Cameroun:Françoise Foning, faut-il en pleurer ou en rire ?
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Cameroun:Françoise Foning, faut-il en pleurer ou en rire ? :: CAMEROON

La « bête » politique du Rassemblement démocratique du peuple camerounais a quitté la scène. Au-delà de la douleur d’une  perte humaine, nombreux sont ceux qui pensent sincèrement que la mort a tranché en leur faveur.

Même ceux qui la détestaient reconnaissent que c’était une femme politique « redoutable ». Françoise Foning, présidente de la section Rdpc Wouri V, est décédée depuis vendredi dernier à l’hôpital central de Yaoundé, où elle avait été évacuée suite à un banal accident de la circulation causée par une moto sur l’axe routier Yaoundé Bafoussam. Détentrice de plusieurs casquettes, celle qui lui tenait le plus à cœur, c’est celle de maire de Douala V, commune sur laquelle elle a régné pendant 13 ans, contre vents et marées. En fait, sur le plan politique, c’est dans cette commune qu’elle avait installé sa base, à partir de laquelle elle exerçait une influence sur toute la ville. Une influence qui n’était pas toujours du goût de tout le monde.

La tutelle mise à mal

D’abord, les fonctionnaires qui devaient travailler dans le ressort de cette commune devaient lui faire allégeance, et surtout les Sous-préfets affectés ici. Elle le disait haut et fort à l’attention de ceux-ci, lors des cérémonies de leurs installations : « Si vous êtes venus pour travailler, il faut travailler, mais si vous êtes venus pour écouter que Foning à fait ceci ou cela, vous allez partir. » Et elle mettait en exécution ses menaces chaque fois qu’un administrateur osait marcher sur ses plates bandes ou lui mettre les bâtons dans les roues. Plusieurs Sous-préfets qui ont voulu contrôler de près sa gestion de la mairie, ont été systématiquement affectés. Son allégeance au Président de la République lui avait donné un pouvoir qu’elle usait et abusait à sa guise, sans avoir de comptes à rendre à qui que ce soit. Douala Vème, avec Françoise Foning comme maire, était dès lors devenu un poste redouté par les administrateurs civils, qui craignaient d’y être affectés, ou plutôt d’être mis entre les mains du loup, avec le risque d’être dévoré à tout moment.

Insatisfaction des populations

Ensuite, les populations de Douala Vème en sont arrivées à se dire que Françoise Foning étaient une malédiction pour elles. Pour ces dernières, le seul élément qui leur permet de mesurer le bon travail d’un maire, c’est l’entretien des routes de la commune. Mais sur ce plan, c’est une calaminé  dans tout l’étendue de la commune. L’état des routes est simplement indescriptible. L’on ne peut dire s’il s’agit généralement d’une succession de trous, des amas de gravillons, des lacs boueux ou des champs de ruines dans lesquelles l’on patauge, chacun à qui mieux-mieux, pour se frayer un chemin et arriver où il peut, comme il peut, qu’importe dans quel état. Quant à l’éclairage public, cela relève souvent d’un rêve auquel ces populations n’osent pas aspirer.

Un conseil municipal aux abois

Dans le Conseil municipal que Françoise Foning a dirigé depuis 13 ans, elle n’a pas toujours compté des amis. La grogne a toujours été constante. Sourde pour ses camarades du parti qui n’osaient pas contester publiquement celle qui avait les faveurs de la hiérarchie, mais plus violente et forte pour l’opposition, notamment le parti Sdf, avec  Elimbi Lobé. Ce dernier a de tout temps dénoncé la gabegie, la corruption et le piétinement de la loi que Foning avait érigés en mode de gestion. Dans le Compte administratif de 2014 que la maire a récemment présenté au Conseil pour adoption, Elimbi Lobe relève par exemple, que sur l’année, 80 millions de francs Cfa ont été consacrés aux fêtes, contre seulement 4 millions aux investissements. Encore que ces investissements indiqués dans le compte administratif ne sont visibles nul par dans la commune. Elle s’octroyait également des avantages faramineux au mépris de la loi, ce qui la mettait en perpétuel conflit avec les différents receveurs municipaux de la commune.

La bête politique

Au sein de son parti enfin, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc), elle avait réussi à faire l’unanimité contre elle, et l’on ne peut compter ses « opposants » dans la maison, ceux qu’elle appelait les « traheurs », c'est-à-dire ceux qui ont trahi. Les barons du parti dans le Littoral en général, dans la circonscription électorale de Wouri Est en particulier, et plus spécifiquement dans la section de Wouri V, lui vouaient une haine affectueuse. Ces derniers, les hommes en particulier, n’on jamais digéré le fait qu’elle laisse l’aile des femmes du parti (l’Ofrdpc, que dirige par exemple dans la section de Douala II, sa collègue Denise Fampou, maire de cette commune),  pour s’imposer à la section comme présidente, les reléguant aux second plan. Hervé Kom, Jean Claude Tchuilen, Ayissi, Pierre Batamack, Wamba Joseph,  Robert Simo, Albert Mbongogui, pour ne citer que ceux-là, ont à plusieurs reprises, collectivement ou individuellement, tenté des unions sacrés pour la combattre. Mais elle a, à chaque fois, réussi à les « dribler », en s’offrant même au passage le plaisir de briser définitivement la carrière de certains d’entre eux. Elle s’est arrogé le poste de présidente de la section Rdpc Wouri V depuis l’éclatement de la grande section du Wouri. Depuis 2002, elle a cumulé les fonctions de maire de Douala V et député Rdpc du Wouri Est. En 2007 elle a brigué encore ces deux postes, mais  contrainte par la loi contre le cumul, elle a cédé le poste de député à Célestin Ketchanga, inconnu jusque là dans le parti, mais  recruté pour la circonstance pour davantage choquer ses contradicteurs. Malgré les armes contre elles qui se sont de plus en plus fourbies au fil des ans au sein et en dehors de son parti, elle a encore réussi, en septembre 2013, a reprendre un autre mandat à la mairie, qu’elle ne conduira hélas pas à son terme, fauchée par une mort qui, quoi qu’on dise, est accueillie par certains comme un ouf de soulagement.

Enfin, se disent-ils….

Soulagement d’un Conseil municipal qui se voit débarrassé d’une maire dont les préoccupations étaient ailleurs que dans la commune, soulagement d’une classe d’administrateurs qui redoutaient désormais d’être envoyés en service dans l’arrondissement de Douala V, soulagement d’une classe politique qui voyait son espace occupée de manière encombrante par une femme omniprésente et envahissante, soulagement enfin, d’une population qui espère dorénavant que la mairie soit entre les mains d’un maire qui a une vision pour la commune. 

Dans ce contexte, il va sans dire que les ballets autour de sa mort, les messages de condoléances,  les « regrets », l’affluence qui sera observé sur le lieux de ses obsèques, les hommages et autre salamalecs seront en majorité de la pure formalité. Dans le fond, au-delà de la fibre humaine qui attriste à la disparition de la personne de  Tsopgny Françoise Epouse Foning, le cercle de ceux qui vont véritablement regretter la disparition du personnage de Françoise Foning (maire de Douala V, présidente de la section Rdpc du Wouri V etc.) ne se réduit qu’à quelques prébendiers qui préservaient encore quelques intérêts, qui profitaient de sa présence pour accéder à la mangeoire. Pour le reste, c’est par simple pudeur que beaucoup ne peuvent se frotter les mains… et en rire.

© Correspondance : Roland TSAPI, Journaliste indépendant

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