Pratiques politiques : le Cameroun se mêle les pédales
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Pratiques politiques : le Cameroun se mêle les pédales :: CAMEROON

Dans les fondamentaux de la pensée politique ancienne, il y en avait qui pensaient que la politique se jouait mieux dans la recherche de comprendre l’homme en tant qu’être autonome et valeureux. Aristote, par exemple, qui est crédité de ce courant de pensée, discourait que la connaissance profonde de l’être humain faisait bonne fondation pour un idéal politique. D’un autre côté, Platon et ses disciples estimaient que la pensée politique était mieux exquise si elle se basait sur les lois de Dieu ou au moins à un pouvoir transcendantal.

Ces deux pensées (naturalistes et antinaturalistes) se rencontrent au niveau de leur noblesse ou même – qui en douterait – de leur sacralité. Aristote et Platon tous plaçaient l’autre au-devant de la scène et non aux coulisses pendant que le soi transparaissait en prééminence. Au Cameroun, nous assistons pourtant à un exhibitionnisme outrancier des politiques qui excellent par un individualisme inégal, inégalé, et inégalant. La politique n’est plus centrée sur l’ailleurs en tant que l’homme et bénéficiaire de l’action politique, mais au soi et soi-seul en tant qu’acteur politique. En d’autres termes, la politique camerounaise bénéficie moins au constituent et plus aux titulaires de postes politiques.

Sortez un peu d’où vous êtes à l’instant. Promenez vos regards dehors et considérez la ville de Yaoundé. Allez à Douala et revenez à Nkongsamba. Voyez et dites qui est couché sur du saphir. Les politiques camerounais à la couronne desquels s’affirme un grand crédule se sont roués de toutes les retombées de la graisse camerounaise pour soi et soi pour soi. La politique est devenue la connaissance et la préservation de soi au détriment de l’Homme. Les lois transcendantales se sont subordonnées aux lois individualistes de l’opulence monétaire et matérialiste.

Ce n’est donc plus étonnant de voir que les valeurs de l’illumination, de l’inspiration, de la révélation, ou de l’imagination saine ont toutes cédé la place au fétichisme maléfique des hordes ésotériques et métapsychiques. Nos parents au moins recherchaient la sagesse chez les alleux, passés ou présents. Ils allaient à la tombe des parents, chez le magicien au bout du village, ou chez le sage de la concession pour recevoir direction et bénédiction, canal du leadership platonicien qui reconnait que l’on a besoin de l’autre pour s’élever. Comme tel donc, la visite à la tombe ou chez le magicien n’était rien d’autre qu’un symbolisme de reconnaissance de la valeur de l’autre comme

venant de l’autre sans accaparation aucune. Par le même processus, l’on cherchait à expliquer l’avenir à partir du passé à travers l’amulette du magicien. Cela même rencontrait les postulats aristotéliciens de la science qui n’est autre que la recherche du caché dans une démarche systématique et organisée.

Laissant un peu de côté les orientations des premiers penseurs de la genèse de la philosophie politique pour nous intéresser, un temps-soit peu, aux rédacteurs du 17è siècle, l’on remarquera la montée en puissance des droits humains comme moyen de prévalence politique. A cette époque, il n’était plus top question de lois naturelles comme moyen politique mais des droits des individus à réaliser leurs objectifs à travers la politique. Les droits fondamentaux des hommes sont d’avoir accès à la vie, au développement et à l’épanouissement de soi.

Et ce faisant, soit-il déclamé encore une fois que le camerounais lambda n’exige pas des gratte-ciels. C’aurait pu être génial d’avoir 23 millions de gratte-ciels au pays mais ce n’est pas ce que les camerounais réclament. Tout ce qu’ils veulent et méritent c’est l’épanouissement. A ce qu’il parait, ce droit leur a été enlevé et pour cela, le responsable devrait en être tenu pour responsable. Il n’est pas de doute que les camerounais peinent à joindre les deux bouts et à survivre.

