Ce que veulent les anglophones du Cameroun : Fédération, confédération et… séparation
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Ce que veulent les anglophones du Cameroun : Fédération, confédération et… séparation :: CAMEROON

Les modérés plaident pour les deux premières options. Les radicaux sont pour la troisième solution. Les gouvernants du pays ne veulent rien entendre. Le Grand dialogue national s’annonce riche en débats houleux.

Sortira-t-on, la tête haute, du Grand dialogue national annoncé à la fin de ce mois par le chef de l’État? Voilà la question qui taraude les esprits dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Une équation à plusieurs inconnues, au cœur des assises fixées du 30 septembre au 4 octobre prochain. D’emblée, Mgr Agapitus Nfon, du diocèse de Kumba, prêche la sincérité: «Que le dialogue soit sincère. Qu’il n’y ait pas de manipulation dans ce dialogue. Que le dialogue soit inclusif. Et s’il l’est, nous devons avoir une partie neutre qui joue le rôle de médiateur (sans quoi, je ne crois pas à un véritable succès) et les gens rentreront satisfaits». Pour Mgr Andrew Nkea du diocèse de Mamfe, «l’aspiration de la population de la Manyu est de voir la libération de ses enfants en détention».

Les politiques

Dans ces deux régions anglophones, la majorité prône la rupture d’avec la décentralisation, cette forme de l’État qui a montré ses insuffisances depuis son entrée en vigueur en 1996.

Édith Kah Walla, présidente nationale du parti politique Cameroon People’s Party (CPP), réagissant à l’annonce du Grand dialogue national par le chef de l’État, laisse entendre: «il faut redéfinir la forme de l’État». Pour elle, «le souhait primordial des Camerounais est d’avoir plus d’autonomie (une autonomie décisionnelle et une autonomie des ressources) au niveau local pour gérer leur développement, sans pour autant remettre en cause celles des prérogatives qui ne peuvent revenir qu’à l’État central. Il est nécessaire de déterminer quelle forme prendra notre État, de manière à satisfaire cet impératif d’autonomie accrue au niveau local». À l’observation, l’ancienne candidate à l’élection présidentielle de 2011 penche pour le fédéralisme. Dans ses prises de position antérieures, elle s’est généralement montrée favorable à un système fédéral à dix États fédérés, pour respecter la configuration des régions actuelles.

Le SDF, depuis des lustres, s’est toujours appesanti sur la formation d’un État fédéral, au départ à quatre États fédérés, et puis à dix Etats fédérés depuis la dernière élection présidentielle au Cameroun.

Chongsi Joseph Ayeah, directeur exécutif de l’ONG de défense des droits de l’homme Chrapa, basée à Bamenda, milite pour la même configuration. Joint au téléphone, celui qui bénéficie d’un statut d’observateur auprès de l’Onu et de l’UA en matière de droits de l’homme suggère: «si on revient à la répartition de 1972, on va léser d’autres régions. Il serait mieux de transformer les dix régions en autant d’États fédérés». Pour lui, il faut calquer la forme de l’État du Cameroun sur le modèle suisse. Il explique: «la Suisse est formée de quatre peuples: les Français, les Italiens, les Allemands et les autochtones. Soit quatre États fédérés. Le gouvernement central joue un rôle presque résiduel et les États fédérés font tout et rendent compte à l’État fédéral».

Les gardiens du temple

Les chefs traditionnels du Sud-Ouest n’en disent pas moins. L’idéal, pour eux, serait la fédération à dix États fédérés. Ils ont, par la voix de Chief Henry Fonderson, président de l’antenne départementale de la South West Chief Conference (SWCC) du Fako, réitéré cette position au cours de la réunion consultative du pré-dialogue, mercredi 18 septembre 2019, chez le gouverneur Bernard Okalia Bilai, à Buea. À en croire chief Fonderson, les chefs traditionnels du Sud- Ouest «ont à plusieurs occasions fait savoir leur position sur la forme de l’État.

Il s’agit du fédéralisme à 10 États fédérés. Ça fait partie des propositions que la délégation de SWCC a remises au Premier ministre Joseph Dion Ngute. Cette fédération à 10 États fédérés donnera plus de pouvoir aux communautés pour gérer leurs affaires». Et un autre chef d’ajouter: «pour n’avoir pas pu implémenter la décentralisation pendant plus de 20 ans, il sera impératif de saisir l’opportunité du Grand dialogue national pour réviser la constitution et instituer 10 États autonomes pour gérer nos affaires». Dans le même ordre d’idées, Me Félix Agbor Nkongo, Dr Neba Fotem et le magistrat Ayah Paul Abine prônent, depuis 2017, le retour au fédéralisme.

Confédération

Pour sa part, Dr Nick Ngwaniam, médecin et enseignant, par ailleurs membre de la société civile, suggère la confédération comme la meilleure forme de l’État. Pour lui, la confédération confère plus d’autonomie que la fédération. La confédération, à l’en croire, est un ensemble d’États indépendants qui se mettent ensemble pour former une nation. L’exemple que lui prête un de ses amis sur la toile est les États-Unis, une fédération de 50 États fédérés, qui bénéficie d’une seule place au niveau de la Fifa. Contrairement au Royaume-Uni, qui est une confédération à 4 États (l’Angleterre, le Pays de Galles, l’Écosse et l’Irlande du Nord) avec des administrations dévolues. Tous ces quatre États sont affiliés à la Fifa.

La Confédération africaine de football (Caf) est une institution formée de plus d’une cinquantaine de fédérations sportives de football. Chaque fédération gère son football de façon autonome. Dans la confédération, poursuit Dr Nick Ngwanyam, les gouverneurs et les parlementaires sont élus et sont responsables devant le peuple qui les a élus. Par conséquent, ils peuvent être sanctionnés à tout moment par ce peuple-là.

Ambazonie

Au demeurant, les activistes de la République virtuelle d’Ambazonie, quant à eux, penchent pour la partition du pays en deux, consacrant, selon eux, «la restauration de l’indépendance de la Southern Cameroon». Milton Taka, présenté comme porte-parole du gouvernement intérimaire de la République imaginaire d’Ambazonie, dans un communiqué de presse daté du 20 septembre 2019 distillé sur les réseaux sociaux, indique: «sur la question des négociations ou du dialogue, notre leader révolutionnaire Sisiku Ayuk Tabe et compagnie sont en prison en République du Cameroun.

Toute négociation doit commencer par eux. Tant que cela n’est pas fait, nous ne prendrons pas part au drame de négociation unilatérale conduite par Yaoundé». Il récuse également la médiation ou le présidium de ce dialogue par le Premier ministre, chef du gouvernement, Joseph Dion Ngute. «De bonnes négociations pouvaient commencer avec la libération sans condition de Sisiku Ayuk Tabe et compagnie». Il ajoute dans ledit communiqué: «l’invitation au dialogue est faite aux Camerounais, nous ne sommes pas Camerounais. Nous n’y prendrons pas part», conclut-il.

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