun cas juger ou connaître des affaires impliquant des personnes civiles ».

À plusieurs reprises, des organisations internationales et locales de défense des droits de l'homme se sont déclarées préoccupées par certains des droits à un procès équitable de l'accusé, par exemple le manque d'indépendance, d'impartialité, de compétence, d'égalité des armes etc. Le procès de Mancho et autres au Tribunal militaire est également une violation flagrante de la Communication de la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples. Aujourd'hui, c'est comme hier : l'injustice a été décuplée.

La protestation de Mancho Bixby dans un cercueil nous a tous représentés dans un cercueil de marginalisation, d'injustice et de mauvaise gouvernance pendant des décennies. Sa détention était une détention de tous les Camerounais qui croient en la justice et la liberté. L'imposition de peines de prison ne va pas atténuer les préoccupations légitimes des défenseurs camerounais des droits de l'Homme qui ont toujours été constants et résilients. Le Centre rappelle les résolutions de la Commission africaine et les communiqués de presse invitant le gouvernement de la République du Cameroun à remplir son obligation de protéger et à :

  1. Mettre un terme immédiat à l'usage de la force contre les civils non armés ;
  2. Garantir le respect du droit à la liberté d'expression et d'information, de la liberté d'association et de réunion et du droit à la liberté et à la sécurité de la personne consacrées dans la Charte ;
  3. Assurer la libération immédiate de toutes les personnes arbitrairement détenues depuis octobre 2016 suite aux protestations ;
  4. Mener des enquêtes impartiales et indépendantes sur les allégations d'exécutions extrajudiciaires, de disparitions forcées, de traitements inhumains et dégradants et de violations des droits de l'Homme qui auraient été commises par des policiers, des gendarmes et des militaires ;
  5. Initier sans tarder un dialogue constructif pour mettre fin aux souffrances de la population. Le Centre rappelle également le communiqué final de la 62ème session ordinaire de la Commission africaine du 25 avril au 9 mai 2018, révisant et réadaptant sa résolution sur la situation des droits de l'Homme au Cameroun qui, initialement adoptée lors de la 23ème session extraordinaire de la Commission, n'avait pas été publié.

Le Centre continuera d'appeler à la liberté, à la dignité, à la justice et à la paix. Nous appelons le gouvernement à prendre les mesures appropriées en faveur de la réconciliation et de la consolidation de la paix afin de faciliter un dialogue authentique et inclusif en tant qu'option la plus viable pour faire face à la crise actuelle.

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