Iric : le lustre perdu ?
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Créé le 24 avril 1971, cet établissement s’est enrichi et de nouvelles filières y ont été intégrées afin de mieux s’arrimer aux mutations de l’environnement international. Mais aujourd’hui, il peine à assurer l’excellence managériale.

Il est un peu plus de 12h, ce jeudi 9 avril 2015. Une matinée bercée par un soleil doux. Les véhicules et les usagers passent comme à l’accoutumée à l’entrée de l’Institut des relations internationales du Cameroun (Iric), sis au quartier Obili à Yaoundé. Les travaux de construction d’un amphithéâtre de 500 places sont amorcés. Le maître d’ouvrage est le Pr
Bouba Oumarou, le recteur de l’université de Yaoundé II. Sur le site, des maçons et les autres techniciens sont à l’oeuvre. Certains assurent la propreté des poteaux élevés pour soutenir certainement les murs qui seront disposés. Des parpaings logent le côté gauche lorsqu’on y entre. Comme pour bercer les étudiants, les visiteurs et enseignants, les oiseaux chantent, accompagnent l’ouvrage d’art qui sortira des terres.

Plus haut sur le campus, on est impressionné par la qualité des bâtiments, la salle des cours et la direction de la scolarité, le bâtiment du directeur, des jardins bien entretenus, des restaurants propres, loin du style de nos universités. Le bus de l’institution immatriculé n’est pas en reste. C’est la preuve par neuf que le temps a passé, l’établissement que dirige aujourd’hui le diplomate Jean Emmanuel Tabi, ministre plénipotentiaire, s’est modernisé. Mais au-delà des apparences, plusieurs observateurs s’obstinent à penser que l’Iric n’est plus que l’ombre de luimême. D’autres estiment qu’on ne saurait, malgré les problèmes qu’il rencontre de nos jours, écorner son image. Ainsi, le désespoir plane-t-il sur l’Iric ces dernières années ? A-t-il perdu son lustre d’antan ?

Maux liés à la mal gouvernance

Ainsi, de 1971 à nos jours, peut-on admettre que l’Iric a consacré plus de 40 ans au service de l’excellence académique et diplomatique ? Le moins que l’on puisse dire, n’en déplaise à ceux qui ont dirigé honorablement l’Iric tels qu’Adamou Ndam Njoya (1972- 1976), Joseph Owona (1976- 1985), feu Louis Paul Ngongo (1985-1988), Peter Agbor Tabi (1988-1991), Lisette Elomo Ntonga (1993-1999), Jean Emmanuel Pondi (1999-2005), Narcisse Mouelle Kombi (2005- 2012). Si l’Iric est incontestablement l’oeuvre de ses dirigeants successifs, il ne faut pas perdre de vue que les mutations engagées dès 1993 visant l’excellence académique, managériale, sociale et éthique prescrite par le chef de la diplomatie camerounaise subissent aujourd’hui un coup.

Les tripatouillages issus du dernier concours de l’Iric avec la disparition des noms sur la deuxième liste rendue publique en février dernier sont venus discréditer l’image de cette institution qui comporte aujourd’hui plusieurs cycles de master en relations internationales, notamment la diplomatie, la banque-monnaie-finance internationales, le contentieux international, l’intégration régionale et management des institutions communautaires, ainsi que le marketing international. A cela, il faut ajouter que les diplomates camerounais qui sont souvent oubliés, « terminent parfois leur carrière en complément d’effectif au ministère des Relations extérieures (Minrex) ».

« Même nommés hors du pays, les diplomates aujourd’hui ont de la peine à vivre avec leur salaire », a affirmé un diplomate en service au Minrex. Des problèmes liés à la coordination et à la soutenance des mémoires ne sont pas en reste. Un étudiant en cycle de master en management et environnement explique que l’iric n’a pas assez d’enseignants. « Pour un master qui est supposé s’achever au bout de deux ans, les étudiants finissent par le réaliser en trois ans à cause des enseignants qui ne sont pas toujours disponibles. Nous faisons des cours en ligne, mais nous devons souvent attendre plus de deux semaines pour faire certains cours. Jusqu’à présent, nous n’avons pas encore de directeur de mémoire. » Egbe Bertille, étudiante en communication et action publique internationales, préfère relativiser. « Il n’y a pas de problèmes graves malgré tout ce qu’on a suivi au sujet de notre établissement jusqu’ici.

