EN L’HONNEUR D’ANDRÉ BELOMBÈ, PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE DE LA COUR SUPRÊME DU CAMEROUN
CAMEROUN :: POINT DE VUE

EN L’HONNEUR D’ANDRÉ BELOMBÈ, PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE DE LA COUR SUPRÊME DU CAMEROUN :: CAMEROON

« De l’éthique du jugement judiciaire et administratif » « Mes respects Monsieur le Président » Votre honneur,

C’est ainsi que je vous ai salué en pénétrant dans votre bureau deux fois en début 2017 et au milieu de la même année. Ces jours inoubliables, j’ai eu le privilège de vous rencontrer dans mes nombreuses errances administrativo-judiciaires qui durent depuis quatre ans. Je vais d’abord rappeler les circonstances de ma première rencontre avec vous (1) ; ensuite, j’entreprendrai de restituer les normes de la démarche judiciaire, telles que vous les aviez inspirées en moi par votre comportement, en tâchant de systématiser le travail exigible dans le jugement judiciaire et administratif, tout en exposant les rapports entre les justiciables (2) ; par ailleurs, après avoir examiné la différence entre les petits juges et les grands magistrats, je ferai le portrait du Grand magistrat que fut André BELOMBÈ(3) ; enfin, j’exposerai sur la transfiguration de la magistrature en tant que charge divine (4).

1. Circonstances de ma rencontre avec le Président ANDRÉ BELOMBÈ

Monsieur le Président,

Lorsque l’estomac est plein, l’esprit au beau fixe, l’humeur froide, les pensées lugubres sont loin. Ce n’était pas le cas lorsque je montais pour la première fois les marches de l’escalier étroit qui mène tout droit à votre cabinet. J’étais en feu, dont les flammes débordaient à travers l’air insociable que j’affichais. Au début de l’année 2017 donc, votre secrétaire, une lumineuse créature pleine de grâces, à la gestuelle et au langage professionnels, un cadre de la justice plein d'attention envers cet usager au regard farouche, m’avait spontanément introduit auprès de vous, sans que je n’aie préalablement pris un rendez-vous. En entrant dans votre cabinet la première fois, je vous maudissais dans mon cœur sans vous connaître, fâché contre tous vos semblables en robes noires, drapeaux tricolores épinglés à l’épaule, mortier orné sur la tête.

La raison ? Je sortais du bureau du patron de l’instance judiciaire inférieure, où j’avais été humilié, massacré dans mon amour propre et ma dignité liquidée par la secrétaire de celui-ci, une créature au physique conforme aux réussites de la nature, mais dont le fond moral laissait à désirer. Presque svelte, cet agent était si cramponnée à sa suffisance, son mépris des usagers ordinaires et sa méchanceté que, je crois, elle vous paraissait, à la fin, ratatinée. Ce n’est sûrement pas possible, je veux dire scientifiquement explicable, que la malchance que quelqu’un cultive au quotidien lui enlève des centimètres de sa taille. Mais c’est parce que cette impossibilité lui ressemblait si fort que je le dis. Je crois donc que la petite taille de la Secrétaire du célèbre 5e étage s’expliquait par le fait qu’elle s’affaissait elle-même à force de diminuer les gens à longueur de journée. Bref, après que ce jolie péché m’eut conseillé de rentrer d’où je venais, au lieu de venir déranger les gens ici au Cameroun (elle était informé de mon parcours universitaire), je suis sorti anéanti dans mes espérances démesurées, désillusionné par rapport à mon avenir hypothéqué et gonflé de haine contre les juges et leurs secrétaires, mais déterminé par ailleurs à ouvrir d’autres portes. Que pouvais-je faire devant cette institution implacable ?

