Mamadou Mota, renseignements instructifs sur le sujet gouvernable à Yaoundé
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Le dernier témoignage du prisonnier politique Mamadou Mota devant la Cour, le mardi 13 août 2019, est très instructif sur le régime de Yaoundé et sa mentalité cruelle.

En effet le vice président du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC), Mamadou Mota, s’est plaint d’avoir été torturé physiquement et psychiquement, d’avoir eu le bras cassé, la tête brisée et sa mère copieusement insultée comme une putaine avec « un gros cul » par ses tortionnaires dans l’enceinte du Secrétariat d’État à la Défense (SED) de Yaoundé.

On peut en déduire que le régime de Yaoundé croit en la mauvaise interprétation de Machiavel selon laquelle les êtres humains sont fourbes par nature. C’est ce genre de mentalité qui considère les défenseurs de la démocratie et des droits de l’Homme au Cameroun comme des optimistes naïfs et philanthropiques. L’opinion du régime Biya sur la nature humaine est étonnamment basse. Pour cette dictature et ce dictateur les gens sont fondamentalement intéressés et peu fiables. Pour Machiavel, plongé dans une realpolitik brutale et trompeuse de son âge, il était évident de savoir quel côté de la nature humaine dominait et, partant, comment un dirigeant devait gouverner. En fin de compte, si votre vision de la nature humaine est effrayante et impossible à faire aimer, vous êtes alors tenu par l’honnêteté de considérer qu’« il est beaucoup plus prudent d’être craint que d’être aimé ».

Vu sous cet angle, pour le régime de Yaoundé, ce qui importe c’est de faire en sorte que les Camerounais ordinaires deviennent des “bêtes sauvages » pour se préserver des sévices corporels voire de la mort, parce que le test de la mort ou de la survie est un moyen de gouverner le peuple. Comme l’a écrit Achille Mbembe dans «Necropolitics», à Yaoundé personne n’est en sécurité et il est considéré comme acceptable de poursuivre une mentalité de (sur)vie dans un univers impitoyable.

C’est pourquoi les tortionnaires de Mamadou Mota, les tontons Macoutes du régime de Yaoundé, sont encouragés à faire preuve d’aucune pitié. C’est une attitude destructrice, trop répandue de nos jours dans ce pays.

L’absence totale de miroir de soi

Dans ce type de société, comme en témoigne Mamadou Mota, il n’y a aucune possibilité de s’engager dans un processus «de regard positif sur soi». Le soi-disant miroir sur soi décrit davantage le processus par lequel les individus basent leur sens de soi sur la façon dont ils croient que les autres les voient. En utilisant les interactions sociales comme un type de «miroir», les gens utilisent en réalité les jugements qu’ils reçoivent ou perçoivent des autres pour mesurer et juger leur propre conscience, leurs agissements et comportements.

Par contre, l’auto-signal, c’est quand les gens sont capables de développer une connaissance privée de soi, qui est constamment brisée au Cameroun. C’est ainsi que Mamadou Mota est également torturé parce que ingénieur agronome de son état, originaire de surcroît du Nord (donc vu par ses tortionnaires comme un briseur d’une forme de hierarchie ethno-sociale), en plus critique féroce du régime de Biya. Il a ainsi une conscience morale et un sentiment personnel d’accomplissement social, que le régime n’accepte absolument pas. En effet, à Yaoundé les gens ordinaires ne peuvent être gouvernés que lorsqu’ils sont rendus dociles par le régime; il n’y a donc aucune possibilité de communication habermassiennes sincères.

Le régime ne croit pas aux incitations positives et considère que les sanctions concourent à donner des leçons pour répandre une certaine idée de bien social et puis rétablir sa conception de l’ordre moral.

Une citoyenneté productive

Les personnes qui interprètent mal le prince doivent lire le trvail de Machiavel sur le discours et comment il croit que l’idéal républicain et la morale en politique sont le seul moyen productif de gouverner.

Un citoyen productif doit faire preuve de courage moral et être prêt à tout pour préserver la notion de vertu dans la société. Dans les Discours on Livy, par exemple, Machiavel affirme non seulement que les «gouvernements du peuple» sont supérieurs à ceux des princes, mais écrit également que ‘ « aucun prince ne profite jamais de se faire haïr ». En effet, Machiavel écrivait à une époque où les outils nécessaires pour acquérir le pouvoir n’étaient pas les mêmes que ceux nécessaires pour gouverner. Machiavel reconnaît que les principes moraux et les bonnes émotions sont des éléments nécessaires à une politique productive.

En dépit de toutes les souffrances, le témoignage de Mamadou Mota est également un témoignage de courage moral face à l’adversité, de passion pour faire avancer les choses et de refus forcené de s’arrêter puis de se faire domestiquer par la peur ou la menace de la violence voire de la mort. À la base, une philosophie d’action qui renverse la politique par la pure persévérance, et qui surtout renvoie le miroir aux agresseurs en leur révélant toute la vérité sur leurs abus.

De plus, avec une économie de plus en plus basée sur l’information instantanée, ce type de pouvoir basé sur la propriété privée et l’appropriation des corps est de plus en plus inefficace. Cela montre, ici, à quel point l’histoire est du côté de Mamadou Mota et comment les gens comme lui qui pourraient être considérés comme les perdant à un moment donné sont en réalité les grands gagnants à long terme.

Parce que l’arc de l’histoire peut être long, mais il se penche toujours vers la Justice, ce qui est une leçon de réalisme valable tout le temps, parce qu’elle est un idéal de pouvoir d’intelligibilité politique.

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