Crise anglophone : 20.500 emplois menacés à la CDC
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La révélation majeure est signée Benjamin Itoe Mutanga, président du Conseil d'Administration de la Cameroon Development Corporation (CDC), 2ème employeur au Cameroun après l'Etat. Elle est contenue dans le Communiqué du 14 janvier 2019, sanctionnant les travaux du Conseil d'administration de l'entreprise agroindustrielle tenue le 27 décembre 2018.

En manière de sonnette d'alarme, le communiqué de l'ancien ministre de la Justice Benjamin Itoe fait savoir qu'à cause de la crise anglophone, la faillite frappe violemment aux portes d'une entreprise réputée jusqu'ici pour sa prospérité. Une situation qui avait attiré l'attention sur l'un de ses anciens Directeurs Généraux, Peter Mafany Musonge, dont Paul Biya fit son Premier ministre de 1996 à 2004, au moment où le Cameroun avait besoin d'un chef du gouvernement plus technocrate pour diriger l'action de redressement économique. Fort de la réputation de bon manager qui l'avait précédé, Mafany passa huit années à la primature qu'il ne quitta d'ailleurs qu'après avoir insisté pour que Biya lui trouve un remplaçant en raison de ses nombreux ennuis de santé.

Voilà donc la flamboyante CDC installée dans la région anglophone du Sud-ouest où elle exploite d'immenses plantations de banane, d'huile de palme et d'hévéa, en train de subir les contrecoups d'une crise sociopolitique qui a depuis pris toutes les allures d'une guerre civile difficile à arrêter, à cause de l'obstination des autorités camerounaises à résoudre par la force militaire, des revendications corporatistes que la répression a transformée en menées séparatistes, puis en affrontements armés récurrents entre les forces de défense et de sécurité camerounaises et les comités d'autodéfense créés dans un premier temps pour protéger les populations contre les exactions de l'armée et devenus depuis lors des unités de guerre au service de la cause séparatiste.

Ce sont donc ces groupes armés qui perpètrent depuis un peu plus d'un an, des attaques contre les installations de la CDC, celle-ci étant considérée, quoiqu'installée sur leur sol, comme au mieux, un des symboles de l'Etat camerounais dont les sécessionnistes anglophones veulent se séparer, au pire, un instrument de l'exploitation abusive des populations.

Ils en veulent pour preuve le fait que la masse salariale ici s'élèverait –selon leurs propres informations- à environ 2,5 milliards de francs CFA pour la rémunération de 22.000 individus, alors qu'à côté, la Société sucrière du Cameroun (Sosucam appartenant au groupe français SOMDIAA) présentée comme le 3ème employeur du Cameroun avec quelques 7.000 employés permanents et 2.000 employés saisonniers, déclare une masse salariale d'environ 13 milliards. Sans compter l'Etat même qui, avec quelques 300.000 agents, soit juste à peine quinze fois plus que la CDC, dépense environ 1.000 milliards, soit 400 fois plus.

A titre d'illustration, cette complainte prononcée le 9 janvier 2015 par le maire de Tiko, une des communes de la région du Sud-ouest abritant les plantations de la CDC, lors d'une visite qu'y effectuait le gouverneur de la région, Bernard Okalia Bilaï. Le maire Moukondo Daniel Ngande n'avait pas mis de gants pour dénoncer le fait que «les populations locales ne bénéficient pas assez de la présence de cette grande unité agro-industrielle sur leur territoire». Il avait cité pour preuves, «le piteux état des routes» desservant les plantations de la CDC, le fait que les camps dans lesquels vivent les employés du mastodonte agro-industriel «manquent d'entretien depuis des décennies» et ressemblent à des «prisons ouvertes» dans lesquelles les standards de vie en dessous de la moyenne, ne reflètent pas «les milliards que ces employés produisent pour cette entreprise».

Depuis l'éclatement de la crise sécessionniste, même les travailleurs de la CDC sont considérés par les nervis des groupes armés séparatistes et quelques bandits et opportunistes qui écument leurs rangs, comme la caution morale de l'oppression, et sont pour cela parfois attaqués. Pour donc préserver leurs vies, la plupart ont déserté leurs lieux de travail.

Lors du Conseil d'Administration de fin décembre 2018, la CDC a fait remarquer qu'à cause de cette crise, 12 de ses 29 installations ont été fermés et que 10 des 17 restantes ne fonctionnent plus à temps plein.

Toutes choses qui ont entrainé la cessation de l'exportation des bananes par l'entreprise depuis le mois de septembre 2018, et, plus grave encore, son retrait de la liste des exportateurs de banane du Cameroun où elle occupait la deuxième place après la compagnie française Plantations du Haut Penja (PHP).

Selon Benjamin Itoe Mutanga, la plus grave conséquence de toutes est qu'en dehors des centaines de travailleurs qui ont déjà perdu leurs emplois à la CDC ces deux dernières années, la crise de rentrées financières, voire de faillite imminente met l'entreprise dans une situation telle que ce sont à terme 93% de personnels représentant une masse salariale de 2 milliards de francs CFA qui risquent d'être mis à la porte.

Sans jouer aux oiseaux de mauvais augure, on peut deviner de loin que ce sont là quelques dizaines de milliers de personnes qui, en raison des errements du régime du président Biya qui ne cesse de menacer de neutraliser et mater les sécessionnistes anglophones s'ils ne reçoivent pas des deux mains ce qu'il appelle son « offre de paix », iront grossir les rangs des mécontents sociaux du Cameroun, tandis que ceux d'entre eux qui sont anglophones iront rejoindre les rangs des groupes armés séparatistes.

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