Je ruminais ma défaite et mon impuissance en forgeant des pensées tueuses. La vue de ces figures électriques qui devenaient moites et courroucées à cause de la température du pouvoir de décider du sort de pauvres bougres comme moi m’était insupportable. Par une étrange association d’idées, alors que je descendais les marches de cette bâtisse lugubre, et que je traversais les couloirs encombrés qui longent la salle des cérémonies située à la cour d’appel et la salle d’audience du Tribunal de Grande instance, pour longer le mur mitoyen qui mène à la Cour suprême, je m’étais abandonné dans les souvenirs de mes lubriques excursions nocturnes, notamment un déconcertant spectacle d’une strip-teaseuse albinos enceinte prestant à « Campéro », en plein cœur de Yaoundé. Je revoyais cette artiste du désespoir. Ses chorégraphies époustouflantes mettaient en chaleur des mâles au goût éteint qui s’empressaient de remplir la scène de billets craquants. En me remémorant cette expérience stupéfiante, je me disais : « Dieu me doit d’innombrables dettes. Je ne sais comment Il compte les payer. Comment peut-Il m’imposer la proximité harassante et insupportable de cette Secrétaire sans scrupule et me priver des douceurs sacrilèges et réconfortantes de cette beauté dépravée ? Pourquoi, diable, n’avait-Il pas inversé les rôles sociaux et les acteurs dans ces tragédies humaines ? » Mais dans sa bonté originelle déroutante, Dieu tint ma hanche et traîna mes pieds devant votre porte, où je fis la rencontre, que dis-je, ou je fus spectateur de l’apparition de votre agréable et accommodante assistante. Les gens de bien s’entourent vraiment d’anges. Ils répugnent les vipères. Et c’est Voltaire qui l’a traduit avec forte conviction: les vertueux ont des amis, seuls les méchants ont des complices.

Votre honneur,

En entrant dans votre Cabinet, vous ne le saviez pas, votre pondérée Assistante non plus, je revoyais ce corps vendu aux enchères et qui permettait aux clients de réanimer leur sensibilité rassie. N’est-ce pas le Diable qui demeure comptable de son déshonneur et sa perte, ainsi que celle de la progéniture qu’elle porte, se convainquent-ils ? Le dire revient à s’astreindre aux barrières qu’impose le manichéisme des arrivistes. Les génies sont souvent le produit de l’innommable. Il faut toucher le fond de soi pour pouvoir se surpasser, me suis-je convaincu alors ! En franchissant la porte, j’étais convaincu, par extrapolation, qu’il n’y avait que des petits juges et d’infâmes secrétaires de juges dans ce bas monde… Lorsque je venais vers vous, je nourrissais des pensées assassines : « Que diable Dieu m’avait-Il fabriqué à Son Image, sans qu’Il m’ait donné son pouvoir démiurgique ? Que ne m’eût-Il doté du pouvoir de transformer une brunette nargueuse-largueuse-diminueuse de Secrétaire du 5e étage en une experte de la nudité, pour lui apprendre les rigueurs immondes de la vie ? En vérité, je n'étais pas préparé à vous rencontrer. Aussi notre première rencontre fut-elle brève. Je retins toutefois de votre réponse posée, martelée, après l’exposé décousu de mes innombrablesmisères, que la justice n’est pas rendue au nom de la sympathie et de la compassion ! En vous écoutant, on croirait lire le Talmud : « Une justice inspirée par la pitié porte préjudice aux victimes ». Je compris à cette occasion que je devais me préparer mûrement pour rencontrer la justice, que je devais convaincre, apprendre à exposer aux yeux et oreilles des juges que je rencontre mes droits et mes devoirs. Lorsque vous vous êtes levé pour prendre congé de moi, à travers votre regard ferme et pénétrant, plein de sollicitude, d’empathie et de respect, j’ai compris que je devais apprendre à me défendre, à revendiquer ce qui m’est dû, avec froideur, cohérence logique, conviction et détermination. Je devais devenir un homme qui comprend l’éthique du jugement judiciaire et administratif.

