Hôpital Laquintinie : Vie de misère derrière la blouse blanche
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Des infirmiers et brancardiers gagnent entre 28 000 et 46 000 F. Cfa par mois dans cette formation hospitalière.

La peur se lit sur son visage. « Je ne veux pas vous parler. S’il vous plaît laissez-moi en paix», supplie- t-elle en regardant à gauche et à droite. Elle traverse rapidement la cour menant au bloc pédiatrie et disparaît dans un couloir où entrent et sortent des hommes et femmes vêtus de blouse blanche comme elle. « Je ne peux pas parler. Si on l’apprend, on va me virer », lâche un jeune homme, vêtu de sa blouse blanche. Quelques mètres plus loin, aux services des urgences, un brancardier, adossé au mur et visiblement fatigué, se montre violent : « si je vous parle vous allez augmenter mon salaire ? Cela fait des années que je parle aux journalistes et rien ne change. Allez ailleurs ».

A l’hôpital Laquintinie de Douala, capitale économique du Cameroun, des infirmiers et brancardiers n’aiment pas confier aux inconnus leur « vie de misère ». « Nous avons des infirmiers qui gagnent 46 000 F. Cfa le mois ici (l’hôpital Laquintinie, ndlr). Certains brancardiers perçoivent 28 000 F », déplore Nathalie Likane. La vice-présidente régionale du Syndicat national des personnels médico-sanitaires du Cameroun (Synpems) détaille : pour un infirmier titulaire d’un Bepc par exemple, le net à toucher, taxe comprise, est d’environ 52 000 F par mois, celui avec un niveau de la classe de première perçoit à peu près 67 000 F, des brancardiers touchent 28 000 F, les infirmiers diplômés d’Etat gagnent moins de 80 000 F... « Il est carrément impossible de s’occuper de notre famille avec ce salaire », murmure un infirmier.

Selon lui, ses frais de transport, évalués à 1000 F par jour, engloutissent plus de la moitié de sa paie, sans compter sa nutrition. Conséquence : cet infirmier se retrouve « avec 18 000 F » à la fin du mois.

Voler pour survivre

Pour nourrir leur famille, payer les frais de scolarité de leurs enfants et le loyer, ces infirmiers et brancardiers sont obligés de trouver des voies et moyens pour se faire de l’argent. Les patients sont leurs premières victimes. « Ce sont tous des bandits. Ils volent des seringues et même des comprimés », s’insurge une gardemalade, allongée sur le gazon à quelques pas de l’entrée principal de l’hôpital. Sa voisine dont la fille a subi une opération chirurgicale est plus explicite.

De retour de la pharmacie avec les médicaments prescrits par le médecin, elle a déposé le « paquet » au chevet de sa fille endormie pour aller s’acheter de quoi manger. « Dès mon retour, il manquait deux boîtes de médicaments. L’infirmière qui est passée juste après mon départ a juré qu’elle ne les avait pas prises », explique-telle. En cas de découverte, ces infirmiers risquent trois mois de suspension. Ce qui n’empêche pas les brancardiers de doubler voire tripler le prix de leur service pourtant gratuit au départ, selon certaines sources.

Au lieu de 1000 et 1500 F pour le transport d’un patient jusqu’au lieu souhaité (urgences et autres services), il faut débourser ou 3000 et parfois 5 000 F. Cfa. « Certains infirmiers détournent même les malades en les envoyant dans leur petit centre au quartier, juste pour se faire de l’argent », assure Nathalie Likane. Sans toutefois justifier cette attitude, elle pense que l’Etat doit revaloriser les salaires dans les hôpitaux publics. C’est d’ailleurs l’une des raisons de la grève.

© Le Jour : Josiane Kouagheu

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