Une note a circulé ces derniers jours sur le web, postée notamment par des guerriers tribalistes du clavier sous influence du régime Biya, demandant explicitement aux seuls « Béti du gouvernement de Kondengui » d’apporter les 12 milliards de francs CFA nécessaires à la campagne dite humanitaire lancée par le dictateur Paul Biya.

Il est étonnant, d’abord, que les mêmes personnes qui prétendent être des acteurs « rationnels » et impartiaux de la sphère publique camerounaise soient de la sorte les premiers à gober la propagande du régime qu’ils disent combattre. Ceci est d’autant plus grave que cette activité « rationnelle » est alimentée par l’imagination tribale et l’assentiment de facto à la pratique « Sun Tzuesque » de Biya qui consiste à écarter du champ de bataille politique tous les Camerounais ordinaires que le régime considère comme une menace à son régime.

Pourtant il aurait dû être clair pour nos acteurs politiques voulus «rationnels» de comprendre qu’être en prison au Cameroun sous ce régime dictatorial ne signifie pas automatiquement que vous êtes coupable. Le CL2P peut en la matière objectivement soutenir le contraire, et considérer les « Béti» maintenus arbitrairement en prison comme en réalité les moins corrompus des fonctionnaires camerounais, dans le contexte de prédation généralisée et systémique de la fortune publique qui prévaut dans ce pays. Ce faisant, le système pénitentiaire au Cameroun ne sert pas l’objectif que la plupart des gens pensent ou imaginent. Ce système pénitentiaire reflète malheureusement l’échec cuisant de l’idée répandue qui voudrait que le régime de Yaoundé serait engagé dans la lutte contre la corruption. En fait, ce n’est pas le cas, alors que Transparency International continue de classer le pays comme l’un des plus corrompus au monde.

Le CL2P peut affirmer que la prison privée de Biya ne peut pas résoudre les problèmes qu’elle prétend, dont celui de la corruption. Qui plus est, cela participe uniquement à l’abrutissement du peuple camerounais et à la promotion d’une culture du nihilisme. En effet, les Camerounais ordinaires doivent savoir que lorsque vous commencez à faire des déclarations publiques critiquant le « gouvernement de Kondengui» comme étant constitué des «voleurs» désignés de la république de Paul Biya, vous devez également entériner que vous serez le moment venu appelé à rendre des comptes et à payer l’addition en terme de réparations à verser aux victimes vilipendées aujourd’hui.

En effet la démocratie n’est pas une vache sacrée, c’est d’abord un outil, bon dans les bonnes mains, mortel entre les mauvaises. Vous ne pouvez pas voter par ignorance, vous ne pouvez pas voter par haine ou par peur de ne pas vouloir quelque chose. Ce doit être un acte positif. La démocratie exige un certain degré d’intelligence et de discernement, une certaine confiance en ceux qui se sont montrés dignes de confiance dans le passé. Car nous avons besoin de politiciens qui ont prouvé leur intelligence, qui argumentent à partir de faits bien documentés, disent la vérité (même quand elle s’avère inconfortable) et font preuve de solides références en matière de débat, en s’attirant le soutien des meilleurs et des plus exigeants auditeurs ou contradicteurs – tous raisonnablement intelligents.
D’un autre côté, les usages de la haine, de la bigoterie, de la distorsion des informations, des fausses accusations, et de l’arrogance politique pour faire appel aux sentiments les plus bas d’un public essentiellement mentalement / émotionnellement / spirituellement défaillant n’ont pas leur place dans une vraie démocratie.

Le Comité de Libération des Prisonniers Politiques (CL2P)
http://www.cl2p.org