Transfert D'AYUK TABE Et CIE : Le service minimum du gouvernement camerounais
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Transfert D'AYUK TABE Et CIE : Le service minimum du gouvernement camerounais :: CAMEROON

Dans une déclaration faite hier lundi 29 janvier 2018, le ministre de la Communication Issa Tchiroma  Bakary est resté sobre dans son propos, laissant planer des interrogations au sujet de l’interpellation du désormais ex président de l’Ambazonie .

C’est dans un ton ferme mais sobre – contrairement à ses habitudes - que le porte-parole du gouvernement camerounais Issa Tchiroma Bakary s’est exprimé pour dire (enfin) la part de vérité du pouvoir de Yaoundé au sujet du « happy end » concernant la traque, l’interpellation et l’extradition de Sisiku Julius Ayuk Tabe et ses lieutenants au Cameroun. Le patron de la Communication annonce alors « qu’un groupe de quarante-sept terroristes, au nombre desquels Monsieur Ayuk Tabe se trouve depuis quelques heures entre les mains de la justice camerounaise » avant d’ajouter que ces derniers « répondront de leurs crimes ».

Issa  Tchiroma  Bakary dit « se féliciter du caractère excellent de la coopération multiforme qu’entretiennent, le Nigeria et le Cameroun notamment au plan sécuritaire » pour conclure par l’engagement du Cameroun et du Nigeria et par là de Paul Biya et Muhammadu Bahari « à ne jamais tolérer que leurs territoires servent de base arrière à des activités de déstabilisation Une sortie, l’on s’en doute, très attendue au regard de nombreuses annonces médiatiques antérieures du transfert à Yaoundé du chef de file des séparatistes anglophones et une dizaine de lieutenants arrêtés début janvier alors qu’ils tenaient à Abuja une réunion. Qui a tout de même laissé les journalistes présents sur leur soif. Plusieurs questions sont restées sans réponses au regard du caractère laconique de la communication mais aussi des péripéties qui ont conduit à la neutralisation ainsi annoncée de Sissuku Ayuk Tabe et ses lieutenants.

Motus et bouche cousue

En effet, depuis son retour au gouvernement à la faveur du réaménagement gouvernemental intervenu en 2009, Issa Tchiroma a rarement été si peu disert surtout pour un événement, qui vu son ampleur du point de vue gouvernemental, tant ces personnes présumées désormais détenues à Yaoundé, étaient depuis le 1er octobre 2017, les ennemis N°1 de l’appareil étatique camerounais. Le ministre de la communication très habile dans la rhétorique a vu la délicatesse du sujet choisi un mode d’expression qui l’a sans doute embarrassé du point de vue de son expression faciale et de sa mine.

Pas moyens de remercier « le président Paul Biya » comme c’est souvent le cas à chacune de ses sorties encore moins une occasion pour se mettre en valeur. Ni de féliciter les forces de sécurité camerounaises pour la traque désormais réussie, du moins si l’on s’en tient à cette annonce, ces personnes ayant proclamé symboliquement l’indépendance des deux régions camerounaises du Sud-Ouest et du Nord-Ouest, il y a un peu plus de 4 mois. La porte-parole du gouvernement n’était pas à l’aise durant son échange avec les hommes de médias. C’est à peine s’il levait la tête pour regarder les objectifs des opérateurs de prise de vue. Il n’a pas dit à quel moment exactement le commando ramenant Sisiku Ayuk Tabe et les siens est arrivé au pays encore moins celui qui conduisait la délégation de Yaoundé. Sans doute, vues les implications diplomatiques, et probablement sécuritaires et surtout juridiques (les réserves relatives au droit international humanitaire sont élevées par les défenseurs de ces militants et dirigeants séparatistes) de ce dénouement provisoire, l’ont-ils obligé à cette sorte de retenue.

