Les décrets déphasés de Paul Biya
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Le président de la république du Cameroun Paul Biya, a signé le 31 mars 2020 d’ « importants textes », pour emprunter à l’expression consacrée, 6 décrets plus exactement. Les décrets 2020/143 portant reconnaissance d’utilité publique de l’association Croix rouge camerounaise, 2020/144 portant nomination au ministère de la Défense, 2020/145 portant nomination des responsables dans les missions et bureaux militaires près certains postes diplomatiques du Cameroun à l’étranger, 2020/146 portant nomination des officiers magistrats aux sièges des tribunaux militaires, 2020/147 portant nomination des officiers magistrats dans les parquets des tribunaux militaires, et 2020/148 portant nomination des officiers magistrats chargés de l’action publique devant les chambres militaires des cours d’Appel . Un autre décret a été signé le 1er avril 2020, cette fois portant ratification de la convention de l’Union africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption adoptée à Maputo au Mozambique le 11 juillet 2003.

« Preuves » d’activités

La publication de ces différents décrets et leur mise en ligne dans le site internet de la présidence de la république, viennent conforter la teneur d’un communiqué du ministère de la Communication en date du 26 mars 2020. En effet, suite à la publication dans les réseaux sociaux le 25 mars d’une vidéo annonçant la mort du chef de l’Etat, le Chef de la Division de l’Observatoire des Médias et de l’Opinion Publique au ministère de la Communication, Charles Atangana Manda, avait signé par ordre officiel un communiqué de démenti de cette rumeur en précisant : « A tout prendre, le Ministre de la Communication du Cameroun, assure la communauté nationale et internationale, notamment les Internautes, de l’excellente forme du Chef de L’état, Son Excellence Paul Biya, qui chaque jour, suit personnellement l’activité gouvernementale, y apporte des correctifs en tant que de besoin, et, impulse de sa Très Haute posture, la vie de la Nation, signe d’importants textes pour faire avancer les grands chantiers de la République et tient sa Très Haute charge, en ces temps de gravité, face à la pandémie du coronavirus, avec sublimation, dignité, détermination et exaltation.»

Nul doute alors, le président de la république continue de signer d’importants textes pour faire avancer les grands chantiers de la république, comme le dit le communiqué. La question est de savoir ce qui est considéré en ce moment comme grand chantier de la république. Alors que le monde entier est secoué par le virus à couronne qui décime les populations, alors que le Cameroun est plus que jamais sous la menace de cette pandémie qui a fermé églises et boites de nuits en même temps, le président de la république signe « d’importants textes » pour réorganiser et redéployer les responsables militaires dans les tribunaux militaires et les missions diplomatiques.

L’urgence du Pouvoir…

De quoi se demander où étaient l’urgence dans ce redéploiements des militaires au moment où tous les dirigeants du monde entier se pressent pour trouver les moyens de riposter à cette attaque du virus. Tous les pays sont en guerre en ce moment certes, mais une guerre scientifique, et les grandes décisions prises de partout sont en lien avec la lutte contre cette pandémie. Les importants textes du chef de l’Etat sont attendus en ce moment pour le déploiement non pas des officiers militaires, mais des médecins et autres professeurs de médecines, qui occupent plutôt des postes administratifs au ministère de la Santé publique ou dans les facultés de médecine des universités du pays. C’est le moment de les sortir des bureaux pour les mettre dans les laboratoires d’analyse, les unités de prise en charge des malades, des unités de dépistages et autres. Ceux qui devraient bénéficier des décrets en ce moment, ce sont les soldats de la médecine et de la recherche.

…bien loin de l’urgence des populations

Paradoxalement, pendant que le président de la république s’implique personnellement pour signer des décrets pour d’autres domaines ou chantiers, le chantier de la santé qui est urgent se gère plutôt par délégation ou sur « hautes instructions ». Le redéploiement des officiers militaires dans les tribunaux militaires est-il plus important par ces temps que les mesures énergiques de lutte contre le Covid-19 ? Encore que le contenu de certains de ces décrets du chef de l’Etat laisse songeur, et soulève la question de son impact sur l’urgence de l’heure qui est la santé des populations. Le dernier décret signé le 1er avril 2020 porte ratification de la Convention de l’Union Africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption adoptée à Maputo au Mozambique le 11 juillet 2003. 17 ans plus tard. Pourquoi avoir attendu 17 ans pour ratifier une convention dont les dispositions touchent pourtant l’un des fléaux qui minent dangereusement la société camerounaise, à savoir la corruption ?

Alors que 3 ans plus tard la première institution de lutte contre la corruption au Cameroun, la Conac était déjà créée en 2006, pourquoi n’avoir pas ratifié cette convention à ce moment pour renforcer cette Conac nouvellement mise sur pied, si tant est que la volonté était d’en finir vraiment avec ce fléau ?

Encore que l’ensemble des dispositions de cette convention est déjà contenue dans divers textes et lois en vigueur au Cameroun. L’article 7 par exemple de cette convention dispose que « les Etats parties s’engagent à exiger que tous les agents publics ou ceux qui sont désignés déclarent leurs biens lors de leur prise de fonctions, ainsi que pendant et à la fin de leur mandat. » Une disposition par ailleurs déjà contenu dans la Constitution du Cameroun, en son article 66 mais qui peine à être appliquée. La ratification de la convention de Maputo viendra-t-elle y changer quelque chose ?

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