À l'hôtel Intercontinental, le calme avant la tempête camerounaise
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À l'hôtel Intercontinental, le calme avant la tempête camerounaise :: CAMEROON

L'opposition au président Paul Biya prévoit une grosse manifestation devant le palace samedi, où séjournerait le chef de l'État.

On surnomme quelquefois l'Intercontinental l'«hôtel des Africains» tant il a pu être prisé de la clientèle de ce continent. Sa réputation n'est pas usurpée ce vendredi matin. Des hommes en costume, africains, quadrillent les quatre coins du hall principal, à l'étage, à l'extérieur, au rez-de-chaussée, dans les couloirs. Certains déambulent, d'autres sont assis, rarement en groupe. Ils surveillent, ou attendent. On en dénombre bien une douzaine, sans compter une dizaine d'autres, en tenue plus décontractée, posés sur des canapés.

Le café, ici, coûte huit francs. Dans les couloirs, des salles sont réservées pour des meetings onusiens et d'une multinationale de Genève. Tout est calme, mais demain, la diaspora camerounaise annonce une tempête.

Au téléphone, un membre de la «cellule opérationnelle de la Brigade Anti Sardinards» (BAS), indique qu'une manifestation est prévue samedi à 11 heures devant l'hôtel et qu'«au bas mot, 5000 personnes sont attendues». Les participants viendront surtout des pays limitrophes, de Suisse mais aussi des États-Unis.

Tout est organisé par le biais des réseaux sociaux. Sur Facebook, BAS se présente comme «un groupe de citoyens engagés de la diaspora camerounaise, mis sur pied pour défendre les intérêts du peuple Camerounais».

Discussions à Berne

L'homme a participé le 18 mai à une marche à Paris qui aurait selon lui rassemblé 25'000 personnes. Samedi dernier, il était à Washington pour une nouvelle manifestation. «11'000 personnes se sont réunies pour le Game Over.» La fin de la récréation, selon les opposants, pour le régime de Paul Biya, au sommet de l'État depuis 1982, après avoir été premier ministre sept ans durant.

L'homme croit savoir que le président du Cameroun est parti mercredi soir à Lyon, pour se faire soigner, et que les «gorilles» de l'Intercontinental y restent pour faire diversion. Toutes les vérités circulent en ligne, souvent elles sont incorrectes. Une fausse carte d'identité suisse du président camerounais est ainsi partagée. La diaspora a longtemps cru que leur président séjournait aussi dans une maison privée au bord du lac Léman, ce qui est faux.

Selon un porte-parole du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) des discussions ont eu lieu cette semaine à Berne pour trouver une solution au conflit opposant la communauté anglophone du pays au régime mais Paul Biya n'y a pas participé. «La visite privée du président Biya à Genève n'est pas liée au processus de facilitation», selon Pierre-Alain Eltschinger, porte-parole du DFAE.

Biya, un client régulier

Le temps passe à l'hôtel et les «gorilles» sont toujours en place. Certains d'entre eux écoutent ce que les médias disent à propos du séjour suisse de Paul Biya. Des nouvelles tombent au compte-goutte. Un article de presse indique que le président camerounais était encore à l'Intercontinental jeudi soir. Son auteur revient sur l'attaque des «milices de Biya» contre un journaliste de la RTS et estime qu'il n'y aura pas que des manifestants camerounais à la manifestation de samedi. Des sources croient savoir que le régime camerounais a recruté des mercenaires pour infiltrer la manifestation de samedi et y distiller la violence.

Les manifestants estiment que le président pillent les ressources de l'État en payant une fortune à l'hôtel Intercontinental, souvent en cash, selon une enquête du Wall Street Journal publiée en novembre. Paul Biya serait un client régulier du palace depuis 1969. D’après une étude du réseau d'investigation «Organized Crime and Corruption Reporting Project» (OCCRP) publiée en février, Paul Biya a passé 1645 jours à l'étranger, à titre privé, entre 1983 et 2017. Des pérégrinations qui auraient engendré des frais d'hôtel et de vol d'au moins 182 millions de dollars. Une nuit à l'hôtel Intercontinental coûterait au minimum 40’000 dollars à la délégation privée camerounaise, selon l'OCCRP.

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