Le Traquenard  FRANCIS NGANOU - LA CAGE AUX Pythons par Ekanga Ekanga Claude Wilfried
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CAMEROUN :: Le Traquenard FRANCIS NGANOU - LA CAGE AUX Pythons par Ekanga Ekanga Claude Wilfried :: CAMEROON

Si je rencontre cet homme un jour, je lui demanderai 300 autographes , pour moi et toute ma famille, et même pour les enfants de mon voisin qui me ressemblent. C'est une star, une vraie, un joyau brut. C'est notre Diamant Noir de l'heure.

Le problème, c'est qu'à l'instar de - presque - toutes nos stars nationales (vraies comme fausses), Francis Nganou est entré dans la cage aux pythons sans s'en apercevoir. Il a naïvement continué de se croire libre alors que les grilles des reptiles se refermaient en silence derrière lui. Il n'a pas compris à temps que la chose camerounaise actuelle est un terrain très glissant, et que quand le sourire de ceux qui t'accueillent est un peu trop large, un peu trop beau, c'est que quelque chose cloche.

Et ce qui devait arriver arriva.

Le piège s'étant refermé (pour de bon) sur lui, voici que notre génial compétiteur commence à subir les conséquences qu'ont connues ceux qui, avant lui, y sont tombés. Et avec la même naïveté ; celle qu'il ne faut pas avoir quand on a des pythons en face.

"JE NE FAIS PAS LA POLITIQUE" - DÉFAITE PAR K.O.

Il y a deux ans, au sortir du palais d'Etoudi, Samuel Eto'o lachait une litanie de remerciements (tout à fait embarrassante) à l'endroit de l'homme du 6 novembre, en arguant : "Pour toutes les choses que [Paul Biya] a apportées dans ma vie". Outre le fait que jusqu'à ce jour personne ne saurait vraiment dire en quoi Barthélémy a aidé Samy à devenir l'illustre joueur que le monde a connu, on a surtout été surpris de voir le numéro 9 appeler ouvertement à voter en sa faveur alors qu'il a toujours clamé ne pas faire de politique.

Ce 2 octobre 2018, il dira en effet : "Le plus important c'est que mes frères fassent comme moi ; moi personnellement je vais voter le candidat président Biya."

Quelques jours plus tard, le 6 octobre, veille du scrutin, un concert géant est organisé au palais polyvalent des sports de Yaoundé , en l'honneur de (voire par) Paul Biya. De nombreuses sommités du monde musical camerounais seront de la partie. Elles s'en donneront à cœur joie et ne tariront pas d'éloges envers le Père de la Nation, garant de la paix nationale (malgré le conflit du NOSO), premier sportif, premier musicien, premier danseur ...

... Et pourtant, ces artistes là eux aussi n'avaient eu de cesse de marteler qu'ils ne font pas de politique. Affichant alors leur "neutralité" à qui veut l'entendre, ils se désignaient comme agents de la culture et uniquement.

Que faut-il donc comprendre, à la lumière de tout ceci ?

L'explication est que les autorités camerounaises ont érigé la terreur, l'intimidation et la menace comme modèles de gouvernance. La répression et l'oppression sont devenues un projet de société, si bien que pour être tranquille et exercer sa passion sans embrouilles, un chanteur , un sportif ou un businessman évitera d'emettre des avis critiques envers le régime. Il ne faudrait surtout pas qu'on lui colle l'étiquette d' "opposant" (Un qualificatif qui, en Afrique francophone, équivaut encore à une insulte)! Ce serait dramatique pour la suite de ses activités ou de sa carrière !

Jusque là, c'est encore acceptable. Sauf qu'au lieu de réellement se taire et de faire montre d'une parfaite distanciation de la chose politique, ces supposés "neutrards" affichent une proximité très (trop) prononcée envers le pouvoir. Leur expression corporelle, leurs paroles , leurs actions ... quasiment tout dans leur attitude laisse entrevoir une allégeance quasi totale envers le régime en place. On en arrive donc à ce cher Nganou, autour de qui le python a fini par s'enrouler complètement, et qui, désormais ne lâchera plus son étreinte.

Car en fait, ne pas faire politique au Cameroun, c'est ne pas soutenir l'opposition.

LE TRAQUENARD

Commencons par une question : " Comment un footballeur (Eto'o) qui vous demande de voter pour Paul Biya peut-il garder l'estampille "apolitique", tandis qu'un chanteur (Richard Bona) qui vous demande de soutenir Maurice Kamto est, pour sa part, catalogué comme étant du MRC ?"

Ça n'a pas de sens, n'est-ce pas ?
Dans ce cas, Samuel Eto'o est du RDPC. Tout simplement ! Pas de deux poids deux mesures.

À présent, rappelons qu'en soi ce n'est pas une mauvaise chose de vouloir rester à l'écart de la politique ; c'est un choix et surtout un droit. Mais le hic, c'est que toutes nos personnalités qui le prétendent ont du sable (ou de l'huile) dans les yeux. Car en fait ils la font, et même de manière très ouverte ! En fait, ce qu'ils veulent dire, c'est qu'ils ne soutiennent pas l'opposition, ou du moins, qu'ils n'ont pas l'intention de gêner le pouvoir dans l'exercice de sa barbarie , par exemple en prenant une position publique forte comme l'a fait Meiwsy en semaine, ou comme l'avaient fait Mongo Beti ou Myriam Makeba il y a un demi siècle

(Ce qui avait coûté un exil de 30 ans à ces deux derniers)

Le drame de Nganou, c'est qu'il arrive au pire des moments. Les esprits sont chauffés à blanc, et comme je l'écrivais dans mon article "Paul Biya - le premier Ambazonien", il y a trois jours, le Cameroun est une poudrière qui n'attend plus que l'implosion. La vieille équation <"Je ne fais pas politique" = "Je ne soutiens pas Kamto"> ne marche plus. Avec l'énorme travail de sensibilisation et d'éveil que nous faisons au quotidien, les Camerounais commencent à retourner les méthodes du régime contre lui. Désormais, celui qui s'affiche joyeusement avec des figures du régime dans ce contexte, est automatiquement un pro-régime !

