Cameroun: Oumarou Fadil « L'état a reversé aux collectivités territoriales décentralisées près de 600 milliards Fcfa »
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Cameroun: Oumarou Fadil « L'état a reversé aux collectivités territoriales décentralisées près de 600 milliards Fcfa » :: CAMEROON

La dernière adresse de Paul Biya à la nation a remis au goût du jour les questions de décentralisation et municipalisation. S’agissant donc de la décentralisation, nous convenons de dire qu’elle consiste en un mode d’organisation et de gestion des affaires publiques caractérisé par un transfert de l’État vers les collectivités territoriales décentralisées, des compétences particulières et des moyens appropriés pour les exercer. On pourrait ajouter que cette décentralisation peut se faire au plan territorial ou au plan purement économique. Au détour d’une cérémonie organisée à Douala, le Messager a saisi ce prétexte pour rencontrer l’ancien maire de la commune d’arrondissement de Douala III pour évaluer avec lui le chemin parcours. Et dire si des évolutions peuvent-elles aujourd’hui se dessiner au delà des affirmations que font certains pontes du régime. Dans l’interview qui suit, celui qui depuis son départ de la mairie enchaîne séminaires après séminaires sur des questions aussi variées qu’importantes dit si les principaux organes de suivi de ce processus sont-ils mis en place et rendus opérationnels. Aussi évoque-t-il dans les lignes suivantes les ressources financières légalement dévolues aux collectivités territoriales décentralisées par transfert de fiscalité, par dotation ou par les deux, le montant alloué. Pour sa part, les camerounais doivent garder présent à l’esprit que loin d’être une panacée pour la satisfaction de tous leurs besoins d’émergence et d’épanouissement, la décentralisation n’en est qu’une modalité et qu’elle se doit de préserver d’autres équilibres majeurs.

Dans son adresse à la nation, Paul Biya s’est appesanti sur la notion de décentralisation. Qu’elle éclairage en faites?

Je rappellerai rapidement que ce mode d’organisation et d’administration de l’État trouve ses origines dans l’histoire profonde du Cameroun, notamment dans les années qui suivirent la fin de la première guerre mondiale, avec l’institution du régime de mandat sous les auspices de la Société des Nations, puis de celui de la tutelle avec l’avènement de l’ONU. Au cours de cette période, on avait alors assisté à une municipalisation progressive du territoire camerounais, guidée par le principe de « l’Indirect Rule » dans la partie occidentale du pays administrée à cette époque par la Grande-Bretagne et rattachée au Nigeria, ce pendant que la partie orientale administrée par la France était davantage gérée sur la base d’un modèle marqué par l’intégration des populations locales à l’administration française.

La période post-indépendance va se traduire quant à elle par un certain ralentissement de cette tendance, notamment dans l’ex-Cameroun oriental.

De fait, la parenthèse fédérale de 1961 à 1972 laissera subsister deux systèmes de gestion des affaires locales, avec une autonomie plus poussée dans l’État fédéré du Cameroun occidental que dans celui du Cameroun oriental. La Constitution du 2 juin 1972 n’offrira en réalité que des perspectives réduites à l’enracinement de la décentralisation.

La Constitution le 18 janvier 1996 donne une nouvelle impulsion et un contenu plus ambitieux à la décentralisation. Cette mutation fondamentale ouvre alors la voie à un véritable enracinement d’un processus de la décentralisation.

En son article 1er en effet, la Constitution de 1996 stipule que le Cameroun est un État unitaire et décentralisé.

Mais au-delà de cette affirmation de principe, peut-on affirmer aujourd’hui qu’une triple évolution se dessine clairement ?

Je répondrai par l’affirmative. Je dirai qu’elle porte à la fois sur l’amélioration au plan institutionnel de la représentativité des collectivités territoriales décentralisées de par la création du Sénat, l’avènement des Régions et la consécration des principes directeurs de la décentralisation

qui sont l’autonomie administrative et financière des collectivités territoriales décentralisées, la tutelle de l’État sur lesdites collectivités, le transfert de certaines compétences de l’État vers ces mêmes collectivités. Suivront dans la foulée, l’adoption d’importantes lois et la signature de nombreux textes réglementaires visant à assurer l’encadrement juridique du processus de décentralisation.

Dans le même temps, peut-on dire que les principaux organes de suivi de ce processus sont-ils mis en place et rendus opérationnels ?

Evidemment ! Notamment le conseil national de la décentralisation, le Comité Interministériel des services locaux, le Comité national des Finances locales et la Commission interministérielle de coopération décentralisée. C’est dans ce contexte qu’interviennent dès l’année 2010 les premiers transferts de compétences et l’entame de la dévolution des ressources au bénéfice des collectivités territoriales décentralisées.

Outre le socle juridique et institutionnel mis en place pour impulser le processus de décentralisation et dont vous venez de tracer les contours, Certaines langues pensent que le bilan à ce jour de l’évolution de ce processus ne révèle pas des faits significatifs au plan opérationnel. Que leur répondez-vous ?

