Manifestations de Buea et Bamenda - Mathias Eric Owona Nguini : “L’Etat a des prédispositions autoritaires”
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Le socio-politiste analyse le management de crise fait par le gouvernement.

Est-ce que l’escalade de violence à Buea et Bamenda est la conséquence de la non écoute des avocats et des enseignants anglophones ?
Non. En réalité, les revendications corporatives apparaissent clairement comme un prétexte pour assurer la mobilisation autour d’une cause différente, définie de manière identitaire, celle d’une anglophonie autonomiste, voire souveraine.  

Mais le gouvernement pouvait-il traiter le problème autrement et éviter l’affrontement ?
Compte tenu de la nature profondément identitaire de la question, il est peu probable que les choses auraient pu se dérouler sans dérapages. Maintenant, si les pouvoirs publics étaient intervenus avec plus de tact, ils auraient affaibli la position de ceux qui apparaissent comme les stratèges de ce mouvement qui n’est corporatiste qu’en surface mais qui, au fond, est un mouvement identitaire, avec en réalité la tentative du Scnc de se relancer.

Comment le gouvernement aurait-il pu agir avec tact concrètement ?
Face aux premières revendications des enseignants et des avocats, engager des négociations en mobilisant soit les autorités politiques ou administratives locales, soit un certain nombre de responsables gouvernementaux qui seraient venus discuter sur ces questions directement avec les différents groupes de protestataires.

Est-ce que l’arrestation des leaders de la contestation est un acte judicieux aujourd’hui ?
Il ne faut pas oublier quelle est la structuration historique et politique de l’Etat camerounais. C’est un Etat souverainiste qui a construit sa souveraineté dans une lutte politico-militaire sévère. Un tel Etat a donc toujours des prédispositions toujours disciplinaires et autoritaires ; et il est essentiellement réfractaire à tout discours qui menace sa position de souveraineté.

Y a-t-il un risque face à la mobilisation populaire ?
L’Etat du Cameroun a été habitué à gérer des chocs même plus intenses que celui-là. Ce n’est pas cela qui pourrait l’effrayer.

Les négociations engagées par le gouvernement s’inscriventelles dans un schéma où les gouvernants apporteraient des réponses aux desiderata des gouvernés ?
Il n’y a pas un schéma particulier qui soit dominant, si ce n’est le schéma traditionnel qui est un schéma disciplinaire. Mais comme la dynamique sociale évolue et se complexifie, les pouvoirs publics sont bien obligés de temps en temps de devoir recourir à la négociation. Mais ils le font dans un espace bien défini de telle manière que les gouvernants conservent généralement leur position de force par rapport à leurs interlocuteurs.

Comment le gouvernement peut-il régler la crise aujourd’hui ?
La crise proprement corporative peut se gérer par la négociation, par l’adoption d’un compromis sur un certain nombre de points qui feraient l’objet d’un accord entre les gouvernants et les représentants des groupes ayant exprimé des revendications corporatives. Par contre, la crise de nature identitaire est beaucoup plus difficile à gérer. Compte tenu de son format, l’Etat du Cameroun est structurellement réfractaire aux demandes qui seraient celles de ceux qui revendiquent non pas seulement l’autonomie mais éventuellement une orientation souveraine sous la forme d’une sécession.

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