La souffrance des camerounais est si évidente que même le doute cartésien n’en saurait l’infirmer. C’est visible, les camerounais sont dans la rue de la désespérance. C’est donc compréhensible de voir les jeunes qui n’ont de cesse de joindre les autres africains qui se ruent dans le désert assassin de la Lybie pour enfin les sacrifier à l’autel de la méditerranée. Il ne se passe de semaine sans entendre les échos d’une mort vorace survenant aux pauvres africains qui aspirent à la félicité occidentale. Le régime camerounais est parmi ceux qui non seulement ont incité les jeunes à cette déperdition, mais il est aussi parmi les régimes qui ne bougent pas le petit cil pour aller porter secours à ces délaissés.

Nous n’avons donc pas besoin d’élaborer des théories scientifiques pour démontrer que le camerounais lambda souffre. Nous n’avons qu’à observer le quotidien de la majorité pour le comprendre. Par simple observation, chacun peut conclure avec la plus grande facilité que les camerounais ne sont pas épanouis sous le régime Biya. Même si le Cameroun s’est senti fier de lui-même un jour sous Biya, il ne l’est plus. Prenons encore une vue panoramique de la situation sociale qui prévaut au pays.

Le système éducatif est rouillé, le système sanitaire est corrompu et laissé en délabrement, le système des transports est fragilisé. Rien n’a l’air de marcher. Tout cela occasionne et accélère la souffrance et l’insécurité des camerounais. La fragilité du système de Biya est si évidente que même le baromètre de son plan d’action matérialisé dans son livre Pour le Libéralisme Communautaire trouverait son programme léger. Prenons un extrait des phrases de lumière de cet ouvrage.

L’auteur suggère que « Le développement matériel n’est pas la finalité dernière du développement. Il en est plutôt l’instrument. L’homme a besoin d’un optimum d’équipement matériel pour se libérer de l’entrave du besoin aliénant ». Il ne semble pas que le régime actuel ait accompli la tâche initiale de l’idéal du développement présenté dans cet extrait. L’entrave du besoin aliénant a pignon sur rue dans les foyers camerounais. Les familles peinent à s’acquitter de leur loyer mensuel et sont toujours aux prises de bec avec les bailleurs qui dépendent parfois totalement de leurs biens immobiliers. Les familles posent la nourriture sur leur table de façon sporadique du fait de la rareté des moyens quel que soit le statut des parents. Même les fièvres les plus dociles finissent par emporter des vies faute de moyens à subvenir aux soins médicaux. En somme, les familles sont étranglées par le besoin et le vice.

Monsieur Biya continue en disant « [qu’]on peut dire que le développement est manqué lorsque le principe qui doit imposer l’ordre et la discipline, l’harmonie et l’équilibre est étouffé et qu’au contraire s’expriment dans la discordance et la dissonance des voix et des tendances anarchiques ». Nul ne peut vraiment prétendre qu’une nation entière aura un même et seul langage. Une nation aussi culturellement diverse que le Cameroun aura toujours à traverser des tensions puissantes sur le processus de distributions des acquis de la nation. Mais les tensions survenues au Cameroun toutes ces dernières années révèlent plus qu’un vice de procédure. Point n’est de prétendre qu’un vice de procédure aurait été moins mal. Mais en effet, les tensions qui ont secoué le Cameroun jusqu’ici découlent de l’intention de marginalisation consciente d’un grand nombre par un petit groupe d’individus privilégiés.

Aussi dommage que cela soit, le développement a été manqué au Cameroun et Biya et son équipe sont des fabricants de ce modèle. Ils le connaissent bien puisqu’ils l’ont conçu. Etait-ce accidentel qu’ils en soient arrivés à ce résultat ? C’est improbable. Ont-ils conçu un phénomène capable d’aliéner les populations pour les tenir assujetties comme dans un modèle machiavélique ? Chacun peut y répondre mais l’intuition semble pencher du côté de l’affirmatif.

Et puisque c’est certain que Biya et camarades ont conçu ce système dévastateur, ils en connaissent l’antidote. Mais ils ne sont pas les seuls à la connaitre. Pour cela ils ne sont pas les seuls capables de remédier à ce fléau qu’ils ont occasionné. En plus, il y a des doutes légitimes que ceux qui ont bénéficié d’un système aussi boiteux le répareront.

A suivre…

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