2. Moyens et éthique de la justice administrative et judiciaire

Votre honneur,

Au cours des discussions qui ont ponctué notre deuxième rencontre, cinq mois plus tard, j’ai appris le sens de l’intervention judiciaire et j’ai sondé l’éthique qui en sous-tend les fondations institutionnelles et les responsabilités individuelles des juges. Un professeur de philosophie, Antoine Manga Bihina, avait fait observer à un membre de votre corps qu’il y a un lien entre le droit et la philosophie : c’est la logique. J’ajouterais qu’entre la philosophie et le droit, le dénominateur commun, c’est aussi l’éthique. L’éthique se situe aux tréfonds de la paperasse soumise au juge ; elle est dans le choix de décider d’un chemin au cœur d’une situation embrouillée ; elle est la capacité de juger en connaissance de cause, c’est-à-dire en s’efforçant de comprendre les non-dits de l’accusation et de la défense, pour restituer l’invisible qui se dissimule dans les plaidoiries et l’instruction formelle d’une affaire de justice. Pour ce faire, il faut que le juge ne se contente pas du visible, c’est-à-dire des signes que l’encre forme sur le papier et qui permet au mieux d’orienter l’intelligence qui délibère. Il doit en sus discuter avec les hommes de chair et d’os, ceux qui peuvent manifester leur état d’esprit et faire jouer leur mémoire, sans éclater en sanglots, de bonne foi, ou mimer les pleurer et des jérémiades surfaites, afin que la vérité des faits se manifeste. Il remonte ainsi la pente raide des prétentions respectives des parties en présence. Il peut donc par la suite situer l’exactitude des faits allégués, restituer fidèlement la trame des événements ou, au contraire, dévoiler aussi bien les motivations que lesdynamiques de dissimulation et d’édulcoration de la réalité qui, appuyées sur la confrontation avec les principes de droit, peuvent lui permettre de rendre un jugement objectif, qui soit adossé sur des motifs suffisants de recevabilité, d’incrimination ou de dédouanement des prévenus. En ce sens, les juges, les conseillers, les avocats et les prévenus ne jouent pas avec la vie ; ils ne rusent pas avec l’infect. La salle d’audience ne saurait être la scène de théâtre où prestent les tortionnaires et leurs victimes ; c’est le lieu de la restitution du sens et de la valeur de la vie humaine. L’audience ne peut, en aucun cas, se muer en le « défilé de la hache », c’est-à-dire le spectacle du comble de l’horreur, ainsi que Flaubert l’avait dépeint dans son roman Salammbô.

Que les juges qui veulent grossir leur cœur de bonté et de justice apprennent donc à se révulser contre l’iniquité, d’où qu’elle vienne ; qu’ils aient la terreur en horreur et ne s’accommodent point des tortionnaires, quelles que soient leur posture et leurs responsabilités gouvernementales, économiques, sacerdotales ou militaires. Qu’ils retiennent de l’histoire des idées et des peuples que la barbarie humaine est comme le génie des hommes : elle est inouïe ! Qu’ils n’oublient pas qu’il faut apprendre à l’homme à se dégoûter des souffrances et des misères infligées cyniquement à autrui. Qu’ils sachent que l’homme peut tuer par férocité, sans besoin, pour assouvir sa fureur. On sait que, très souvent les tueurs, afin d’être entraînés par l’exemple, s’excitent mutuellement. Heureusement, l’histoire de l’humanité est aussipleine d’épisodes où l’homme sauve aussi l’homme, parfois au prix de sa propre vie. Mais une question se fait plus pressante, voire indépassable, dans notre temps et dans nos contrées. Elle gît dans la lucarne du désespoir où se trouvent la plupart des justiciables devant nos barres : peut-on véritablement rendre justice dans une société foncièrement inégalitaire ? La réponse, tout aussi massive, est donné par Anatole France dans Les juges intègres: « Le juge n’a pas à rechercher si les lois sont justes, il n’a qu’à les appliquer justement ». La justice, au sens strict du terme, n’est donc pas le droit du plus faible : c’est l’exigence fondamentale et l’aspiration de tous. Elle est, comme Emma Andrievska l’a si bien observé, « la bonté mesurée en millimètres ». Et pour une écrasante majorité des citoyens, le droit est leur unique héritage : c’est un héritage plus précieux que l’ensemble des biens matériels qui lui ont été transmis par ses ancêtres.

