Le combat pour la transition démocratique en Afrique
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Le combat pour la transition démocratique en Afrique :: AFRICA

Le collectif « Tournons la page » appelle les dirigeants africains à favoriser la transition démocratique. Invité par le Secours catholique, le mercredi 1er  avril 2015 à Paris, il affirme que les populations africaines aspirent à en finir avec ces familles qui privatisent le pouvoir depuis des décennies.

L’alternance démocratique en Afrique, ils y croient, ils l’espèrent et ils se mobilisent pour qu’elle advienne dans leur pays. Congolais, Camerounais, Gabonais, Burundais, ils étaient une dizaine mercredi 1er  avril 2015, réunis par le Secours catholique à Paris, pour alerter l’opinion publique sur la nécessité d’en finir avec les régimes autoritaires africains dans le cadre de la campagne « Tournons la page ». Une campagne portée par un collectif de militants et d’associations européens et africains (dont le Secours catholique et le CCFD), qui entend construire les conditions d’une véritable démocratie en Afrique.

« Les Africains aspirent à maîtriser leur destin »

« Dans les médias, on parle d’Afrique dans trois cas de figure : c’est une opportunité économique, un foyer de déstabilisation et un continent à secourir. L’Afrique, on s’y enrichit, on s’en protège, on l’aide, note Jean Merckaert, rédacteur en chef de la revue Projet et organisateur de cette campagne, après avoir été l’un des coauteurs des rapports sur les biens mal acquis. Nous voulons mettre à la connaissance de tous que les Africains aspirent comme les autres à maîtriser leur destin. En premier lieu, à choisir librement leurs dirigeants. »

Et de constater que sur ce plan-là, on est bien loin du compte. « Quand on classe les pays dans le monde en fonction de la part de la population qui n’a connu que la même famille au pouvoir, 14 des 20 premiers sont africains », déplore Jean Merckaert.

« Y’en a marre »

En pole position, le Togo et le Gabon. Selon l’étude présentée mercredi soir par le collectif « Tournons la page », 88 % des Togolais n’ont connu au pouvoir que la famille Gnassingbé (au pouvoir depuis 1967) et 87 % des Gabonais les Bongo (au pouvoir depuis 1967), bien avant la Syrie de la famille Assad (au pouvoir depuis 1970). Viennent ensuite l’Angola, l’Ouganda, la Guinée équatoriale, le Cameroun, le Congo, le Zimbabwe, le Tchad, le Soudan, l’Érythrée, la Gambie et la République démocratique du Congo.

Pourtant, il existe en Afrique une aspiration au changement, à la transition démocratique qu’il ne faut pas sous-estimer. Le Nigeria vient d’en donner l’illustration par les urnes. Avant lui, c’était le Sénégal avec la mobilisation citoyenne de « Y’en a marre ». En octobre 2014, c’était au tour de Blaise Compaoré de quitter le pouvoir burkinabé sous la pression populaire, en particulier du « Balai citoyen ».

L’inquiétude des régimes en place

Cet élan est en train de gagner bien d’autres pays, comme le Tchad avec la constitution, à l’automne dernier, de la plate-forme « Trop c’est trop », constituée sur le modèle du « Balai citoyen » burkinabé.
 
Cette aspiration inquiète les régimes en place. Brice Makosso, le secrétaire permanent de la commission Justice et Paix de Pointe-Noire, en République du Congo, à l’initiative de la campagne « Tournons la page » avec Jean Merckaert, en sait quelque chose. « Notre président Sassou Nguesso va totaliser 37 ans de pouvoir en 2016. Selon la constitution, il ne peut pas briguer un troisième mandat présidentiel. Mais à l’évidence, il s’y prépare », craint-il. C’est pourquoi il participe à la campagne « Tournons la page ».

« Nous devons nous mobiliser contre, indique-t-il. Mais le pouvoir se défend. Se mobiliser pour la bonne gouvernance et l’alternance politique vous crée des ennuis. J’ai été emprisonné, assigné à résidence. Malgré tout, je suis déterminé à poursuivre cet engagement. »

Carrière brisée

Le Gabonais Marc Ona Essangui, secrétaire de Brainforest-Gabon, une ONG qui lutte contre les trafics environnementaux au Gabon, constate : « Notre pays est riche, mais la famille Bongo qui le dirige d’une main de fer depuis près de 50 ans détourne cette richesse à son seul profit : condamnant la plupart des Gabonais à vivre avec le minimum vital. Le Gabon est une République, pas une monarchie. C’est en principe une démocratie, pas une dictature. »

Pour la seule raison d’avoir protesté contre le New York Forum Africa organisé par Richard Attias à Libreville, l’année dernière, jugeant que « l’argent engagé dans cette opération de communication aurait été plus utile s’il avait été investi dans les hôpitaux gabonais qui manquent de tout »,  Marc Ona Essangui a été arrêté. « Je ne compte plus le nombre de fois où j’ai été menacé, arrêté, emprisonné », dit-il.

La carrière de Jean-Marc Bikoko, présent lui aussi mercredi soir à Paris, professeur d’histoire géographie au Cameroun, a été brisée à cause de sa mobilisation pour l’alternance démocratique dans son pays.

Des engagements qui exposent aussi les familles de ces militants. « J’ai dû mettre la mienne à l’abri en France, confie Marc Ona Essangui. Je n’avais pas le choix. »

© la-croix.com : LAURENT LARCHER

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