L’on sait par exemple que depuis l’annonce par le département de la communication dudit mouvement, dans la nuit du 5 au 6 janvier de « l’enlèvement » de leurs leaders et 9 de ses collaborateurs réunis à l’hôtel Nera, le gouvernement nigérian n’a jamais fait une déclaration publique pour confirmer ou démentir cette information. Tout au plus, dans une communication datée du 24 janvier dernier, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux Réfugiés affirmait encore que les autorités de ce pays leur avaient promis l’accès à ces personnes retenues de même que leur non extradition. Or c’est depuis le dimanche 7 janvier qu’une partie des médias camerounais, notamment certains basés à Yaoundé tels Vision 4 affirmaient que le leader sécessionniste avait été transféré nuitamment à Yaoundé. Information jamais démentie par les autorités camerounaises même si le ministre de la communication, interrogé par Le Messager affirma le même jour ne pas s’exprimer sur des « rumeurs ».

Il précisait alors attendre d’avoir « les informations probantes » avant de s’exprimer. Est-ce donc le cas aujourd’hui, puisque dans le communiqué laconique qu’il a rendu public hier en fin d’après-midi, il déclare qu’ « un groupe de 47 terroristes dont Sissiku Ayuk Tabe (le chef des sécessionnistes, Ndlr) se trouvent depuis quelques heures aux mains de la justice camerounaise devant laquelle ils devront répondre de leurs crimes ».

La réaction officielle du Nigéria attendue

A l’analyse de cet extrait de la communication du Mincom, il persiste une vaste zone d’ombres sur les circonstances de leur arrestation mais surtout de leurs transferts au Cameroun. D’autant que selon les médias qui ont révélé leur présence au Cameroun, c’est depuis plusieurs jours, le 26 janvier 2018 notamment qu’ils auraient été transférés au Cameroun. Autant s’interroger s’il s’agit vraiment d’une extradition intervenue dans le cadre de la coopération entre le Cameroun et le Nigéria que le porte-parole décrit néanmoins comme étant excellente en matière sécuritaire. L’on sait que depuis les événements de fin septembre et début octobre 2017, un ballet diplomatique avait eu lieu entre le Cameroun et les autorités nigérianes.

Ainsi le ministre camerounais de l’AT s’était rendu au Nigéria où il fut reçu, en l’absence du Président Buhari par son vice, Osinbajo. Quelques temps après c’est le haut-commissaire du Nigéria qui était reçu au Palais de l’Unité à Yaoundé par le chef de l’état camerounais en personne. Au sortir de cette audience, il déclara que le Nigéria ne sera jamais favorable à la partition du Cameroun. Alors que l’opinion nigériane s’interrogeait encore tout ce week-end sur le sort des leaders séparatistes présumés détenus par les services d’intelligence nigériane, le député nigérian Abdul Oroh a confirmé dans la matinée la présence des leaders séparatistes au Cameroun. Il a néanmoins qualifié cet événement de « contraire au droit nigérian et international ».

L’on s’en doute bien, les milieux de juristes nigérians ainsi que les défenseurs des droits humains de ce pays vont interpeller le gouvernement nigérian au moins sur son rôle dans cette opération qui, malgré le fait que l’Etat du Cameroun avait annoncé l’émission de mandats d’arrêts internationaux à l’encontre de nombreux leaders séparatistes anglophones au lendemains du 1er octobre 2017, prend les allures d’un véritable western.

Sur place au Cameroun, des avocats et défenseurs des droits de l’homme (tels l’ancien bâtonnier Bernard Muna, Me Claude Assira, Me Agbor Nkongho et Me Minyogog), rendus au Secrétariat d’Etat à défense (SED), qui abrite une prison de haute sécurité, pour s’enquérir de la réalité des informations médiatiques faisant état du transfert à Yaoundé ces personnes, s’étaient entendus dire, selon un message publié sur son compte Facebook par Me Agbor Balla, d’attendre la communication du gouvernement. Elle a effectivement eu lieu pour confirmer la présence à Yaoundé des personnes présumées arrêtées en divers lieu au Nigéria. Mais elle n’a pas répondu à toutes les interrogations que ce développement appelle. Autant dire que les prochains jours permettront d’en savoir plus sur cette opération manifestement « Secret defense » tel qu’a titré ce matin notre excellent confrère « Mutations ».

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