Je répondrai par exemple en ce qui concerne principalement le transfert des compétences et des ressources, ainsi que les questions spécifiques à la fiscalité. S’agissant du transfert des compétences et des ressources, on peut affirmer que le bilan est globalement satisfaisant. L’échéance de l’année 2015 par exemple fixée par le Conseil National de la Décentralisation pour le transfert de l’entièreté des compétences aux collectivités territoriales telles que répertoriées par la loi a été respectée à près de 97%. Ainsi : au 31 décembre 2015, 60 compétences sur les 63 prévues à ce titre à partir de 20 départements ministériels, ont effectivement été transférées par l’État aux communes et communautés urbaines. Le transfert des trois compétences restantes a été quant à lui rendu effectif à la faveur des décrets y afférents signés par le Premier Ministre, Chef du Gouvernement en date du 16 décembre 2016.

Qu’en est-il des ressources financières légalement dévolues aux collectivités territoriales décentralisées par transfert de fiscalité, par dotation ou par les deux, le montant alloué pour la période 2010-2015 ?

Je dirai qu’il se chiffre à quelque 251 milliards Fcfa. S’agissant de la fiscalité elle-même, l’État a déjà transféré aux collectivités territoriales décentralisées les droits de timbre automobile communément appelés « vignette », la taxe de développement local, une quote-part des centimes additionnels communaux, ainsi qu’une quote-part de la redevance forestière annuelle. Le produit de toutes ces taxes collectées par le Trésor Public et reversées aux communes par le FEICOM s’élève à environ 337 milliards Fcfa.

Combien l’Etat selon vous a-t-il reversé aux collectivités territoriales décentralisées depuis 5 ans ?

Au total, en cinq ans, l’État a reversé aux collectivités territoriales décentralisées près de 600 milliards Fcfa au titre du transfert de compétences et des ressources financières. Pour ce qui est des ressources humaines, les personnels affectés au fonctionnement des entités décentralisées bénéficient à périodicité régulière, d’un renforcement de capacités appréciable, à travers la prise en charge par l’État de séminaires et ateliers, ainsi que des programmes de formation dispensés par le CEFAM, le Centre de Formation pour l’Administration Municipale et le Centre National de Formation aux Métiers de la Ville.

Au registre des rémunérations des personnels des collectivités territoriales décentralisées, le Chef de l’État a rendu exécutoires les dispositions du décret allouant aux membres des exécutifs municipaux une rémunération statutaire, de même que certains avantages et indemnités.

Dans le même ordre d’idée, les indemnités des conseillers municipaux ont été revalorisées. Voilà donc globalement présentés les acquis à l’heure actuelle du processus de décentralisation dans notre pays.

Mais nous ne serions pas tout à fait complets dans la présentation de ce tableau, si nous ne notions pas que, quoique substantiellement appréciable en termes de progression vers l’optimum projeté, le processus de décentralisation comporte encore certains points d’insatisfaction, qu’on peut regrouper en deux catégories : les problèmes de financement et ceux portant sur la gestion des compétences transférées.

Tout n’est pas rose pour autant…..Au chapitre des insuffisances en matière de financement, il faut relever une certaine inadéquation entre la nature et l’ampleur des missions dévolues aux collectivités décentralisées, l’exercice des compétences qui leur sont transférées et le volume des ressources allouées et rendues disponibles ; l’inadaptation des procédures de délégation des crédits aux impératifs de flexibilité et d’opérationnalité des projets à exécuter .

Aussi devrais-je ajouter la faible capacité des collectivités territoriales décentralisées à tirer profit de leur autonomisation et des potentiels locaux pour générer des ressources endogènes. En ce qui concerne la gestion des compétences transférées, les difficultés portent principalement sur les points suivants : le déficit de collaboration entre les collectivités territoriales décentralisées et les services déconcentrés de l’État ; la complexité de certaines compétences et des procédures requises pour leur exercice, en rapport avec le faible niveau d’expertise des ressources humaines disponibles pour le fonctionnement des collectivités territoriales décentralisées.

Dans l’optique du parachèvement de ce processus de décentralisation, des actions précises ne se doivent-elles pas naturellement d’être envisagées et mises en œuvre au niveau du gouvernement, tant au plan juridique, institutionnel qu’opérationnel ?

Bien entendu. Au plan juridique et institutionnel, il s’agit de mettre la dernière main à des textes règlementaires dont la plupart sont déjà parvenus à l’étape ultime de leur élaboration. Ces textes concernent principalement les statuts des personnels et des élus locaux et le fonctionnement des Régions. Par ailleurs, certaines dispositions législatives devront venir compléter celles déjà existantes pour la gestion des domaines non encore encadrés ou insuffisamment réglementés.

La mise en place effective des Régions nécessite pour sa part une démarcation précise entre les domaines de compétence desdites Régions et ceux de l’État central, y compris ses structures déconcentrées.

Un tel impératif ne nécessite-il pas une révision du texte organique du ministère de l’administration territoriale et de la décentralisation, en vue de son adaptation au contexte actuel, c’est-à-dire celui de la prise en compte des territoires de compétence des structures décentralisées ?

Je suis d’avis qu’il apparaît nécessaire de renforcer l’autonomie administrative et financière des collectivités territoriales décentralisées, de relever de manière substantielle la dotation générale de la décentralisation dans son volet investissement, notamment en ce qui concerne les domaines jugés prioritaires en matière de développement local, à savoir l’éducation, la santé, l’eau, l’électrification rurale, l’assainissement, etc.

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