Fichier électoral : Elecam et le jeu trouble des chiffres
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Depuis 2013, Elecam n’a pas inscrit 1 200 000 électeurs officiellement, alors qu’il y a 5 ans il annonçait avoir inscrit plus de 5000 000 en 18 mois. Qui a peur du nombre sur les listes électoral ?

L’un des enjeux majeurs de l’élection du 07 octobre prochain est le corps électoral, composé dans le cas d’espèce de tous ceux qui sont inscrits sur les listes électorales. Mais combien sont-ils ? Impossible à ce jour de le dire avec exactitude, et l’équation semble être à plusieurs inconnus pour Elections Cameroon, si l’on s’en tient aux chiffres que l’organe publie au fils des années et au rythme des ouvertures et clôtures des opérations d’inscriptions sur les listes. D’après l’article 72 du Code électoral, la liste électorale comprend tous les électeurs inscrits résidant dans la commune depuis 6 mois. La liste nationale comprend donc au final les inscrits de toutes les communes. En reprenant les chiffres depuis l’élection présidentielle de 2011, on part de 7 251 651 Camerounais inscrits sur les listes électorales cette année-là.

Au commencement, la refonte

Au sortir de ces élections de 2011, le gouvernement décida de la refonte des listes électorales, c’est-à-dire qu’il fallait mettre de côté la liste existante et tout reprendre. D’après l’article 76 alinéa 1 du code électoral, « En cas de refonte, il est procédé à la reconstitution intégrale des listes électorales », alors qu’en période de révision, comme le précisent les alinéa 2, 3 et 4, on ajoute à la liste électorale, les citoyens qui remplissent les conditions exigées par la loi ou qui qui ont été précédemment omis, en même temps que sont retranchées de la liste les personnes décédées, celles dont la radiation a été ordonnée par l’autorité judiciaire compétente, celles qui ne remplissent plus les conditions exigées par la loi et celles qui ont été indûment inscrites. Dans le même temps, sont apportées à la liste électorale toutes les modifications relatives aux changements de résidence ou à des erreurs matérielles constatées notamment sur les noms, prénoms, filiation, date et lieu de naissance des électeurs.

Après cette opération de refonte décidée le 7 février 2012, le fichier électoral pointait alors 5 454 459 inscrits à la veille des élections locales de 2013. Exactement 2 033 820 électeurs avaient disparu, comparativement au chiffre de 2011. Elections Cameroon expliqua alors que parmi ces 2 000 000 d’électeurs, il y a ceux qui étaient morts, les doublons de l’ancienne liste et aussi ceux qui ne voulaient plus s’inscrire. En tout cas ce fut un exploit de réaliser ces chiffres et on peut lui tirer un coup de chapeau pour cette performance atteinte en un an et demi.

Moins de 200 000 inscrits par an depuis 5 ans

Un coup de chapeau à Elecam parce que depuis lors, les inscriptions sont très faibles, et démontrent que quelque chose cloche quelque part. En 2016, l’organe a officiellement inscrit 510 362 électeurs, 403 069 électeurs en 2017 et le 22 juin 2018 il y a deux mois, il annonçait avoir inscrit 324 463 électeurs depuis le 02 janvier 2018.

En regardant ces chiffres de près, on constate que depuis 3 ans, Elecam n’a pas pu inscrire 600 000 électeurs chaque année. Pire, en cette année 2018 où la campagne pour les inscriptions a été plus intense avec l’opération 11 millions, l’implication de la société civile et des partis politiques, l’organe n’a même pas pu enregistrer 350 000 électeurs, alors qu’en 2016 quand il n’y avait aucune mobilisation le chiffre de 510 000 avait été annoncé. Pis encore, le 14 juillet 2017, Elecam publie un document dans lequel on lit qu’il y a déjà 6 367 750 électeurs sur le fichier, et un mois plus tard le 31 août, le même organe publie un état de distribution de carte et parle plutôt de 6 073 530 cartes imprimées. En un mois, 294 220 électeurs avaient disparu.

A ce jour, Elecam a annoncé au cours d’une réunion qui a précédé celle avec les diplomates à Yaoundé, que le fichier électoral comportait 6 470 134 électeurs. En reprenant tout depuis la refonte décidé en 2012, on constate qu’en 18 mois, de février 2012 à septembre 2013, Elecam avait réussi l’exploit d’inscrire près de 5 500 000 électeurs sur les listes électorales, mais de janvier 2014 à juillet 2018, c’est-à-dire en 5 ans il n’a pu inscrire que 1 015 675 électeurs.

L’arme du crime

C’est là où les observateurs électoraux disent que le premier niveau de la fraude électorale est la manipulation des chiffres. Comment comprendre qu’en 18 mois l’on inscrive 5 millions de personnes sur les listes électorales, et qu’immédiatement après on inscrit à peine 200 000 chaque année pendant 5 ans ? Soit le chiffre de 5 millions avancé en 2013 était faussé, soit il était bon et le rythme des inscriptions est resté ainsi pour les années suivantes mais Elecam ne veut pas publier les vrais chiffres, qui si l’on s’en tient à cette tendance devrait se situer autour de 13 millions aujourd’hui.

Chiffre d’ailleurs vraisemblable comparé à la population estimée à 23 millions, étant donné que la proportion démographie/ corps électoral est généralement de 50% dans d’autres pays, y compris en République centrafricaine tout proche de nous. Inutile de rappeler que pour la diaspora, Elecam annonce également 15641 électeurs inscrits sur les listes dont 79 électeurs aux Etats unis et 44 au Canada. Depuis 2012 d’ailleurs, Hilaire Kamga de l’offre Orange qualifiait déjà le fichier électoral de 2011 de l’arme du crime qui avait permis de faire le hold up électoral en faveur du président Paul Biya, et disait que la refonte annoncée ne sera autre chose qu’une nouvelle escroquerie politique. 5 ans après, tout semble lui donner raison, et on peut légitimement se demander à qui une bonne liste électorale avec 11 millions d’électeurs ferait du mal.

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