LES NON-DITS DE L’INTERVIEW DE SAMUEL ETO’O FILS
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FRANCE :: LES NON-DITS DE L’INTERVIEW DE SAMUEL ETO’O FILS

Hier, Samuel Eto’o accordait une interview sur France 24, une heure critique pour son ancien capitaine qui depuis Abidjan connaissait déjà son sort. Pourtant, avant la diffusion de cette interview sur les réseaux, le ministre des Sports camerounais  avait publié un communiqué annonçant clairement le limogeage de Song Rigobert. Au-delà de ces événements médiatisés, l’interview du président de la Fecafoot laisse transparaître de nombreux non-dits, que nous allons analyser. Premièrement, il est interviewé à Paris par un éminent journaliste politique plutôt qu’un spécialiste du sport.

Ce choix révèle une volonté de s’immiscer un jour dans l’arène politique, une perspective inévitable. En politique, on entre en scène soit de sa propre initiative, soit par le biais de tiers. Ainsi, même s’il affirme ne jamais vouloir faire de politique, il reste susceptible d’y être entraîné. Pour l’heure, il semble vouer un profond respect au président Paul Biya. Il ne s’opposera jamais à lui, mais en dehors de cette sphère, Eto’o ne redoute personne au Cameroun. Il dispose de réseaux et de moyens. Son interview décontractée vise à démontrer sa simplicité et sa proximité avec le peuple.

Quand on lui pose la  question sur le renouvellement   Rigobert Song, il commence par lui rendre hommage, une stratégie d’apaisement. Usant d’euphémismes, il ne peut être sévère envers son frère, qu’il faut réhabiliter après lui avoir tout pris à la fin de sa carrière. Sous l’égide d’Eto’o, l’image de Rigobert a été ternie à jamais, le reléguant au statut d’une canne à sucre dont tout le nectar a été aspiré. Sur cette question, il prend les devants pour affirmer son autorité en déclarant : « J’ai eu l’occasion d’en discuter avec lui », puis il relègue son interlocuteur au passé en déclarant : « Il faut penser à l’avenir tout en lui souhaitant plein succès ». L’avenir ici signifie le passé, un jeu de mots.  Ainsi, Rigobert est relégué au second plan. Les mots sont utilisés de manière subversive, empruntant l’ironie de Voltaire avec un humour voilé. Il est conscient que cet entraîneur aura du mal à construire une carrière à cause de ses échecs répétés. Ce qui ressort ici, c’est l’esprit camerounais, souvent ingrat, qui oublie les bonnes actions d’une personne.

Lorsqu’on lui pose la question du choix du nouvel entraîneur, il se montre nerveux pour affirmer son autorité, soulignant ainsi sa position dominante. Cependant, en adoptant une attitude diplomatique, il déclare : « Nous allons travailler sur plusieurs profils », faisant appel à son comité pour renforcer sa décision, marquant ainsi un changement par rapport à ses actions habituelles menées en solitaire. Il utilise le « nous » pour indiquer cette collaboration. Après la sélection des profils, il mentionne qu’il soumettra la décision au chef de l’État, une politesse en apparence, mais teintée d’ironie étant donné le contexte. Un sourire en coin accompagne ses paroles : « Chez nous, il faut l’accord du chef de l’État », soulignant ainsi la singularité de la situation.

Il ajoute ensuite : « Sur proposition de la Fédération camerounaise », lançant ainsi un défi à ceux qui se risqueraient à s’opposer à cette voie réglementaire. Lorsqu’il répond à cette question, il détourne le regard vers le sol, signe de sa détermination à évincer le ministère des Sports de son chemin. Il conclut par un énigmatique « Nous verrons », une phrase rappelant les paroles prononcées par le président Paul Biya en 1990 aux États-Unis, face à l’opposition qui réclamait une conférence nationale après  lui avoir  donné l’ultimatum. Quant au choix de l’entraîneur, il esquisse un sourire en déclarant : « Nous irons à l’internationale », laissant entendre qu’il connaît parfaitement les portes qu’il a déjà frappées. Cela renforce l’idée qu’Eto’o est en mission déterminée, venue choisir son propre entraîneur.

Le journaliste aborde directement la question sensible et demande s’il se laissera influencer par le choix d’un entraîneur effectué sans son aval. Sa réponse, ponctuée d’un sourire empreint de fermeté, rappelle les règles établies : « Ce rôle est dévolu à la fédération », constituant ainsi un avertissement à tous les acteurs externes. Eto’o, connaissant bien son pays, possède une marge de manœuvre, typique des Bassa : il évite les conflits, mais ne recule devant personne. Cette interview, soigneusement préparée, le montre répondant avec assurance, démontrant pour la première fois une cohérence et une clarté remarquables.

Il apparaît ainsi comme un homme prêt à relever les grands défis à venir. De manière subtile, dans cette question, il laisse entendre son retrait imminent au sein de l’équipe des Lions : sans le dire explicitement, il laisse entendre qu’il amènera un grand entraîneur et lui laissera le champ libre. Sur le sujet de sa démission, il rit, comme pour souligner son impact sur le public. En réalité, personne ne souhaite vraiment voir Eto’o partir ; les Camerounais auraient été attristés par son départ. Ainsi, pour rallier les troupes et éviter les critiques, il utilise une stratégie, une supercherie qui a bien fonctionné, puisque le lendemain, au lieu de parler de l’échec, on évoque sa démission.

On peut percevoir ici que  Eto’o est entouré des meilleurs stratèges du monde, qui ont étudié en profondeur la mentalité des Camerounais. Je  compare cette situation à celle d’un couple parental qui décide de se séparer devant leurs enfants, une décision difficile à accepter pour ces derniers. Concernant Onana, il montre une fois de plus son discernement en affirmant : « Il ne s’agit pas de moi, mais d’une institution et d’un joueur… le joueur a des droits et des devoirs ».

Cette réponse argumentée révèle qu’Eto’o se pliera devant le choix du nouvel entraineur. Pour ma part ce garçon a des réelles ambitions pour son pays, mais il est incompris à cause du fait qu’ il va au-delà des normes habituelles de discipline. Il faut se rappeler qu’il a été une star dans sa carrière  et il tient à  continuer de l’être. En ce qui concerne les comportements inappropriés, je préfère éviter le sujet pour se concentrer sur la dernière question. Les   ambitions politiques. il ne dit rien à ce propos, mais son silence a un retentissement  puis qu’il ne dit rien. Tout ce qu’on sait il le sait aussi, et il connaît bien son pays, on sait  qu’il attend peut-être le bon moment.

Mais il reste ouvert à l’appel du peuple qu’il essaie de mobiliser tout le temps. En conclusion de cette  interview, deux points sont à retenir : Eto’o est bien entouré, avec des stratèges capables de redresser une situation d’échec. Ce qu il  faut retenir, c’est que Eto’o demeure un aventurier. Comme tous les aventuriers, il ne craint ni les tempêtes, ni le vent, ni le sable, ni les vagues, ni la mer. C’est un lion. Comme tous les lions, il croit qu’il est le roi de la forêt, qu’il a tous les pouvoirs, et comme le pouvoir rend fou ceux qui ne l’ont pas appris à l’utiliser, il est convaincu que tous les camerounais sont à sa portée, mais l’expérience d’un moucheron lui fera un jour plier l’échine.

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