Au sommet de l’Etat… : Comment les ministres et les Dg nourrissent le tribalisme
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De mai 1972, à mai 2020. Cela fait 48 années précisément. Plus que deux ans, on en sera à faire du tintamarre, un vacarme sur le cinquantenaire de l'unité.Au fait sommes-nous prêts ? Avonsnous réglé tous les malentendus?
Le Cameroun étouffe, suffoque et sature dans toutes sortes de haines tribales: l'escalade des instincts grégaires et la montée des replis identitaires.Tel Sisyphe traînant, roulant son rocher, les camerounais ressentent dans leur amour propre, les blessures, les abcès et les meurtrissures créés par le lourd fardeau d'une malédiction tribale.L'unité nationale est à l'épreuve d'un tribalisme beaucoup plus nocif et vicieux qui s'enracine au sommet de l'État.

La haute administration publique et même privée du Cameroun est entre les mains de la région, le clan, l'ethnie, la tribu, la famille, les frères et parents du village, les beaux-frères. L'unité nationale est comme la Sibérie. Tout le monde scande, chante les mérites et les vertus de l'unité nationale, mais on a le sentiment que personne n'y croit. C'est au bout de lèvres que l'unité nationale s'arrête. Entre Hypocrisie et duplicité de caractère, l'unité nationale roule dans l'autobus du double langage.

Le comble c'est de voir l'unité nationale exacerbée par le tribalisme des gouvernants.

Qu'est ce qui peut expliquer que des ministres, directeurs généraux et hauts fonctionnaires d'État sans aucune honte, transportent dans leurs bagages des frères, des parents de la tribu, épouses, maîtresses, amis, beaux-frères, copains et coquins, d'un ministère à un autre? Comment comprendre cet accaparement et la propension à vouloir gérer la fortune publique en famille? Au pied de certains ministères, à partir du vigile, on peut connaître les origines de la famille, la tribu, le village, la région à la quelle, le Nnom-Ngui, Paul Biya a confié le ministère. Le pressentiment est rapidement confirmé à l’observationd’autres détails: le port vestimentaire, la langue du village qu'on parle en toute insouciance. Dans le secrétariat, le cabinet de certains ministres, directeurs généraux, hauts fonctionnaires, les comportements sont à l'épreuve d'une déformation villageoise. Les bon dossiers, les affaires publiques et privées sont traités en langue vernaculaire, « patois ». Comment prétendre à l'atteinte des performances de qualité, si dans l'administration, on fait l'éloge de la tribu et le village, au désavantage de la compétence et le mérite.

Au royaume de la proximité ethnique

Tenez. Le Premier poste de responsabilité que cible, un ministre dès son entrée au gouvernement, est le poste de directeur des affaires générales (Dag). Il peut changer d'appellation d'un département ministériel à un autre. Dans cette mue, il est soit: directeur des ressources financières et du Patrimoine (Drfp) ou directeur des ressources financières (Drfi). Quel que soit l'appellation, le poste de Dag reste le « ventre » du ministre. « On ne confie pas son ventre à n'importe qui », martèle-ton. Dès leur prise de fonction, le premier réflexe de 90% de camerounais une fois nommé au gouvernement est celui de trouver un successeur au Dag en poste.

La routine est devenue si banale que tout le monde trouve ça normal. Les occupants au poste de Dag savent sans surprise que lorsqu'un nouveau ministre est nommé, il faut ranger ses affaires, attendre; le départ n'étant qu'une question d'heures. Il est rare de voir un nouveau ministre adopter la continuité de l'administration avec les collaborateurs qu'il trouve, le Dag en premier. Quelque soit la compétence, la maîtrise des dossiers, le niveau de docilité, de soumission, de probité, d'intégrité, d'assurance et de confiance que le Dag en poste peut présenter devant sa nouvelle hiérarchie gouvernementale, le ministre ne regarde pas ça.

Il y a des ministres qui d'un portefeuille ministériel à un autre, font les navettes gouvernementales, traînant toujours leur Dag dans leur valise.Les mécanismes et stratégies et changements de Dag sont connus: des connections dans les services du Premier ministre, l'affaire est réglée en deux semaines. Les Dag les plus chanceux ont un sursis relativement long. C'est lorsque le nouveau ministre, par pudeur, élégance ou courtoisie administrative, choisit d'inscrire le départ du Dag dans la foulée d'un vaste redéploiement du personnel. Mais il ne s'agit là que d'une formalité. Tout Dag sait que dès la prise de service du nouveau ministre, il devient un meuble. Juste pour le décor.