Faire des fautes, comme le parjurer, ou desservir un justiciable, pour un juge consciencieux, c’est aussi croître dans le métier. Mais tout dépend du type d’excroissance qui suit : on peut s’élargir du corps et des comptes bancaires à cause du jus vitaminé de la corruption ; on peut aussi s’approfondir du cœur, dont la densité du volume se mue en compacité du jugement, maîtrise exercée de l’autocritique. En effet, l’anéantissement des vanités pesantes et rentables du poste de juge permet à son détenteur de décider avec la légèreté de la force irrésistible du Vrai. Un juge doit se surpasser. Si, en fin de compte, il prend conscience des dégâts irréversibles que cause cette trahison de l’idéal céleste de vérité et de justice, il acquiert une expérience éthique qui nourrit sa charge. Mais, m’objecteriez-vous, comment une substance finie pourrait-elle se grimper dessus elle-même ? Je réponds qu’ils doivent s’instruire, à rebours, de l’envers du spectacle infâme des clients du Campéro, qui consommaient la féminité sacrilège de cette strip-teaseuse albinos enceinte. Qu’ils renoncent à faire comme ces adjudicataires adeptes du vice, qui profitaient des avantages de la perspective plongeante dont ils bénéficiaient par rapport à cette créature humaine diminuéequi rampait à leurs pieds. Le juge surplombe la société, non parce qu’il surpasse les autres citoyens par quelque caractère ou qualité intrinsèque qui l’élèverait naturellement au-dessus des autres citoyens, mais parce que la société l’a choisi suivant des critères juridiques propres, afin qu’il décide du destin terrestre de ses membres en toute connaissance de cause et en son âme et conscience. Le dédoublement éthique est par conséquent un trait de personnalité distinctif que cultive le Grand juge.

3. Portrait et dédoublement éthique du Grand Magistrat

Au sortir de la deuxième rencontre avec le Président BELOMBÈ, je me dis, dans mon for intérieur : il y a certainement des petits magistrats et des hauts ou des grands magistrats. Le petit juge se fait soudoyer. Il ligote sa conscience et neutralise son jugement personnel : il ne peut plus dire le droit parce qu’il devient inapte à la réflexion critique, incapable de déceler les contradictions (les siennes propres et celles des justiciables) et demeure aveuglé par ses compromissions. Or, la magistrature est un sanctuaire en ce sens que la liberté de conscience du juge est inviolable. Émile de Girardin, dans Les pensées et maximes, écrit à cet égard : « La conscience du juré, celle des magistrats sont des sanctuaires où nul n’a le droit de s’introduire, car essayer d’y pénétrer, c’est porter atteinte à l’inviolabilité de la première des libertés de l’homme : la liberté de conscience ».

Monsieur le Président,

Un cœur enclin à la férocité est inapte à l’empathie ; il est incapable de rendre une justice équitable ! En revanche, un agent ou un cadre de la justice est dévoué au service du peuple. Il est, suivant la formule de Ptah-hoptep, « le messager chargé de l’apaisement de la multitude ». Aussi la formule « Votre honneur », que nous servons aux magistrats, traduit-elle la componction nue devant une dignité crue et une respectabilité éprouvée par une exemplaire expérience de l’équité. Elle vous convient à merveille.