Les résultats du dernier concours de la filière diplomatie ont été gérés finalement avec sagesse, même si les raisons données à la fin méritaient d’être communiquées avant ». Un enseignant qui a requis l’anonymat explique que « l’institut à vocation internationale avait, entre autres pour missions, la formation et la recherche dans le domaine des études internationales, le recyclage et le perfectionnement des agents et cadres du ministère des affaires étrangères ». Il ajoute qu’ « aujourd’hui, il compte cinq départements qui encadrent l’offre d’enseignement, de formation et de recherche. Il y a eu certes des adaptations avec des formateurs polyvalents, mais la filière diplomatie, à mon sens, connait beaucoup de problèmes. Depuis quelques années, les multiples tripatouillages des listes traduisent la mal gouvernance qui s’est installée. Demandezvous pourquoi cela arrive seulement dans la filière diplomatie ? Il faut ajouter que c’est une filière très convoitée et tous les enseignants savent comment on procède pour être retenu ».

Une autre source au Minrex affirme qu’« il y a de nos jours beaucoup d’interventions au niveau de la présidence et cela hypothèque le devenir de cette école qui a formé de brillants diplomates et esprits africains tels que Jean Marc Mpay, ambassadeur du Cameroun en Allemagne (promotion 1971), Jean-Louis Damoino, Adamou Mouantapmbme, Thomas Lekunze, Roger Nkodo Dang, etc,»  

Réaction des responsables de l’Iric

Le Dr Eba Ebe, coordonnateur des questions économiques, est furieux ce jeudi 9 avril lorsqu’il est interrogé sur les années de gloire de l’Iric par le reporter du Jour. Il s’abstient d’abord d’en parler, mais quelques instants après, il lâche : « Vous croyez que nous sommes en deuil ici ? L’iric se porte bien comme dans les années 80 et 90. A sa création, il y avait plusieurs filières, aujourd’hui, il y en a plusieurs. Allez voir Messanga Nyamnding, c’est lui qui bavarde dans les médias ». Il ajoute : « Nous avons publié les résultats en notre âme et conscience ; et vous avez dit qu’il y a eu des tripatouillages. Je dois vous dire qu’il n’y a pas eu de tripatouillages avec les derniers résultats ».

A propos de la gestion des carrières des diplomates, il lâche « Il n’y a pas de problème de carrière ici à l’Iric ! Le ministre des Relations extérieures n’est qu’un ministre délégué ! C’est la présidence de la République qui gère les carrières, monsieur ! Allez à Etoudi, le problème est celui de la non adoption du statut et de l’organigramme du Minrex et c’est la présidence qui s’en occupe », indique-t-il, visiblement remonté par la polémique issue ces derniers temps de l’actualité liée aux admis au dernier concours. Approché à l’entrée de ses services, le directeur de l’Iric, Jean Emmanuel Tabi, se refuse à toute déclaration. « Je ne souhaite pas m’exprimer. Pour mieux vivre, il faut se cacher ! » Joint au téléphone hier, Messanga Nyamnding a pour sa part nuancé en affirmant que « L’Iric fonctionne quand même bien. L’Iric a de très bons enseignants ; 50 matières dispensées et 1800 heures d’enseignement. Il est à la pointe. » Il ajoute que « L’Iric est à la pointe en matière d’enseignement et de recherche. Il dépasse de loin la faculté ! L’organisation du concours n’a rien à voir avec l’image de l’institution.

On ne doit pas rabaisser cette institution », a-t-il martelé. Lydie Rose Atangana, la responsable de la communication, explique que l’Iric reste une institution prestigieuse. « Ceux qui pensent qu’il se meurt doivent s’appuyer sur des faits. Nous n’avons pas d’avis. Les étudiants prennent des cours sereinement. Les examens se déroulent également normalement. Il en est de même des soutenances ». Elle martèle : « L’Iric n’a pas fermé, vous pouvez le remarquer. Dans chaque institution, il ne manque pas d’erreurs. Disons que je ne peux pas me voir passer dans la rue, mais l’Iric a une image de marque. Nous avons un label à défendre ! Il y a même des labels qu’on n’écorne pas. Les dirigeants travaillent avec toute la bonne intention. Toutefois, un mauvais vent peut arriver. »

En rappel, l’Iric a formé une centaine de diplomates, des fonctionnaires des relations internationales et des cadres d’administration d’une soixantaine de pays africains, asiatiques, européens et américains. A ce jour, explique Lydie Rose Atangana, 90% du personnel diplomatique camerounais en poste dans les services centraux du Minrex, des ambassades, Hauts commissariats, postes consulaires et missions permanentes auprès des organisations internationales sont issus des différentes promotions de l’Iric. Vivement, que l’excellence retrouve le droit chemin.

© Le Jour : Jean-Philippe Nguemeta

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