Cameroun: 10 Avril 1948 -10 Avril 2018 : L'UPC en lambeaux
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Cameroun: 10 Avril 1948 -10 Avril 2018 : L'UPC en lambeaux :: CAMEROON

La plus vieille formation politique du pays, l'Union des populations du Cameroun (UPC), grand artisan de l'indépendance et de la réunification des Cameroun de culture anglophone et francophone, commémore son 70è anniversaire ce jour dans un contexte marqué par les divisions internes.

10 avril 1948 - 10 avril 2018, l’Union des populations du Cameroun (upc) a 70 ans. Une histoire faite de combats, de trahisons et de drames. Avec une cohorte d’assassinats : Um Nyobè, Moumié, Kinguè, Ouandié, Osende Afana... 
  
C’est ce mélodrame que le docteur en médecine Bakang ba Tonjè, upéciste bon teint tente de restituer dans un fascicule de 88 pages paru en 2005 aux Editions Kunde.

Dans cet ouvrage intitulé “ Les derniers jours de Ruben Um Nyobè” dans la collection “ Sur le chemin de l’émancipation nationale : le Kamerun ”, l’auteur esquisse la biographie de quelques martyrs de la lutte nationaliste pour l’indépendance et la réunification du Cameroun. Ceux que nous venons de citer ci-dessus. Mais l’auteur s’attarde surtout sur le cas du secrétaire général qui aura particulièrement marqué l’histoire du Mouvement. Dans son introduction, Bakang ba Tonjè précise que sa contribution n’est pas un témoignage de plus sur le passé (il n’a pas été au maquis) ni une défense de la mémoire de nos martyrs mais qu’il s’agit de sa “ lecture particulière des événements dont nous avons eu connaissance, en vue d’ouvrir des pistes de réflexion pour l’avenir, en tirant le maximum de leçons de cette expérience passée. ” Plus loin, il entend “ contribuer au devoir de mémoire, apprendre aux jeunes et au peuple la vérité sur leur histoire, c’est apporter une contribution inestimable à la lutte du peuple pour son émancipation. ”

Dans la préface, le journaliste Louis-Noé Mbengan, non moins militant de l’Upc plante le décor en rappelant le conflit d’intérêt entre la France colonialiste et le mouvement nationaliste camerounais. Pages 9 et 10 de l’ouvrage, le préfacier relève ce qui, pour le gouvernement français, sera perçu comme le crime qui entraînera la mise à mort de Mpodol. “ Le 13 décembre 1946 l’Assemblée générale de l’Onu place sous la tutelle de la France le Cameroun et le Togo qui devaient plutôt être placés sous la tutelle de l’Onu. En d’autres termes, le Cameroun et le Togo font désormais partie de l’empire colonial français et plus précisément de ce qu’on appelait alors l’Union française. ”

S’agissant plus précisément du Cameroun, écrit le préfacier, Um Nyobè et ses camarades s’élèveront à juste titre contre cette escroquerie. Dans un rapport présenté au Comité directeur de l’Union des populations du Cameroun (Upc) le 7 septembre 1954, le secrétaire général Ruben Um Nyobè précise que “ la résolution adoptée par le Conseil de tutelle au cours de sa 13ème session tend vers la réalisation de notre désir. En effet, poursuit-il, le Conseil de tutelle a recommandé que les relations entre le Cameroun et l’Union française ne devaient tenir compte que des dispositions de la Charte et de l’Accord de tutelle. Or, ni la Charte, ni l’Accord de tutelle ne sauraient patronner l’intégration du Cameroun dans l’Union française sans violer le statut de tutelle en lui-même ; car le régime de tutelle doit conduire le pays bénéficiaire à l’indépendance, tandis que l’intégration dans l’Union française conduit à l’assimilation. ”

Signature de l’arrêt de mort

Cette dénonciation, rappelle Louis-Noé Mbengan, contrarie les visées annexionnistes de la France sur le Cameroun. Et du coup, leur assassinat est inscrit dans le chronogramme de l’administration coloniale d’autant que, dans le débat politique, Um Nyobè confondra ses contradicteurs français et assimilés aux Nations unies et partout ailleurs, chaque fois qu’il est pris à partie.