Sans conteste, vous étiez un Grand magistrat. La magistrature est, parmi les responsabilités publiques, la fonction suprême. Je parle ici du corps des magistrats de l’ordre judiciaire et des fonctions assimilées. Alors que le petit juge croit que sa charge est dédiée à la satisfaction des puissants, le Grand magistrat sait que la justice est le commencement d’autrui ; c’est la naissance de l’amour du prochain. C’est pourquoi Paul Ricœur soutient : « L’exigence de la justice a sa racine dans l’affirmation radicale que l’autre vaut en face de moi, que ses besoins valent comme moi ». Le Président BELOMBÈ l’avait compris. D’où sa grandeur…

Il était grand comme un monument ancien, comme une essence forestière sacrée, à l’opposé des brindilles qui remplacent les baobabs. Lorsqu’on est grand de taille, corpulent et que la voix s’échappe de cette armure pour retentir avec finesse et pénétration dans la conscience d’un coup, sans la nécessité d’user de ses gros bras, juste par l’exemplarité qu’elle impose, alors on est doublement grand, comme le Président BELOMBÈ qui s’en va aujourd’hui. Il vous parlait comme s’il vous bénissait, avec les gestes affectés d’une puissance mystérieuse et bienfaisante. Lors de notre deuxième rencontre, en se levant pour prendre congé de moi, j’eus l’impression qu’il débordait de lui-même et que son bureau se rapetissait au fur et à mesure qu’il se redressait sans effort de son fauteuil. Il me communiquait une sorte deplénitude d’être qui manque tant aux petites gens. C’est qu’un Grand magistrat est animé par la passion de la liberté. C’est pourquoi les balances de ses interventions professionnelles ne trébuchent point ; leurs assises ne sont pas chancelantes comme celles de la justice ivre des petits juges, qui attrape la petite mouche et laisse passer guêpes et frelons. C’est que l’instruction et le rendu de la décision, telles que les plus compétents des jugesont l’habitude de les conduire, sont autant de réquisitoires pour sonder la volonté de Dieu ! À cet égard,la parole sacrée conserve son inaltérable portée : les pensées et les chemins de l’Éternel sont impénétrables !

4. La transfiguration de la magistrature en tant que charge divine

Suivant l’exemple du Président BELOMBÈ, le stupre ne devrait pas nous ébranler, nous les rescapés du damier de Dieu. La mort ressemble à un prétoire ; c’est le confessionnal ultime : le trépassé, qui tient ici lieu de prévenu, y dépose ses valises de fautes et de crimes réceptionnés par les greffiers et autres auxiliaires de justices ; les avocats se chargent d’en édulcorer ou d’en accentuer les traits ; les procureurs en font le tri et les répartissent en fonction de l’intensité de la puanteur qui s’en dégage et apportent tous les paquets ainsi constitués au Président du Tribunal, Dieu. Il lui revient de décider du coin de la patrie où devraient être recyclés ces immondices humaines….

Qui peut sensément exaucer la bêtise, sinon un créateur ? Aussi les juges intègres se comportent-ils comme des cliniciens et des chirurgiens. Par leur esprit d’observation, ils s’occupent demanipuler les corps, les viandes saignantes de l’humaine, sans sourciller, apprenant ainsi les moindres recoins du corps où la vie (la vérité) peut se réfugier pour la raviver, à travers la palpation de cette masse engourdie, tourmentée par les rigueurs des lois, les appels du ressentiment ou l’interpellation de la bonne volonté. Oui, comme le dit Platon : « un bon juge est celui qui a acquis une connaissance de l’injustice ». Il sait que Dieu nous fabrique une fois, sans correction. Il comprend que le Créateur interdit à ses envoyés, imans, prêtres, mystiques et autres, de nous retoucher. Qu’Il laisse ses créatures humaines à la charge des parents, des enseignants, des conjoints et enfants, des collègues, mais aussi des magistrats, pour affiner ce portrait-robot. La justice a donc la responsabilité divine de nous moduler, nous tous, suivant les aspirations de l’humanité imaginée par Dieu, autrement dit en vue de parachever l'édifice céleste qu'elle représente.