Ainsi, il n'y a effectivement plus de deux poids deux mesures . C'est l'abolition de l'hypocrisie.

Nganou a été victime de l'étau de Yaoundé , qui s'est resserré contre lui et a fait de lui (à son insu et peut-être même contre sa volonté), un formidable agent publicitaire du biyayisme ! C'est ce qu'on appelle un TRAQUENARD. Un piège où la souris ne voit que le fromage et pas le dispositif mortel en dessous ; une belle prairie verte où la brebis ne voit pas le python dans l'herbe. Ce régime dont l'image pourrit de jour en jour à cause de ses exactions et de ses innombrables abus, avait urgemment besoin d'une bouffée d'air pour redorer son blason, et à ce titre, notre illustre boxeur est apparu comme un véritable cadeau du ciel ! En effet, beaucoup en regardant ces photos, vont aussitôt oublier le drame anglophone et se dire : "Oh, quelle belle image de notre bijou national avec notre armée."

C'est psychologique. C'est ainsi que fonctionne le lavage de cerveau.

Dans sa politique du traquenard, Yaoundé aime récolter là où il n'a pas semé. Il récupère une star, la confisque à son compte pour ses intérêts, en misant sur le fait que l'arnaque de la "neutralité" fonctionnera ad vitam. Mais il arrive le moment où le peuple finit par ouvrir les yeux et par faire payer à ses idoles ce qu'il considère alors comme une trahison. Car ce que ce gouvernement et ses satellites refusent de comprendre, c'est que l'illusion selon laquelle le peuple est encore derrière eux est justement ... une illusion..

S'il n'y a toujours pas eu de révolte à ce jour (du moins dans la partie francophone), c'est uniquement par peur plutôt que par une quelconque conviction politique. La même peur qui conduit les stars à la fermer et à courber l'échine, alors qu'ils pourraient (et devraient) s'indigner contre l'injustice , d'où quelle vienne.

Mais pour combien de temps encore ? ...

EN BREF :

Si le MRC (ou un autre parti) prend le pouvoir demain , on ne va pas dissoudre le BIR ou l'armée, Et même si on les dissout, on ne va pas emprisonner ou tuer tous les militaires et recommencer une autre armée à zéro. Le problème ne sont pas les personnes qui constituent ce corps d'élite. Le souci réside dans l'utilisation que le pouvoir en a fait. En transformant les soldats et les policiers en milice au service d'un homme , Paul Biya et son régime ont énormément écorché le lien fort qui existait entre l'armée et son peuple. Aujourd'hui, l'armée ne rassemble plus, elle clive. Elle fait davantage peur à la population qu'à ceux-là même qu'elle est censée combattre.

On est bien loin du sentiment de protection absolue qu'on a pu ressentir au tout début de l'ère Boko Haram sur notre territoire en 2014. Bien bien loin.

Depuis le début de la crise anglophone , les soldats de l'armée ne font plus figure de gentils indiscutables aux yeux de beaucoup. Leurs atrocités rivalisent désormais largement avec celles des Ambazoniens, sans compter que leur chef suprême (mort ou vif?) reste sourd aux incessants appels à un véritable dialogue national, sans théâtre ni fantasmagorie comme on l'a vu en septembre dernier. Tel un mineur espiègle, il continue bêtement de privilégier la solution militaire (avec les horreurs qu'elle entraîne de part et d'autre). De ce fait, il ne faut donc pas s'attendre à ce que des images qu'on a prises en compagnie de miliciens ... Oups de militaires suscite l'unanimité générale. Bien au contraire !

Les choses ont énormément changé !

Pour faire court, la leçon ultime que ça nous laisse, c'est qu'on n'échappe définitivement pas a la politique. Si vous tenter de vous dérober, elle vous rattrapera tôt ou tard. Il vaut mieux choisir un camp des à présent, plutôt que d'être un lâche assumé, alors que vous savez très bien là où votre cœur penche. Cessez de fuir naïvement ce qui vous rattrapera tôt ou tard. Vous connaissez le dicton : "Si tu ne fais pas la politique ..."

Avant de conclure faisons un jeu : imaginez Nganou publier une photo avec Maurice Kamto sur sa page Facebook et écrire en description : " Superbe rencontre avec le Président du MRC !"
Si tu as compris le sens de cet exercice, alors tu as tout compris !

Choisissez donc votre camp dès à présent. Mais surtout, choisissez le bon. Et surtout encore, soyez sûrs que vous avez choisi le bon !

Pour vous aidez, je vous donne juste un indice : les invincibles d'aujourd'hui ne seront pas les immortels de demain.

EKANGA EKANGA CLAUDE WILFRIED

( Après la Coupe du Monde féminine 2019 en France , la superstar américaine Megan Rapinoe, élue meilleure joueuse du tournoi, a refusé d'être reçue à la maison Blanche par Donald Trump, lui reprochant alors ses attitudes sexistes et rétrogrades. C'est ainsi que fonctionne un pays normal !! Le simple fait qu'au Cameroun des icônes du même type aient peur de dire à haute voix :" Je n'aime pas Paul Biya ", est la preuve que nous sommes dans une ignoble dictature qu'il faut renverser de toute urgence, pour que les gens soient enfin libres )

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