Des souvenirs des exactions de Boko Haram, j’en ai à revendre. Je prends par exemple le cas de ce qui s'est passé à Tchakamari, où un marabout a été assassiné. Et de quelle manière ? Ils sont allés le trouver chez lui, autour de minuit. Après avoir tiré sur lui à bout portant, sans succès, ils l'ont sorti de sa maison, ont pris un gros bâton avec lequel ils lui ont tapé dessus.

Lorsque nous nous sommes rendus sur les lieux, tout son cerveau était éparpillé au sol. Son crâne était totalement en lambeaux. Cette image ne m’a plus quitté. L'autre cas qui m'a marqué, c’est celui où j'ai perdu un voisin, qui s’appelait Boukar, au cours de l’attentat de Djakana. C'était un ami, membre du comité de vigilance, avec qui nous étions presque tout le temps. Il était très dévoué et disponible.

A peine on s’était séparé que, quelque temps après, on m'a annoncé sa mort. Et lorsque je suis allé voir son corps, je suis resté plus d'une heure sans voix. Je n'ai vraiment pas de mot pour qualifier ce qu'est devenu quelqu'un avec qui on riait, s'amusait il y a peu. Sincèrement, je n’ai que de l’admiration et des encouragements à l’égard de l’armée pour sa détermination et sa bravoure. Et ma foi, ça se ressent. Nous connaissons de moins en moins d’attaques ces derniers temps. C'est difficile de voir des gens chanter et danser alors qu'ils sont en train d'aller au front où tout est aléatoire. Ils le font et c'est admirable.

Avant, il était presqu'impossible de se mouvoir par endroit ou dans certaines localités. Si on peut le faire aujourd'hui, c'est grâce à leur travail. On dit que l’armée viole les droits de l’homme. Vous savez, quand j’entends des critiques sur le travail de l’armée, j’ai envie de pleurer. Je sais que ceux qui le disent n’ont pas la moindre idée de ce que font les terroristes de Boko Haram.

Ils ne savent pas ce dont ils sont capables. Même pas un peu. Quelqu’un qui prend une femme enceinte, la viole, avant de lui tirer dessus ou même de l’égorger sans aucun remord, que signifie pour lui le droit de l’homme ? A leurs yeux, une mouche a plus de valeur qu’un être humain. Parlez-moi du droit des mouches et je serai attentif, mais si ce sont les droits de ces barbares, laissez-moi poursuivre mon chemin.

Nous disons même que l’armée exagère, à trop vouloir traiter ces terroristes comme des gens normaux. On les nourrit, on les soigne, l’armée dépasse même les bornes de la bonté. Pour ma part, depuis qu’on travaille avec les forces de défense et de sécurité, je n’ai pas souvenance d’une exécution sommaire. Il arrive même parfois qu’on interpelle des suspects, mais s'ils n'ont rien de compromettant, on les libère. Parfois, lorsque nous parvenons à neutraliser et interpeller des terroristes, on a envie de leur administrer une bonne correction, mais ce sont les forces de défense qui s'interposent pour nous en empêcher.