Il y a donc des Juges, comme André BELOMBÈ, qui comprennent qu'ils sont aussi la main de Dieu. Ce Grand magistrat a rendu ses sentences au nom du peuple, parce qu’il s’est convaincu, avec raison, que le peuple n'est pas simplement un agrégat de singuliers imparfaits queseraient les citoyens, mais un esprit, le souffle de Dieu manifestésur terre à travers la conscience d’appartenance politique qui caractérise les hommes. Aussi s'offusquer d'une injustice fragrante de l'appareil judiciaire peut-il paraître légitime. Mais condamner toute l’institution judiciaire, pour cette cause, est illégitime. C’est pourquoi j’étais

déjà coupable en entrant dans le bureau de ce Grand juge. Finalement, je comprends, par son exemple, que le juge rend justice en son âme et conscience. Quel qu’il soit, quoi qu’il fasse, un juge n'est pas à blâmer si l'on lui interdit de dire le droit, de rendre justice. Une justice injuste est une vue de l’esprit. Fût-elle possible, une justice aux ordres ne ferait jamais des juges des ordures. Elle rendrait seulement plus vif le témoignage des imperfections et des ratés dans les moutures successives que prennent les créatures de Dieu lorsqu’elles s'éloignent de Son Sein, en s'embrigadant dans leurs grandeurs humaines apocryphes. Elles oublient alors de se souvenir de la voix de Dieu, qui est leur bon sens ; elles perdent du même coup les traces et la cadence de ses pas, qui sont pourtant nulle part ailleurs que dans leur poitrine : ce sont les battements rythmés du cœur endurci des hommes qu’ils demeurent après tout. Déconsidérer un serviteur de la Balance nous rend coupable de fait, tout comme celui qui éprouve sans raison de la peur à l’égard du juge, au point de parjurer ou de se contredire. Déconsidérer le juge, juger le juge, c’est mépriser Dieu. C’est se maudire…

Ma rencontre avec les ouvriers de la Balance m'a appris que lorsqu’on va en justice, comme accusateur ou comme prévenu, on doit purifier son cœur, on doit renaître de nouveau. Nous sommes justiciables devant vous, Messieurs et mesdames les juges. Vous êtes les armes de l’Insondable, sa balance de vie. Ces armes de l’Eternel peuvent nous frapper à tort, elles peuvent aussi être diffamées à tort ; pis, elles peuvent même oublier de sévir devant les injustices les plus insoutenables. Mais qu'on en ait été victimes ou bénéficiaires, ces mains qui nous posent de manière intègre sur la balance ou qui oublient de nous y poser demeurent, in fine, les membres du corps de Dieu.

Seigneur, tiens celle-ci, comme toutes les autres qui débordent de la toge des magistrats fidèles à Ta Parole. Celle du Président André BELOMBÈ spécialement m'a tiré in extremis du gouffre où j’étais destinée : elle m’a arraché à l’aigreur, à la haine et à la misère. Bénis-la puisqu’elle s’est contentée de bénir les justiciables justes et qu’elle a puni les injustes, suivant tes divins décrets. Par sa bénédiction et ses rigueurs, il T’a magnifié. Rachète ses minables péchés de créature perfectible. Il tendait de tout son corps majestueux et de tout son cœur gonflé d’amour vers Ta perfection.

Monsieur le Président,

Allez donc enfin, maintenant….

Vous fûtes la main secourable de l’Éternel tendue vers nous, les persécutés, les écrasés et les désespérés. Vous, l’excroissance divine oubliée sur terre, vous vous êtes dérobé à notre regard lorsque nous étions distraits, pour vous replier le long du Corps de Dieu, dont vous fûtes un noble et digne Membre. Désormais vous jugerez les juges, dans la Paix éternelle !

Dr Fridolin NKE,

Expert du discernement

Université de Yaoundé I

nkefridolin2000@yahoo.fr 

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