Si par extraordinaire, le Dag trouvé en poste est solidement enraciné dans le sérail, si le Ministre ne parvient pas à s'en débarrasser à la régulière par les voies d'une procédure administrative normale, celui-ci, s'il n'est pas placé sous quarantaine professionnelle, il est réduit à la contemplation, à l'oisiveté administrative. Le remplaçant officieusement nommé, accomplit ses missions. Ce n'est pas n'importe quel tout-venant qui est promu Dag. Le casting, très sélectif repose essentiellement sur la famille, la tribu, la région, les groupes religieux et autres alliances. Le critère de la langue du village du ministre est primordial. Il y a des dossiers top secret qui sont traités dans la langue du village. Il est du Dag comme le directeur du cabinet du ministre, connu sous l'appellation de secrétaire particulier.

Le Sp doit être un homme de deal, très futé dans les négociations. La proximité du ministre avec le Dag et le Sp, selon ce qu'on en dit, est un gage de sécurité. Conscient que le ministre n'aime pas être embarrassé, le Sp en plus d'être une camisole de sécurité, est un gilet pare-balles. C'est le souffre-douleur pour ce qui concerne: les affaires du ministre: même les plus sordides, louches et floues. Dag comme Sp, même pipe, même tabac. Obligation de connaître les différents tuyaux, les combines.Il existe des ministères où, il faut nécessairement passer par le Dag ou le Sp pour obtenir satisfaction. Le Sp est l'homme de terrain, le bras opérationnel du ministre. C'est lui qui a la maîtrise des bonnes entrées au ministère des Finances; il jouit d'une grande capacité à dealer, écouler les quatre neuf (4,9); à jongler avec les services traiteurs, les bons de carburant. C'est encore lui qui « géré » les « petites » et les maîtresses du « patron ».

Chantage et surenchère familiale

L'administration publique camerounaise se porte mal. Très mal même. Dur. Dur d'être ministre ou Dg, de « tenter » de déroger à la règle qui « recommande » d'avoir, enfant, ami, frère, beau-frère, parent du village à ses cotes. Le village va crier à la sorcellerie. A votre Insu, on organise des scènes d'exorcisme, de maraboutisme et des incantations. Le village lance des fétiches de désenvoutement et de délivrance à l'effet de sauver le frère, désormais en « Haut », mais sur la voie de l'entêtement et l'enfermement.Au creux de l'oreille d'un ministre caractériel, de fortes pressions doublées de chantage sont exercées auprès des plus proches parents pour mener la surenchère. Ça donne ça:

« Tu veux montrer quoi? Tu ne vois pas ce que les autres font? Tu veux être plus sérieux que qui? Tu vas faire quoi jusqu'à dépasser qui? D'ailleurs tout le monde fait ça. Le village compte sur toi; on ne peut pas souffrir alors que tu es là.Tout le monde plonge dans la sauce du tribalisme. Le camerounais ne crie à l'injustice tribale, ne se plaint des travers, effets pervers et dérives de ce tribalisme primaire que quand, il en est victime et se sent acculé. Tant qu'il en tire des dividendes, les prébendes et les bénéfices, au désavantage des tiers, l'enfer reste l'affaire des autres.

Alors que nous sommés en pleine célébration de l'unité nationale, est-ce qu'il n'est pas envisageable de tordre définitivement le cou aux pratiques qui sont telles qu'un ministre de la République pense que ce sont ses frères qui doivent gérer la fortune publique? Doit-on travailler dans une administration publique qui se veut républicaine, essentiellement avec les collaborateurs qu'on s'est choisis? Dans un contexte de transparence et de bonne gouvernance, n'y a-t-il pas lieu, de se mobiliser, condamner, fustiger toutes sortes de; concussion, les manoeuvres de corruption, distraction, détournements de fonds; l'enrichissement illicite et sans cause, le délit d'initié, les malversations financières.

Quand on est au service de l'État, il est souhaitable de se débarrasser des pratiques tribalistes; d'oeuvrer, encourager le discours sur l'assainissement, la moralisation de la dépense et la fortune publique; la sauvegarde des coffre-forts de la République. Il est désormais impératif de mettre un terme â l'isolement, l'exclusion au profit du frère; ceux-ci traduisent à suffisance le mal être de l'administration publique au Cameroun. Tout cela doit s'arrêter, si l'émergence tant scandée reste un défi pour ce pays.Le Cameroun de demain doit se construire avec tous ses enfants, loin des pratiques grégaires et égoïstes qui tirent le pays vers le bas.À chacun de tomber le masque. Rideaux!!

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