Pour emprunter une expression en vogue de nos jours, on peut dire que la feuille de route de l’administration coloniale française comporte dès cette date, l’élimination physique de Ruben Um Nyobè et de tous les dirigeants du Mouvement nationaliste camerounais, pour avoir osé revendiquer leurs droits pourtant reconnus par la communauté internationale tout entière.

Toutes les manifestations de bonne volonté, tous les appels au dialogue, au débat démocratique de la part de Um Nyobè et de l’Upc se heurteront à un mur de silence de la part des autorités françaises.

Um Nyobè doit être mis à mort. La décision était prise. Il ne restait plus qu’à gérer le calendrier de l’exécution.

Dans la suite de l’ouvrage, le Dr bakang ba Tonjè relate alors, force témoignages à l’appui tous les ennuis qui vont s’abattre sur le Sg de l’Upc et sur tous les autres leaders nationalistes camerounais. Ruben Um Nyobè ne sera pas seulement traqué par l’administration française. Même les hommes des églises catholique et protestante, s’acharnent contre l’Upc et ses cadres qui, selon eux, “ gangrènent le Cameroun ”. Non seulement Um Nyobè sera éconduit d’un culte de Sainte cène le 10 avril 1953 à New-Bell par le pasteur Joseph Tjega Mbôgôl de l’Eglise presbytérienne américaine, mais il sera ex-communié.

L’auteur met surtout l’accent sur le rôle central tenu par Mayi Matip ma Ndombol dans le traquenard ourdi par la France contre Um Nyobè. Toutefois, l’ouvrage suscite moult interrogations, de doute aussi.

On a du mal à comprendre pourquoi même les compagnons de maquis du Sg de l’Upc n’arrivent pas à être unanimes sur la date exacte de son assassinat. Pour certains, c’était le 11 septembre, pour d’autres, le 13. On peut aussi s’étonner du fait que pour un mouvement nationaliste, Um Nyobè n’avait autour de lui que ses “ frères ” de village comme du reste Ouandié lors de son arrestation aux environs de Mbanga. Ce qui peut expliquer en partie et pour le profane ce que ce mouvement est resté de nos jours : une sorte de puzzle presque impossible à rassembler.

L’auteur annonce une autre contribution

La confiance aveugle, voire suicidaire que Um Nyobè plaçait en Mayi ma Matip n’est pas moins énigmatique, tout comme les autres questions relatives aux finances du mouvement en septembre 1958 et ce qu’ils sont devenus. L’auteur croit savoir que les documents personnels du Sg “ ont été arrachés et confisqués par Mayi ma Matip ”. Pour quel usage et quelle destination ?

Quant aux autres leaders et martyrs du mouvement nationaliste, l’auteur se limite à leur biographie sommaire. Le livre apporte néanmoins un éclairage à ceux qui s’intéressent à l’histoire de l’Upc, à l’histoire du Cameroun tout court. C’est un repère important. Même s’il n’échappe pas à la critique. Quand évoquant par exemple la mort du Dr Delangué “ qui a trouvé la mort ” au retour d’une campagne électorale avec ses compagnons, l’auteur semble ne pas vouloir affirmer que ceux-ci ont été tués par les … maquisards. Car, il faut bien le dire le pays bassa n’a pas été meurtri par les seuls agressions de l’armée française. Ceux qui ne partageaient pas les idées de l’Upc étaient considérés comme des ennemis et traités comme tel.

Certes, l’objectif de l’auteur n’est pas de revenir sur la guerre de libération qui a eu pour théâtre les pays bassa et bamiléké ainsi que l’actuelle province du Littoral. Il faut peut-être attendre l’ouvrage annoncé du même auteur : 10 avril 1948 - 12 février 1991 : histoire de la lutte de l’Upc.

Bakang ba Tonjè – Les derniers jours de Ruben Um Nyobè 
Editions Kundè (Douala) 2005 – 88 pages.

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